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tant que les regards de ces prostituées, leurs habillements, leurs paroles, leur manière de marcher, et le reste occuperont leur imagination. Mais ceux qui sortent de ces autres spectacles, n’éprouveront rien de pareil, ou plutôt ils jouiront d’une grande paix et d’une grande tranquillité. La tristesse qu’inspire la vue de ces malheureux qui sont dans les fers, éteint entièrement tous les feux de la concupiscence. Si celui qui sort de la prison vient à rencontrer une femme débauchée, cette rencontre sera sans péril. Son âme, comme si elle était devenue indomptable, ne se laissera point prendre à ces sortes de filets, ayant devant les yeux la crainte des jugements de Dieu, qui la préservera du coup mortel des regards de cette malheureuse. Voilà pourquoi celui qui avait éprouvé toutes sortes de voluptés disait : « Il vaut mieux aller à une maison de deuil qu’à une maison de ris ». (Qo. 7,3) Celui qui aura pratiqué en ce monde la philosophie que je vous prêche maintenant, s’entendra dire en l’autre les paroles les plus consolantes.
Ne négligeons donc pas, mes chers frères, cette bonne œuvre. Quand même nous ne pourrions rien porter à manger aux prisonniers, ni soulager leur détresse avec de l’argent, nous pourrons du moins les consoler par nos paroles, relever leur âme abattue, les assister en bien d’autres choses ; soit en parlant pour eux à ceux qui les ont fait mettre en prison ; soit en rendant les geôliers plus doux et plus compatissants ; à cela nous ne saurions manquer de faire un bénéfice, petit ou grand. Peut-être vous direz : Il n’y a là ni honnête homme, ni gens de bien ; mais ce sont tous des meurtriers, des assassins, des sacrilèges qui ont été fouiller dans les sépulcres, des voleurs, des adultères, des impudiques et des gens coupables de beaucoup de crimes : ah ! ce que vous me répondez là prouve la nécessité de visiter ces malheureux. Le Seigneur ne nous commande pas d’assister les bons et de punir les méchants, mais d’avoir de l’humanité généralement pour tous, et de répandre sur tous nos charités. En effet, il dit : « Soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes ». (Mt. 5,45)
Ne faites donc pas aux autres de trop rudes réprimandes, et ne soyez pas un juge trop sévère, mais montrez-vous doux et humain. Nous-mêmes, quoique nous ne soyons pas (les adultères, de ceux qui portent des mains sacrilèges sur les sépulcres, ni des voleurs, nous sommes coupables de bien d’autres fautes qui sont dignes de mille supplices : ou nous avons appelé fou notre frère, et par là nous avons mérité le feu de l’enfer (Mt. 5,28) ; ou nous avons regardé des femmes avec un mauvais désir, et c’est là un véritable adultère ; ou ce qui est le plus grave et le plus énorme de tous les crimes, nous avons participé indignement aux saints mystères, et nous nous sommes rendus coupables du corps et du sang de Jésus-Christ. (1Cor. 11,27) N’examinons donc pas à la rigueur ce que font les autres, mais pensons à ce que nous avons fait nous-mêmes ; et de cette sorte nous réprimerons cet esprit d’inhumanité et de cruauté, qui nous éloigne des prisons.
Mais en outre, on peut dire que nous trouverons dans les prisons beaucoup de gens de bien, et qui valent mieux quelquefois que tous leurs concitoyens ensemble. La prison où était Joseph renfermait bien des méchants (Gen. 39,20) ; néanmoins ce juste avait soin de tous les prisonniers, et il était confondu avec eux, sans que l’on sût qui il était. Bien que son mérite l’égalât à l’Égypte entière, il était pourtant enfermé dans une prison, et personne ne le connaissait. Maintenant aussi il est vraisemblable qu’il y a dans les prisons beaucoup d’hommes vertueux et honnêtes, quoiqu’ils ne soient pas connus de tout le monde ; le soin que vous aurez de ceux-ci vous dédommagera pleinement des bons offices que vous rendrez aux autres. Mais quand même il ne s’y trouverait pas un seul homme de bien, une grande récompense ne vous serait pas moins réservée. Certes, votre Seigneur ne parlait pas seulement aux justes, ne rejetait pas les pécheurs ; il reçut avec beaucoup de bonté la Chananéenne et l’impure Samaritaine ; il reçut et guérit aussi une autre femme débauchée, ce dont les Juifs lui firent des reproches ; et il souffrit que ses pieds fussent lavés des larmes d’une femme impudique, pour mous apprendre à traiter humainement les pécheurs : car en cela consiste par excellence la charité. Que dites-vous ? Des voleurs et des misérables, qui ont porté leurs mains sacrilèges dates les, sépulcres, remplissent la