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pour avoir dit : Si cet homme n’honorait point Dieu, il ne pourrait pas faire de si grands miracles ; il excita si fort leur colère, qu’ils lui répondirent : « Tu n’es que péché dès le ventre de ta mère, et tu veux nous enseigner ? » que n’auraient-ils pas fait, que n’auraient-ils pas dit si dès le commencement il eût parlé en ces termes ?
« Si c’est un pécheur, je n’en sais rien », c’est-à-dire, maintenant je ne réponds rien là-dessus, et je n’explique pas mon sentiment ; ce que je sais fort bien, ce que je puis affirmer, c’est que si c’était un pécheur, il ne ferait pas de tels prodiges. Par ces paroles il écarte tout soupçon et de sa personne et de son témoignage, faisant clairement voir qu’il a purement raconté le fait comme il s’est passé, sans altération, sans y rien ajouter par flatterie ou par complaisance. Comme ils ne pouvaient donc pas empêcher ni anéantir une chose accomplie, ils reviennent encore à l’examen de la manière dont cette guérison s’est faite ; et ils se conduisent comme des limiers qui, cherchant la piste d’un gibier bien retranché dans son fort, tournent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Ils reprennent donc les premières réponses, et, tâchant de les ruiner par de fréquentes interrogations, ils disent à l’aveugle « Que t’a-t-il fait ? Et comment t’a-t-il ouvert les yeux (26) ? ». Que répond-il ? Les ayant vaincus et terrassés ; il ne leur parle plus avec douceur. Car tant que cette affaire a eu besoin d’examens et d’informations, il a raconté ta chose avec beaucoup de retenue et de modération : mais après qu’il s’est rendu maître, et qu’il a remporté sur eux une brillante victoire, il les attaque à son tour hardiment et courageusement, et leur répond : « Je vous l’ai déjà dit, et vous ne l’avez point écouté. « Pourquoi voulez-vous l’entendre encore une fois (27) ? » L’avez-vous remarquée, cette hardiesse avec laquelle un pauvre mendiant parle aux scribes et aux pharisiens ? tant la vérité est forte, le mensonge faible et impuissant. La vérité, d’un homme de la lie du peuple, fait un grand et illustre personnage ; le mensonge, au contraire, avilit, et d’un grand fait un homme de rien. Au reste, voici ce que veut dire l’aveugle : Vous ne faites point d’attention à ce que je dis, c’est pourquoi je ne parlerai pas davantage, et je ne répondrai point à vos fréquentes et vaines interrogations, puisque vous ne m’écoutez pas pour apprendre la vérité, mais pour me surprendre dans mes paroles. « Est-ce que vous voulez devenir aussi ses disciples ? » Déjà l’aveugle s’associe aux disciples ; car ce mot : « Aussi », marque qu’il est disciple de Jésus-Christ. Il les attaque ensuite, et les malmène vigoureusement.
3. En effet, sachant que rien n’était plus capable de les piquer au vif que cette demande : « Est-ce que vous voulez », il la leur adresse exprès pour les braver : en quoi cet aveugle montre une âme élevée, ferme et courageuse, qui méprise leur menaçante fureur ; il fait éclater par sa confiance la gloire de Jésus-Christ ; il fait voir que celui qu’ils accablent ainsi d’outrages est un homme admirable, dont leurs injures ne peuvent ternir la réputation ; et que ces outrages mêmes ne servent qu’à relever sa gloire.
Ils lui dirent : Sois toi-même son disciple ; « mais pour nous, nous sommes les disciples « de Moïse (28) ». Mais en quoi ? Vous parlez sans fondement. Vous n’êtes pas plus les disciples de Moïse que les disciples de Jésus : si vous étiez les disciples de Moïse, vous seriez aussi les disciples de Jésus-Christ. Voilà pourquoi le Sauveur leur dit auparavant : « Si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez aussi, parce que c’est de moi qu’il a parlé » (Jn. 5,46) ; c’est qu’ils avaient toujours ces paroles à la bouche : « Nous savons que Dieu a parlé à Moïse (29) ». Mais qui vous l’a dit ? qui vous l’a appris ? Nos pères, répondent-Ils, nous l’ont appris. Mais celui qui ayant dit qu’il est envoyé de Dieu, et qu’il parle des choses du ciel, le confirme par des miracles, n’est-il pas plus digne de foi que vos pères ? Et ils ne disaient point : Nous avons ouï Dieu parler à Moïse, mais « nous savons ». Ce que vous savez pour l’avoir ouï dire, ô Juifs, vous le croyez, vous l’assurez, et ce que vous voyez de vos yeux, vous ne le croyez pas si considérable, ni si digne de foi ! Ce que vous dites de Moïse, vous ne l’avez point vu, seulement vous l’avez ouï dire : mais « les œuvres de Jésus-Christ », vous ne les connaissez pas pour en avoir entendu parler, mais pour les avoir vues de vos propres yeux.
Que répondit l’aveugle ? « C’est ce qui est étonnant, que vous ne sachiez d’où il est (30) », celui qui fait de tels prodiges : il est étonnant qu’un homme qui ne jouit d’aucune dignité parmi vous, qui n’est ni illustre, ni célèbre,