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plus qu’exécrables Quel est le père capable de feindre que son fils est né aveugle ? C’est comme s’ils disaient : Vous l’avez dit né aveugle, et non seulement contents de cela, vous l’avez dit, mais vous l’avez même répandu partout. « Comment est-ce donc qu’il voit « maintenant ? » O folie ! c’est vous, disent-ils, qui avez forgé ce mensonge ; c’est vous qui avez fabriqué cette imposture. Ils les portent de deux manières à nier le fait, et par ces paroles : « Que vous dites », et par celles-ci : « Comment est-ce donc qu’il voit maintenant ? »
2. Les Juifs font trois questions au père et à la mère de l’aveugle : si c’était là leur fils, s’il avait été aveugle, et comment il avait recouvré la vue ? Le père et la mère ne répondent qu’aux deux premières, la troisième ils la laissent sans réponse. Et ce qui contribue merveilleusement à confirmer la vérité du miracle, c’est que nul autre que l’aveugle même qui avait recouvré la vue, et qui était digne de foi, ne l’atteste et ne publie la manière dont Jésus l’a guéri. Comment le père et la mère auraient-ils parlé par faveur et par complaisance, eux qui, par la crainte des Juifs, celèrent quelque chose même de ce qu’ils savaient bien ? Car que répondent-ils ? « Nous savons que c’est là notre fils, et qu’il est né aveugle. (20). Mais comment il voit maintenant, et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas ; il a de l’âge, qu’il réponde pour lui-même (21) ». Ils donnent leur fils pour digne de foi, et par là ils s’excusent de répondre sur la troisième question. Il n’est ni jeune, ni enfant, disent-ils, il peut rendre témoignage de lui-même. « La crainte que son père et sa mère avaient des Juifs, les firent parler de la sorte (22) ».
Voyez, mes frères, avec quel soin et quelle exactitude l’évangéliste découvre leur sentiment et leur intention. Je vous fais cette remarque à cause de ce que j’ai dit il y a déjà quelque temps, dans un de mes discours, sur cette parole : « Il se fait égal à Dieu ». Je soutins que si ce n’eût été là qu’une simple opinion des Juifs, et non pas le sentiment et la doctrine de Jésus-Christ, l’évangéliste y aurait sans doute ajouté quelque correction, et n’aurait pas manqué de dire que c’était l’opinion des Juifs.
Le père et la mère ayant donc renvoyé les Juifs au témoignage de l’aveugle qui avait recouvré la vue, les Juifs appellent cet homme une seconde fois. Ils ne lui disent pourtant pas ouvertement et impudemment : Nie que Jésus t’a guéri ; mais sous apparence de piété ils veulent le séduire par adresse, s’ils le peuvent. « Rends gloire à Dieu (24) », lui disent-ils. S’ils avaient dit au père et à la mère : Niez que ce soit là votre fils et qu’il soit né aveugle, ils auraient fait une proposition tout à fait ridicule ; et d’autre part le dire au fils, ç’eût été d’une impudence manifeste : voilà pourquoi ils se gardent de parler de la sorte ; mais ils prennent une autre voie, et lui tendent des pièges d’une autre manière. « Rends gloire à Dieu », c’est-à-dire, avoue que Jésus ne t’a point guéri. « Nous savons que cet homme est un pécheur ». Pourquoi ne le lui avez-vous donc pas reproché, lorsqu’il vous disait : « Qui de vous me peut convaincre d’aucun péché ? » (Jn. 8,46) D’où le savez-vous, qu’il est un pécheur ? Les Juifs dirent donc à cet homme : « Rends gloire à Dieu », et il ne leur répondit rien. Jésus l’ayant rencontré, le loua, et ne le reprit pas de n’avoir point rendu gloire à Dieu : mais que lui dit-il ? « Croyez-vous au Fils de Dieu ? » Par où il nous apprend que c’est là rendre gloire à Dieu. Que si le Fils n’était point égal au Père, « croire au Fils », ce ne serait point là rendre gloire à Dieu. Mais comme celui qui honore le Fils honore aussi le Père, c’est avec raison que Jésus ne reprend pas l’aveugle.
Tant que les Juifs s’attendirent que le père et la mère se rendraient à leur volonté, et qu’ils nieraient ce qu’ils désiraient, ils ne dirent rien à leur fils. Mais lorsqu’ils virent qu’ils n’avaient rien avancé de ce côté-là, ils se tournèrent de l’autre, et ils dirent à l’aveugle : Cet homme est un pécheur. « Il leur répondit : « Si c’est un pécheur, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que j’étais aveugle, et que je vois maintenant (25) ». Est-ce que l’aveugle a craint ? Non. Et pourquoi celui qui avait dit : C’est un prophète, dit-il maintenant : « Si c’est un pécheur, je n’en sais rien ». Il ne le pensait pas, non, il ne le croyait pas ; mais il répond de la sorte parce qu’il voulait le justifier de tout péché par le témoignage de l’œuvre même qu’il venait de faire, et non par ses paroles ; et leur présenter une justification digne de foi dans le bienfait de sa guérison, qui les condamnait, eux et tous leurs procédés. Car, si après bien des discours,