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En effet, comme les scribes et les pharisiens appelaient souvent Jésus un séducteur, et confirmaient le peuple dans cette opinion par leur incrédulité, disant : « Y a-t-il quelqu’un a des sénateurs qui ait cru en lui ? » (Jn. 7,48), il leur fait voir, et leur dit qu’il n’est pas un séducteur parce qu’ils le croient tel, mais que c’est eux-mêmes qu’il faut appeler séducteurs et méchants, parce qu’ils ne l’écoutent pas et ne croient point en lui ; et aussi que, pour cette raison, ils sont justement chassés de la bergerie. S’il est du pasteur d’entrer par la vraie porte, et si c’est par là que Jésus est entré, tous ceux qui le suivent pourront être des brebis ; ceux au contraire qui se sont séparés, n’ont pas pour cela fait tort au pasteur, mais ils s’en sont fait à eux-mêmes en se séparant de la société des brebis. Que si ensuite il se dit lui-même la porte, ne vous troublez pas : il se dit lui-même et le pasteur et la brebis, selon les différentes fonctions qu’il s’attribue. Ainsi quand il nous offre à son Père, il se dit la porte ; quand il prend soin de nous, il se dit le pasteur. Et il se dit le pasteur, afin que vous ne croyiez pas que nous offrir à son Père, ce soit là toute son œuvre.
« Et les brebis entendent sa voix, et il appelle ses propres brebis, et il va devant elles ». Cependant, dans l’usage commun, c’est tout le contraire, les pasteurs suivent les brebis. Mais Jésus-Christ, pour montrer qu’il mènera tous les hommes à la vérité, agit contre la coutume des pasteurs ; de même que, quand il a fait sortir ses brebis, il ne les a pas éloignées des loups (Mt. 10,16), mais il les a envoyées au milieu d’eux le soin pastoral chez le divin pasteur est bien différent de ce qu’il est chez nous ; il est autrement admirable.
3. Au reste, il me semble que c’est l’aveugle qui est ici désigné, puisque Jésus l’a appelé lorsqu’il était au milieu des Juifs, et que celui-ci a entendu sa voix et l’a reconnu. « Et elles ne suivent point un étranger, parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers (5) ». En cet endroit Jésus-Christ parle de ceux qui ont suivi Théodas ou Judas (Act. 5,36), dont il est écrit que tous ceux qui ont cru en eux, se sont dissipés, ou encore des faux christs qui devaient séduire bien des gens dans la suite. Et de peur que les pharisiens ne disent qu’il était un de ces faux christs, il fait voir qu’il est bien différent d’eux.
La première différence qu’il apporte consiste en ce que sa doctrine provenait des Écritures, et que c’est par là qu’il conduisait ses brebis : or, les autres ne faisaient pas de même. La seconde, c’est l’obéissance de ses brebis. Ses brebis n’ont pas seulement cru en lui, lorsqu’il vivait, mais aussi après sa mort ; au lieu que les autres brebis se sont incontinent séparées de leurs pasteurs. Nous pouvons en ajouter une encore, qui n’est pas des moins considérables : c’est que ces faux christs, ces faux prophètes agissant en tyrans, faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour exciter le peuple à la révolte : mais Jésus-Christ était si éloigné de cette conduite, qu’il s’enfuit lorsque le peuple voulut le faire roi (Jn. 6,15) ; et que quand on vint lui demander s’il était permis de payer le tribut à César, il répondit qu’il fallait le payer (Mt. 22,17), et le paya lui-même. (Id. 17,26) De plus, il est venu pour le salut de ses brebis, afin qu’elles aient la vie et qu’elles l’aient abondamment (Jn. 10,10) ; mais les autres leur ont même ôté cette vie présente. Ceux-là ont trahi les brebis qui s’étaient confiées à eux, et ont pris la fuite ; mais Jésus-Christ est demeuré si ferme, et les a si courageusement défendues, qu’il a donné sa vie pour elles. Ceux-là ont souffert malgré eux et à contre-cœur ; mais Jésus-Christ n’a rien souffert que librement et volontairement.
« Jésus leur dit cette parabole : mais ils ne comprirent point ce qu’il disait (6) ». Pour quoi donc leur parlait-il d’une manière obscure ? C’était polir les rendre plus attentifs. Mais aussitôt après il ôte toute obscurité par ces paroles : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il entrera, il sortira, et il trouvera des pâturages » ; c’est-à-dire il vivra en sûreté et en liberté. Jésus-Christ appelle ici pâturages la nourriture des brebis, et la puissance et l’autorité qu’il leur donne c’est-à-dire la brebis demeure dans le bercail, et personne ne pourra l’en faire sortir. Et c’est là aussi ce qui est arrivé aux apôtres, qui entraient et sortaient librement comme maîtres de tout le monde, et personne n’a pu les chasser. « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons, mais les brebis ne les ont point écoutés (8) ». Jésus. Christ ne parle point là des prophètes, comme le prétendent les hérétiques : car les brebis les