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-Christ opère par la vertu des prières, qu’a-t-il de plus que les apôtres ? Mais les apôtres eux-mêmes ne faisaient pas tous les miracles par la prière, souvent ils se servaient du nom de Jésus sans faire aucune autre prière. Or, si le seul nom de Jésus a eu tant de vertu et de puissance, comment peut-on dire qu’il ait eu lui-même besoin de prier ? S’il avait été dans cette nécessité, certainement son nom n’aurait point eu un si grand pouvoir. Lorsqu’il a formé l’homme, de quelles prières a-t-il eu besoin ? Dans cette création ne voit-on pas une grande et parfaite égalité entre le Père et le Fils ? « Faisons l’homme », dit-il. Or, qu’y aurait-il de plus faible que Jésus-Christ, s’il avait été dans la nécessité de prier ?

Mais examinons quelle est cette prière qu’il fait : « Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé ». Qui a jamais prié de cette manière ? Il commence par dire : « Je vous rends grâces », faisant voir qu’il n’a point besoin de prier. « Pour moi, je savais que vous m’exaucez toujours ». Jésus-Christ a dit cela, non pour marquer qu’il ne pouvait pas lui seul faire le miracle, mais pour faire connaître que la volonté du Père et la sienne ne sont qu’une seule et même volonté. Pourquoi a-t-il usé de cette forme de prière ? Ne m’écoutez point, écoutez-le lui-même, il va, vous l’apprendre : C’est, dit-il, « pour ce peuple qui m’environne, afin qu’ils croient que c’est vous qui m’avez envoyé ». Le Sauveur n’a point dit : Afin qu’ils connaissent que je suis moins grand que vous, que j’ai besoin de la grâce d’en haut, et que je ne puis opérer le miracle, sans faire précéder la prière, mais « que c’est vous qui m’avez envoyé ». Car cette prière signifie tout cela, si on la prend dans le sens simple et naturel qu’elle exprime. Jésus n’a point dit : Vous, m’avez envoyé faible et impuissant, tel qu’un serviteur qui ne peut rien faire de lui-même : mais sans faire mention d’aucune de ces choses, de peur toutefois que vous n’en soupçonniez quelqu’une, il produit la véritable raison qu’il a eu de prier. C’est, dit-il, afin qu’ils ne me croient pas contraire à Dieu, qu’ils ne disent pas : Il n’est point envoyé de Dieu ; afin de leur faire voir que l’œuvre que je fais est conforme à votre volonté ; c’est comme s’il disait : Si j’étais contraire à Dieu, je n’aurais pu opérer ce miracle. Au reste : « Vous m’avez écouté », c’est une de ces paroles que l’on dit entre amis et égaux. « Pour moi, je savais que vous m’exaucez toujours » ; c’est-à-dire, pour accomplir nia volonté, je n’ai pas besoin de prier, mais je le dis afin de les persuader que dans vous et dans moi il n’y a qu’une seule volonté. Pourquoi donc priez-vous ? C’est par considération pour ceux qui sont faibles et grossiers.

« Ayant dit ces choses, il cria à haute voix (43) ». Pourquoi n’a-t-il pas dit : Au nom de mon Père, sortez ? Pourquoi n’a-t-il pas dit : Mon Père, ressuscitez-le ? Mais il omet toutes ces choses, et lors même, qu’il prend la posture d’un homme qui prie, il montre sa puissance par l’œuvre même, qu’il fait. Il était de la sagesse du divin Sauveur de faire connaître son, humilité par ses paroles, et sa puissance par ses œuvres En un mot, comme les Juifs ne lui pouvaient faire aucun autre reproche, que de n’être point envoyé de Dieu, comme aussi ils se servaient de cette accusation pour abuser et tromper le peuplé ; Jésus-Christ leur prouve très-clairement par ses paroles qu’il est envoyé de Dieu, et de la manière que le demandait leur faiblesse. Il pouvait leur montrer d’une autre façon, et sans déroger, cette conformité de volontés : mais le peuple n’aurait pu atteindre à cette considération, elle était au-dessus de sa portée. Jésus a dit : « Lazare, sortez dehors ». Et c’est là l’accomplissement de ce qu’il avait dit : « L’heure vient, où les morts entendront la voix, du Fils de Dieu ; et que ceux qui l’entendront, vivront ». (Jn. 5,25) Car, afin que vous ne croyiez pas qu’il a reçu d’un autre la vertu et la puissance de ressusciter les morts, il vous a prédit auparavant qu’il les ressusciterait, et maintenant il le prouve par le fait. Il n’a point dit : Levez-vous ; mais : « Sortez dehors », parlant au mort comme s’il était vivant.

3. Est-il rien d’égal à cette puissance ? S’il n’a pas fait ce miracle par sa propre vertu, qu’a-t-il au-dessus des apôtres qui disent « Pourquoi avez-vous les yeux sur nous, comme si nous avions fait marcher ce boiteux par notre puissance, ou par notre piété ? » (Act. 3,12) Si Jésus n’a pas fait le miracle par sa propre vertu, pourquoi, après l’avoir fait, n’a-t-il pas dit ce que les apôtres disaient d’eux-mêmes ? Si ce n’est point par sa propre vertu que Jésus a fait cette œuvre, sûrement les apôtres ont mieux pratiqué la vraie philosophie ou l’humilité que Jésus-Christ même,