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quoiqu’il connût bien leur mauvaise intention. Et en effet, à juger d’eux par la manière dont ils s’étaient assemblés autour de lui, et avaient dit : « Jusques à quand nous tiendrez-vous l’esprit en suspens ? » ils semblaient avoir quelque amour pour lui, et on aurait pu croire qu’un sincère désir de connaître la vérité les portait à lui faire cette demande. Mais ces faiseurs de questions étaient de méchants esprits et des fourbes. Comme il ne leur était pas facile de calomnier les œuvres de Jésus-Christ, ils cherchaient à le surprendre dans ses paroles, ils en détournaient le sens et lui adressaient de fréquentes questions, espérant le réfuter et le confondre par son propre langage ; et comme il n’y avait pas moyen de blâmer ses œuvres, ils cherchaient l’occasion de le censurer sur ses paroles ; c’est pourquoi ils disaient : « Dites-nous ».

Mais ce que vous demandez, il l’a souvent déclaré ; il a formellement, dit à la Samaritaine : « C’est moi qui vous parle » (Jn. 4,26) ; il a dit à l’aveugle : « Vous l’avez vu ; et c’est celui-là même qui vous parle ». (Jn. 9,37) Il le leur a dit aussi à eux-mêmes, mais en d’autres termes. Et s’ils avaient eu du bon esprit et du sens ; s’ils avaient bien voulu examiner la chose, ils auraient reconnu et confessé pour le Christ celui qui ; par ses œuvres, leur avait souvent prouvé qu’il l’était. Considérez maintenant leur méchanceté. Quand il prêche et les instruit par ses paroles, ils disent : « Quel miracle faites-vous ? » Et lorsque, par ses œuvres et ses miracles, il découvre et manifeste ce qu’il est, ils lui disent : « Si vous êtes le Christ, dites-le-nous clairement ». Lorsque les œuvres le crient et le publient, ils demandent des paroles, et lorsque les paroles le leur annoncent, ils demandent des œuvres ; ainsi ils ne sont point d’accord avec eux-mêmes. Mais la suite a bien fait voir, qu’ils ne l’avaient pas interrogé pour s’instruire et connaître la vérité, car ils jettent incontinent des pierres à celui même qu’ils font mine de vouloir croire sur son propre témoignage, si seulement il ouvre la bouche pour se le rendre. C’est donc avec un esprit malin et par une mauvaise intention qu’ils s’assemblent autour de lui et le pressent de se déclarer. La manière aussi dont ils l’interrogent montre une grande animosité : « Dites-nous clairement si vous êtes le Christ ». Mais il leur parlait publiquement dans leurs fêtes solennelles où il se trouvait toujours, et il ne disait rien en secret ; c’est pour cela qu’ils lui disent d’une manière flatteuse : « Jusques à quand nous tiendrez-vous l’esprit en suspens ? » pour tâcher de tirer quelque chose de sa bouche, qui leur donne lieu de l’accuser.

Ce n’est pas seulement par là qu’on prouve qu’ils l’interrogeaient malicieusement, non pour s’instruire, mais pour le surprendre dans ses paroles, et avoir de quoi le calomnier. On le prouve encore par bien d’autres endroits. Lorsqu’ils lui envoyèrent faire cette question : « Nous est-il libre de payer le tribut à César, ou de ne le pas payer ? » (Mt. 22,17) Lorsqu’ils vinrent lui demander s’il était permis à un homme de répudier sa femme (Mt. 19,3) ; et lorsqu’ils l’interrogèrent sur la femme qu’on disait avoir eu sept maris (Mt. 22,25), ils firent assez connaître qu’ils ne lui avaient fait toutes ces questions que par malice, et dans le dessein de le surprendre et non de s’instruire. Mais alors Jésus les reprit, en leur disant : « Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? » (Mt. 22,13) Faisant connaître qu’il voyait ce qui se passait dans le secret de leur cœur. Mais ici il ne leur dit rien de semblable, pour nous apprendre qu’il ne faut pas toujours faire des reproches à ceux qui nous tendent des pièges, et qu’il faut souffrir bien des choses avec douceur et avec résignation.

Comme donc il y avait de la folie à demander le témoignage de la parole, là où les œuvres parlaient d’elles-mêmes, et publiaient hautement ce qu’il était ; voici de quelle manière leur répond Jésus-Christ, faites-y attention, mon cher auditeur. D’abord, il leur insinue que c’est sans sujet qu’ils lui font cette demande, et non pour s’instruire et connaître la vérité ; ensuite il leur montre que par ses œuvres il leur a plus clairement déclaré ce qu’il est, qu’il ne le ferait par ses paroles mêmes. Car il dit : « Je vous l’ai souvent dit, et vous ne me croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père, rendent témoignage de moi (25) ». Jésus leur fait cette réponse, parce que ceux qui parmi eux étaient les plus doux et les plus modérés, se disaient souvent les uns aux autres : « Car un méchant homme ne peut pas faire de tels prodiges » (Jn. 9,16) ; et encore : « Le démon ne peut pas ouvrir les yeux des aveugles ». (Jn. 10,21) Et derechef : « Personne