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prison ? Mais, je vous prie, les habitants de cette ville sont-ils tous justes ? Ne s’y en trouvera-t-il pas plusieurs qui sont plus méchants que ceux qui sont en prison, et qui volent avec plus d’impudence ? Ceux-là cherchent au moins les lieux écartés et les ténèbres, attendent la nuit et se cachent pour faire leur coup : mais ceux-ci, quittant le masque, commettent le crime à visage découvert, sont violents, emportés, avares, et ravissent effrontément le bien d’autrui. Ah ! qu’il est rare de trouver un homme juste et innocent !
6. Que si nous ne ravissons pas de grosses sommes d’argent, ou bien encore tel ou tel nombre d’arpents de terre ; ces mêmes vols, nous faisons tout ce que nous pouvons pour les faire adroitement et furtivement dans les petites choses. Lorsque, dans notre commerce, soit en achetant, soit en vendant, nous faisons tous nos efforts et nous employons toutes les ruses et tous les artifices imaginables pour tromper et ne pas donner la juste valeur, ou surfaire le prix, n’est-ce pas là un vol et une rapine ? N’est-ce pas là un brigandage ? Et ne me venez pas dire que vous n’avez point volé de maisons ni d’esclaves. L’injustice ne se mesure pas sur le prix de la chose qu’on a volée, mais sur la volonté de celui qui vole. La justice et l’injustice ont la même balance et se montrent également dans les grandes et dans les petites choses ; et j’appelle un voleur, tant celui qui, coupant la bourse, emporte l’or, que celui qui, en achetant, retient quelque chose du prix convenu ; et je dis abatteur de murailles, non seulement celui qui passe à travers pour voler quelque chose au dedans, mais encore celui qui, violant le droit, fait tort à son prochain. Ce que nous avons fait, ne l’oublions donc pas, pour nous établir ensuite juge des autres ; et lorsque l’occasion se présente d’exercer l’humanité et la charité, n’allons point rechercher le vice et l’injustice, mais ce que nous avons été autrefois ; et par là devenons enfin doux et miséricordieux.
En quel état étions-nous donc ? Écoutez saint Paul, il va nous l’apprendre : « Nous étions aussi nous-mêmes autrefois désobéissants, insensés, égarés » du chemin de la vérité, « asservis à une infinité de passions et de voluptés, dignes d’être haïs, et nous haïssant les uns les autres » (Tit. 3,3) ; et encore : « Par la naissance naturelle, nous étions enfants de colère ». (Eph. 2,3) Mais Dieu nous voyant avec compassion comme des prisonniers qui sont détenus dans une prison et chargés de grosses chaînes, beaucoup plus rudes et plus pesantes que des chaînes de fer, n’a pas rougi de nous venir visiter : il est entré dans notre prison, nous en a tirés, quoique nous fussions dignes de mille supplices ; nous a amenés dans son royaume (Col. 1,13) et nous a rendus plus brillants que le ciel ; afin que nous aussi, selon notre pouvoir, nous fassions la même chose pour nos frères. Quand Jésus-Christ dit à ses disciples : « Si je vous ai lavé les pieds, moi qui suis » votre « Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car je vous ai donné l’exemple, afin que, pensant à ce que je vous ai fait, vous fassiez aussi de même ». (Jn. 13,14) Il ne nous commande pus seulement de nous laver les pieds mutuellement, mais encore d’imiter toutes les autres choses qu’il a faites pour nous.
Celui qui est en prison est un homicide ? Ne nous abstenons pas pour cela de faire une bonne action. C’est un misérable qui a fouillé dans les sépulcres, ou un adultère ? N’ayons pas pitié du péché, mais de la misère du pécheur. Mais souvent, comme j’ai dit, il se trouvera, dans ce lieu, quelqu’un qui vaudra des milliers d’hommes ; et si vous allez souvent voir les prisonniers, ce gibier-là ne vous échappera point. Comme Abraham, qui recevait généralement tous les étrangers, rencontra des anges ; nous, de même, nous rencontrerons de grands hommes, si nous allons souvent dans la prison. Mais s’il m’est permis de vous dire une chose qui vous surprendra et vous étonnera, c’est que celui qui reçoit dans sa maison un grand, un homme considérable, n’est pas digne de si grandes louanges que celui qui y reçoit un malheureux et un misérable, parce que celui-là porte avec soi de quoi se faire bien recevoir, je veux dire sa condition, sa dignité ; mais un pauvre misérable, que tout le monde rebute et méprise, n’a qu’un seul port, qu’un seul asile, savoir : la pitié, la compassion de celui qui veut bien le recevoir ; de sorte qu’il n’y a pas de charité plus pure que celle-là. Celui qui rend des services à un homme illustre et célèbre, le fait souvent par ostentation ; mais celui qui reçoit un homme abject et méprisable, ne le fait que pour accomplir le commandement du Seigneur.
C’est pourquoi, si nous faisons un festin, il