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de quitter la vie qu’en nous tuant nous-mêmes. Mais si nous tombons dans une embuscade et a la merci d’assassins, nous n’avons plus alors le pouvoir de quitter ou de ne pas quitter la vie, mais ces assassins nous tuent marré nous. Il en est tout autrement de Jésus-Christ ; quoiqu’on lui dressât dés embûches, il avait le pouvoir de ne pas quitter la vie.
Le Sauveur donc ayant dit : « Personne ne me la ravit », a ajouté : « J’ai le pouvoir de quitter ma vie » ; c’est-à-dire, moi seul, je puis la quitter ; pouvoir que vous n’avez point : et en effet, plusieurs peuvent nous ôter la vie. Mais il n’a point dit cela au commencement, parce qu’on ne l’aurait pas cru. Maintenant que les faits qui s’étaient passés lui servaient de témoignage et de preuve, comme on lui avait souvent dressé des embûches, vainement et sans pouvoir le rendre, car très-souvent il s’était échappé des mains des Juifs, il pouvait dire désormais : « Personne ne me la ravit ». Or, s’il en est ainsi, il s’ensuit qu’il s’est volontairement livré à la mort ; et de là résulte la preuve qu’il a le pouvoir de reprendre la vie lorsqu’il le voudra. En effet, si une telle mort est au-dessus de la nature humaine, ne doutez point du reste : puisqu’il est seul le maître de quitter la vie, il la reprendra en vertu du même pouvoir, quand il le voudra. Remarquez-vous comment, par l’une de ces choses il prouve l’autre ? comment, par la manière dont il meurt, il rend sa résurrection indubitable ?
« J’ai reçu ce commandement de mon Père ». Quel commandement ? de mourir pour le monde. A-t-il attendu, pour en prendre la résolution, que son Père lui en ait fait le commandement ? ne s’y est-il déterminé qu’alors, et a-t-il eu besoin d’apprendre la volonté de son Père ? Et quel est l’homme assez fou, assez insensé pour parler de la sorte ? Mais comme en disant ci-dessus : « C’est pour cela que mon Père m’aime », il montre une volonté libre, et il écarte tout soupçon d’antagonisme ; ici de même, quand il dit qu’il a reçu le commandement de son Père, il ne veut dire autre chose, sinon que ce qu’il fait est agréable à son Père ; afin qu’ensuite les Juifs, après l’avoir fait mourir, ne crussent pas que son Père l’avait abandonné et livré à la mort, et ne lui fissent pas ce reproche qu’ils lui firent en effet : « Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même » (Mt. 27,42) ; et : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ». (Id. 40) Mais c’est justement parce qu’il est le Fils de Dieu qu’il n’en descend pas.
3. Et de peur qu’entendant ces paroles : « J’ai reçu ce commandement de mon Père », vous ne pensiez que cette œuvre n’était pas volontaire, et que Jésus mourait marré lui, il a dit auparavant : « Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis », par où il montre que les brebis lui appartiennent, que l’œuvre qu’il fait est entièrement à lui et qu’il n’a pas besoin de commandement. S’il lui avait fallu un commandement, pour quelle raison aurait-il dit : « C’est de moi-même que je la quitte (18) ? » En effet, celui qui quitte la vie de soi-même, n’a pas besoin de commandement. Et même la raison pour laquelle il la quitte, il la déclare. Quelle est-elle ? c’est qu’il est Pasteur, et le bon Pasteur. Or, le bon Pasteur n’a pas besoin qu’un autre l’exhorte à donner sa vie pour le salut de ses brebis. Que si, à l’égard des hommes, une pareille exhortation n’est pas nécessaire, à plus forte raison ne l’est-elle point à l’égard d’un Dieu. C’est pourquoi saint Paul disait de lui : « Il s’est anéanti lui-même ». (Phil. 2,7). Jésus-Christ donc, en cet endroit, par ce mot : « Commandement », ne veut marquer autre chose que son union parfaite avec le Père. Que s’il s’exprime en des termes si humains et si humbles, il faut s’en prendre à la faiblesse et à la grossièreté de ses auditeurs.
« Ce discours excita donc une division parmi les Juifs (19). Les uns disaient : il est possédé du démon, il a perdu le sens : pourquoi l’écoutez-vous (20) ? » Mais les autres disaient : « Ce ne sont pas là des paroles d’un homme a possédé du démon. Le démon peut-il ouvrir les yeux d’un aveugle (21) ? » Ce que disait le Sauveur étant plus qu’humain, tout extraordinaire et bien au-dessus du langage des hommes, pour cette raison les Juifs le disaient possédé du démon, et ils l’ont déjà quatre fois appelé de ce nom. Ils avaient dit auparavant : « Vous êtes possédé du démon. Qui est-ce qui cherche à vous faire mourir ? » (Jn. 7,20) Et derechef : « N’avons-nous pas eu raison de dire que vous êtes un samaritain, et que vous êtes possédé du démon ? » (Id. 8,48) Et ici : « Il est possédé du démon, il a perdu le sens : pourquoi l’écoutez-vous ? » Mais ce n’est pas seulement quatre fois, c’est bien souvent que Jésus-Christ a dû s’entendre qualifier de possédé. Ces paroles seules : N’avons-nous pas eu raison de dire que vous êtes possédé du démon ? montrent évidemment que ce n’est pas deux ou trois fois qu’ils l’ont injurié de la sorte, mais fort souvent.
« Les autres disaient », dit l’évangéliste, « ce ne sont pas là des paroles d’un homme possédé du démon. Le démon peut-il ouvrir les yeux