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pour pleurer, ils la suivirent tous, et peut-être même cela servit à confirmer la mort de Lazare.
« Et elle se jeta à ses pieds (32) ». Marie était plus fervente que sa sueur ; elle ne craignit pas cette foule de peuple qui l’accompagnait, ni le soupçon qu’avaient formé les Juifs sur le pouvoir de Jésus, car plusieurs de ses ennemis disaient : « Ne pouvait-il pas empêcher qu’il ne mourût, lui qui a ouvert les yeux à un aveugle-né ? » Mais le Maître est présent, c’en est assez pour chasser tous les raisonnements humains : elle n’est attentive qu’à l’honorer et à lui donner publiquement des marques de son amour. Et que dit-elle ? « Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort ». Que répond Jésus-Christ ? Il ne lui parle point encore, il ne lui dit même pas ce qu’il avait dit à sa sueur, car il y avait là un grand peuple, et ce n’était point le temps de parler de ces choses. Mais il s’accommode au temps et aux personnes, il s’abaisse, et faisant connaître qu’il a une nature humaine, il pleure un peu, et cependant il diffère d’opérer le miracle. Comme le miracle qu’il fallait faire était grand, et tel que rarement il en avait fait de semblables ; comme aussi en le voyant plusieurs allaient croire en lui, de peur que s’il l’eût fait en l’absence du peuple, on n’y crût point, et qu’on n’en retirât aucun profit, le divin Sauveur attire beaucoup de témoins, se proportionnant en cela à la faiblesse de notre nature, pour ne pas perdre cette proie. Et il montre ce qu’il a d’humain, il pleure, il se trouble ; en effet, l’affection humaine a coutume d’exciter des larmes. Ensuite, Jésus sentant son âme s’attendrir et les larmes lui venir aux yeux, car ces mots : « Il frémit en son esprit », marquent ces mouvements intérieurs, il les retint et calma le trouble qui paraissait au-dehors, et alors il dit : « Où l’avez-vous mis (34) ? » pour ne pas faire cette demande en pleurant. Mais pourquoi demande-t-il ? Parce qu’il ne voulait pas aller au devant de leurs sollicitations, mais au contraire les attendre et les écouter, afin qu’ensuite le miracle fût exempt de tout soupçon. « Ils lui répondirent : Seigneur, venez et voyez. Alors Jésus pleura (35) ».
Remarquez-vous, mes frères, que Jésus n’a encore donné aucun signe de la résurrection qu’il voulait faire, et qu’il semble aller au tombeau, non pour, ressusciter Lazare, mais pour le pleurer ? Les Juifs nous le font eux-mêmes connaître par ce qu’ils disent : « Voyez comme il l’aimait (36) ; mais il y en eut » aussi « quelques-uns qui dirent : Ne pouvait-il pas empêcher qu’il ne mourût, lui qui a ouvert les yeux à un aveugle-né (37) ? » Ces Juifs étaient dans le deuil et dans l’affliction, et ils n’avaient point encore réprimé la malice de leur cœur ! Mais, ô Juifs, Jésus-Christ va faire une œuvre beaucoup plus merveilleuse, car il est bien plus grand et plus admirable de rappeler un mort a la vie, que d’empêcher un homme vivant de mourir et de chasser la mort qui le presse. Ce qui devait donc leur faire admirer sa vertu et sa puissance, est cause qu’ils le calomnient. Mais néanmoins ils confessent que Jésus-Christ a ouvert les yeux à un aveugle : et au lieu de l’admirer pour ce prodige, ils s’en servent, au contraire, pour lui reprocher de n’avoir pas fait encore cet autre miracle. Ce n’est point seulement en cela que se manifeste leur perversité et la corruption de leur cœur ; c’est encore en ceci qu’avant même que Jésus fût arrivé, et avant qu’il eût rien fait, sans attendre l’événement, sans savoir ce qu’il fera, ils lui adressent des reproches. Ne voyez-vous pas quelle était leur prévention ?
2. Jésus vint donc au sépulcre, et de nouveau il réprime son attendrissement. Pourquoi et dans quel dessein l’évangéliste répète-t-il expressément plusieurs fois que Jésus avait pleuré, et qu’il avait frémi ? C’est pour nous apprendre qu’il s’était véritablement revêtu de notre nature. Comme saint Jean avait beaucoup plus parlé de Jésus-Christ, et en avait dit de plus grandes choses que tous les autres évangélistes, il a fait plusieurs fois remarquer en lui les faiblesses humaines, les infirmités de la nature corporelle. Saint Jean dans l’histoire de la passion, n’entre pas dans les mêmes détails que les autres évangélistes : il ne dit pas que Jésus fut triste, qu’il tomba en agonie, mais il rapporte, au contraire, qu’il renversa par terre ceux qui étaient venus pour le prendre : ce qu’il a donc omis en cet endroit, il le supplée ici, en racontant qu’il pleura, qu’il se troubla, qu’il frémit. En effet, lorsque saint Jean parle de la mort de Jésus-Christ, il se sert de, ces termes : « J’ai le pouvoir de quitter la vie » (Jn. 10,13) ; rien ici qui se ressente de la faiblesse de notre nature. Mais les autres évangélistes, voulant