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et que s’il avait ouï dire à quelqu’un qu’il était présent, il n’eût pas manqué d’accourir. Il pouvait, en effet, penser et dire en lui-même : Qu’est-ce que cela signifie ? Jésus a fait de la boue, il en a oint mes yeux et m’a dit : « Allez, lavez-vous ? » Est-ce qu’il ne pouvait pas me guérir en m’envoyant alors à la piscine de Siloé ? Souvent je m’y suis lavé avec les autres et cela ne m’a servi de rien. Si véritablement il avait le pouvoir de me rendre la vue, il m’aurait guéri sur-le-champ, sans m’envoyer courir. C’est ce que Naaman disait aussi à Élisée (2R. 5,11) : le prophète lui ayant ordonné de se laver dans le Jourdain, il n’y avait point de foi. Et cependant Élisée jouissait d’une très-grande réputation. Mais cet aveugle ne fut pas incrédule, il ne disputa point, il ne dit point en lui-même : Que veut dire cela ? Fallait-il qu’il mît de la boue sur mes yeux ? C’est plutôt là de quoi m’aveugler. Qui a jamais recouvré la vue de cette manière ? Mais il n’eut aucune de ces pensées. Maintenant, mes frères, remarquez-vous cette foi et cette fermeté d’âme ?
« La nuit vient » : Par là Jésus-Christ fait connaître qu’après même qu’il aura été élevé sur une croix, qu’après sa mort il aura soin encore des pécheurs, et qu’il en attirera plusieurs. « Il est encore jour », mais après que le jour sera passé, il retranchera, il rejettera absolument les méchants ; c’est ce qu’il déclare formellement en ces termes : « Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde (5) ». Et il le dit aussi ailleurs : « Croyez, pendant que vous avez la lumière ». 3. Pourquoi saint Paul a-t-il donc appelé nuit la vie présente, et jour celle qui la suivra ? Néanmoins il n’avance rien de contraire aux paroles de Jésus-Christ ; loin de là, il dit les mêmes choses, non selon la terre, mais selon le sens, savoir : « La nuit est passée, il fait jour ». (Rom. 13,12) Car le temps présent il l’appelle nuit, à cause de ceux qui sont assis dans les ténèbres, ou par comparaison de cette vie pleine de ténèbres à la vie lumineuse, dont on jouira dans le ciel ; mais Jésus-Christ appelle le temps futur une nuit, parce qu’alors[1] on ne péchera plus.
L’apôtre appelle au contraire une nuit la vie présente, parce que ceux qui vivent dans l’iniquité et l’incrédulité sont dans les ténèbres. Adressant donc la parole aux fidèles ; il dit : « La nuit est passée, il fait jour ». Parce qu’ils sont destinés à jouir un jour de cette lumière : mais leur première vie, il l’appelle une nuit ; c’est pourquoi il leur dit : « Quittons donc les œuvres de ténèbres ». (Id) Remarquez qu’il leur déclare qu’ils étaient dans la nuit ; pour cette raison il ajoute « Marchons avec bienséance et avec honnêteté, comme on marche durant le jour », afin que nous puissions jouir de la lumière « qui nous est annoncée ». Car si la lumière, « que nous présente maintenant la prédication de l’Évangile », est si lumineuse et si éclatante, songez à ce que sera celle dont vous jouirez dans le ciel ? Soyez-en persuadés : autant les rayons du soleil éclipsent la lumière des lampes, autant, ou plutôt beaucoup plus, la lumière céleste que nous vous annonçons surpassera celle-ci. Et c’est là ce que voulait dire le Sauveur par ces paroles : « le soleil s’obscurcira » (Mt. 24,29) : c’est-à-dire, il sera éclipsé par la splendeur de la lumière nouvelle.
Que si maintenant, pour avoir des maisons bien éclairées, bien aérées, nous dépensons notre argent et nos peines à bâtir ; ne pensez-vous pas que nous devions épuiser jusqu’à nos dernières forces, pour nous édifier dans le ciel de splendides demeures, là où habite l’ineffable lumière ? En bâtissant ici-bas, nous nous exposons à des querelles et à des procès pour des bornes et des cloisons, au lieu que là-haut il ne nous peut rien arriver de semblable : l’envie et la jalousie n’y étant point à craindre, personne ne nous fera de procès pour les limites. Mais, de plus, cette maison que nous construisons ici-bas, nécessairement il faudra la quitter ; et l’autre, nous l’habiterons éternellement : l’une dépérit et le temps la dévore, elle est sujette à bien des accidents ; l’autre est stable et demeure toujours dans son premier état : le pauvre ne peut bâtir celle-ci ; l’autre, pour deux oboles même on la construit, comme fit la veuve que vous connaissez tous. (Mc. 12,12) C’est pourquoi je sèche, je meurs de tristesse et de douleur, de voir qu’ayant à espérer de grands biens, nous soyons si lâches et si négligents à nous les procurer, et que nous n’omettions rien pour nous établir ici dans de belles maisons, tandis que nous ne nous soucions point de nous préparer dans le ciel le moindre logement.

  1. Alors, c à d dans ce temps futur.