l’envoya à Siloé, il a ajouté : « qui signifie envoyé », pour vous faire entendre que c’est là que Jésus guérit l’aveugle ; ainsi nous lisons chez saint Paul : « Car ils buvaient de l’eau de la pierre spirituelle qui les suivait, et Jésus-Christ était cette pierre ». (1Cor. 10,4) Comme donc Jésus-Christ était la pierre spirituelle, il était aussi la Siloé spirituelle. Au reste, il me semble que cette eau, qui se présente ainsi tout à coup, signifie un grand et profond mystère. Quel est ce mystère ? L’avènement de Jésus-Christ au monde qui est arrivé contre toute espérance.
Considérons ensemble, mes frères, la docilité d’esprit de cet aveugle et son obéissance en tout. Il n’a point dit : si la boue ou la salive me doivent rendre la vue, quel besoin ai-je d’aller courir à Siloé ? Mais si c’est Siloé qui me doit guérir, à quoi bon cette salive ? Pourquoi a-t-il oint mes yeux ? pourquoi m’a-t-il ordonné d’aller me laver ? Il n’a même pas eu la pensée d’aucune de ces objections, mais il n’a eu d’autre vue que d’obéir aux commandements de Jésus. Rien n’a été capable de l’arrêter, ni de le choquer.
Mais si quelqu’un nous fait cette question : Comment cet aveugle, pour avoir retiré la boue qui était sur ses yeux, a-t-il recouvré la vue ? Nous ne lui ferons que cette seule réponse, que nous n’en savons rien. Et qu’y a-t-il d’étonnant que nous l’ignorions, puisque ni l’évangéliste, ni celui qui a été guéri, ne l’ont pas su eux-mêmes ? Véritablement, l’aveugle savait ce que Jésus avait fait, mais la manière dont il avait recouvré la vue, il n’a pu la comprendre, ni la découvrir. Quand on l’a interrogé, il a répondu : « Cet homme a mis de la boue sur mes yeux, et je me suis lavé, et je vois ». Mais comment cela s’est fait, c’est là ce qu’il ne peut expliquer. Quand on lui ferait là-dessus mille questions, il ne saurait rien répondre de plus.
« Ses voisins », dit l’évangéliste, « et ceux qui l’avaient vu auparavant demander l’aumône disaient (8) : N’est-ce pas là celui qui était assis et qui demandait l’aumône ? Les uns ré« pondaient : C’est lui (9) ». La nouveauté du fait les jetait dans l’incrédulité, en dépit de toutes les précautions prises contre le doute. Les uns disaient : « N’est-ce pas là celui qui était assis et qui demandait l’aumône ? » Ah ! combien est grande l’humanité de Dieu ! Jusqu’où descend-elle ? Elle guérit avec une infinie bonté de pauvres mendiants, et par là elle impose silence aux Juifs ; elle n’honore pas seulement de ses soins et de sa providence les hommes illustres et les grands, mais ceux aussi qui sont de basse extraction et sans nom dans le monde. CAR DIEU EST VENU POUR LE SALUT DE TOUS LES HOMMES.
Au reste, le paralytique et l’aveugle-né eurent le même sort : ni l’un ni l’autre né connut celui qui venait de le guérir, parce qu’aussitôt après leur guérison Jésus-Christ s’était retiré ; le Sauveur avait coutume d’en user de la sorte pour lever tout soupçon sur les miracles qu’il faisait. Comment, en effet, des gens qui ne connaissaient même pas qui était celui qui les avait guéris, se seraient-ils portés à déguiser le fait et altérer la vérité en sa faveur ? De plus, cet aveugle n’était pas un inconnu, un vagabond, c’était un homme que tous les jours on voyait assis a, la porte du temple. Comme donc les Juifs étaient tous en doute si c’était lui, que répond-il ? « -C’est moi-même ». Il ne rougit pas de son infirmité passée, il ne redoute point la fureur du peuple, et il ne craint pas de se faire connaître pour exalter la gloire de son bienfaiteur. « Ils lui demandent : Comment « est-ce que vos yeux ont été ouverts (10) ? Il leur répondit : Cet homme qu’on appelle Jésus (11) ». Que dites-vous là ? Un homme peut-il rendre la vue à un aveugle-né ? C’est qu’il n’avait pas encore une juste idée de Jésus. « Cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue et en a oint mes yeux ».
2. Remarquez, mon cher auditeur, combien cet homme est véridique : il ne dit point de quoi Jésus a fait la boue, car il ne dit pas ce qu’il ignore. En effet, il n’avait pas vu que Jésus avait craché à terre, mais par l’attouchement et la sensation il s’était aperçu qu’il l’avait oint. Et il m’a dit : « Allez vous laver à la piscine de Siloé ». Il assurait cela pour l’avoir ouï. Et d’où connaissait-il la voix de Jésus-Christ ? Par son entretien avec ses disciples. Toutes ces choses, il les raconte sur le témoignage des œuvres, rapportant ce qui s’est fait ; la manière, il ne la peut dire. Que si dans les choses qu’on aperçoit par les sens et par l’attouchement, la foi est nécessaire, elle l’est beaucoup plus encore dans celles qu’on ne peut voir. « Ils lui dirent : Où est-il ? Il leur répondit : Je ne sais (12) ». S’ils demandaient : « Où est-il ? » c’était déjà dans le dessein de le faire mourir.
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