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puisqu’ils ont rejeté et fui la gloire. Et encore en une autre occasion les apôtres disent : « Mes amis, que voulez-vous faire ? Nous ne sommes que des hommes non plus que vous ».(Act. 14,14) N’est-ce pas parce qu’ils ne faisaient rien par eux-mêmes, que pour le persuader de même au peuple, les apôtres ont dit toutes ces choses ? et Jésus-Christ, s’il avait eu ce sentiment de soi, n’aurait-il pas parlé de même, n’aurait-il pas, comme eux, détourné cette opinion et fait connaître au peuple son erreur, j’entends, s’il n’avait pas opéré par sa propre autorité ? Et qui oserait dire le contraire ? Cependant il parle tout autrement, il dit : « Je dis ceci pour le peuple qui m’environne, afin qu’ils croient » : donc, s’ils avaient cru il n’eût point été besoin de prières. Mais s’il n’était pas indigne de lui de prier, pourquoi en rejette-t-il la cause sur eux ? pourquoi n’a-t-il pas dit : Afin qu’ils croient que je ne suis point égal à vous ? Il fallait, en effet, qu’il en vînt là pour détruire cette opinion.
Lorsque les Juifs ont seulement eu la pensée qu’il détruisait la loi, Jésus-Christ, avant même qu’ils en parlent, leur découvre leur pensée et le sentiment de leur cœur, et leur dit : « Ne pensez pas que je sois venu détruire la loi » (Mt. 5,17) ; mais au sujet de l’égalité il fait tout le contraire, il en confirme l’opinion. Et qu’était-il besoin de détours et de paroles ambiguës et énigmatiques ? Il lui suffisait de dire : Je ne suis point égal à Dieu, et de résoudre la question. Quoi donc ? N’a-t-il pas dit, repartirez-vous : a Je ne fais point ma « volonté ? » Mais ce que vous alléguez là, il l’a dit par une sorte de déguisement, et à cause de la faiblesse de ses auditeurs, et aussi pour la même raison qu’il a prié. Mais que veulent dire ces paroles : « De ce que vous m’avez exaucé ? » Elles signifient : Il n’y a rien de contraire entre vous et moi. Comme donc ce mot : « Vous m’avez exaucé », ne signifie pas qu’il n’eut point le pouvoir d’opérer la résurrection de Lazare (car, si telle en était la signification, il n’y aurait pas seulement eu en lui une impuissance, mais encore une ignorance, puisqu’avant sa prière il n’aurait pas su si Dieu devait l’exaucer ; mais s’il l’ignorait, comment a-t-il pu dire : « Je vais le ressusciter ? » (Jn. 11,11) Et il n’a point dit : Je vais prier mon père de le ressusciter) ; comme, dis-je, cette parole : « Vous m’avez exaucé », est une marque, non de faiblesse et d’impuissance, mais de concorde et d’union ; de même celle-ci : « Vous m’exaucez toujours », n’a point d’autre signification. Et c’est là ce qu’il faut dire, ou que Jésus-Christ a dit ces choses pour répondre à l’opinion des Juifs. Or, s’il n’y avait en Jésus-Christ ni ignorance ni impuissance, il est visible qu’il ne s’est servi de ces expressions basses qu’afin que par l’hyperbole même vous croyiez, et vous soyez forcé d’avouer qu’en disant ces choses, Jésus-Christ n’a point parlé selon sa nature et sa dignité, mais pour s’accommoder à la faiblesse de ses auditeurs.
Que répliquent donc les ennemis de la vérité ? Que ces paroles : « Vous m’avez exaucé », Jésus-Christ ne les a point dites pour se proportionner à la faiblesse de ses auditeurs, mais pour faire connaître son excellence et sa supériorité sur les autres créatures. Mais ce n’était point là montrer cette supériorité, cette excellence, c’était, au contraire, agir d’une manière très-basse, et faire voir qu’il n’avait rien de plus que les autres hommes. Car prier, cela n’est point d’un Dieu, ni de celui qui est assis sur le même trône. Et ne voyez-vous pas que Jésus n’en vient là et ne s’abaisse jusqu’à ce point qu’à cause de leur incrédulité ? Reconnaissez du moins que le fait même est la preuve et une parfaite démonstration de son autorité. Jésus a appelé le mort, et le mort est sorti du tombeau, ayant les pieds et les mains liés de bandes. Mais de peur qu’on ne prît cela pour une illusion, et qu’on ne regardât Lazare comme un fantôme (en effet, sortir d’un tombeau, ayant les mains et les pieds liés, ce n’était pas une chose moins étonnante que de ressusciter), il ordonna de le délier, afin que ceux qui le touchaient et s’approchaient de lui, vissent qu’il était véritablement Lazare. Et il dit : « Laissez-le aller (44) ».
Ne remarquez-vous pas en cela, mes frères, combien Jésus est éloigné du faste ? il n’amène point Lazare avec lui, il ne lui ordonne pas de le suivre, il use d’une très-grande modestie, afin qu’on ne l’accuse pas de vanité et d’ostentation. Les uns se contentèrent d’admirer ce miracle, les autres furent rapporter aux pharisiens ce que Jésus venait de faire. A cette nouvelle, quelle est la contenance, quelle est la conduite des pharisiens ? Ne croiriez-vous pas qu’ils sont ravis d’admiration et frappés d’étonnement ? Non, ils en sont bien éloignés ils s’assemblent, et pourquoi ? Pour