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soin et avec attention, on connaîtra fort bien que c’est ainsi qu’il le faut entendre. Pourquoi cet homme est-il donc né aveugle ? « Afin », dit l’Écriture, « que la gloire de Dieu éclatât ». – D’où naît encore une autre question, savoir : si la gloire de Dieu ne pouvait se manifester que par l’aveuglement de cet homme ? Certes, l’Écriture ne dit point que la puissance de Dieu n’a pu autrement se montrer, car sûrement elle le pouvait ; mais c’est afin qu’elle se manifestât encore dans ce miracle. Quoi ! direz-vous, cet homme a donc reçu cette disgrâce pour faire éclater la gloire de Dieu ? Mais quel mal, je vous prie, lui en est-il arrivé ? Et si le Seigneur n’avait point voulu qu’il vint au monde, qu’auriez-vous à répliquer ?
Mais moi, je dis que de cet aveuglement même, est résulté pour lui un bien : car il a vu des yeux de l’âme. De quoi a-t-il servi aux Juifs d’avoir des yeux ? En voyant ils ont été comme des aveugles qui ne voient point, et ils se sont attiré un plus grand supplice. Mais la cécité, quel tort a-t-elle fait à celui-ci ? pour avoir été aveugle, il a reçu la vue. Comme donc les maux de cette vie ne sont point de vrais maux, de même les biens ne sont pas de vrais biens. Mais le péché seul est un mal, la cécité, au contraire, n’est point un mal. Or, celui qui tire toutes choses du néant, « est le maître », il a pu laisser cet aveugle en cet état. Toutefois quelques-uns disent que ce mot « afin que b, n’est point ici une particule causale, et qu’il marque seulement l’événement qui suivit : comme lorsque Jésus-Christ dit : « Je suis venu dans ce monde pour exercer un jugement, afin que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». (Jn. 9,39) Car le Sauveur n’est pas venu, afin que ceux qui voyaient devinssent aveugles. Et encore : « Car ils ont connu », dit saint Paul, « ce qui se peut découvrir de Dieu ; et ainsi ces personnes sont inexcusables ». (Rom. 1,19, 20) Néanmoins, Dieu ne leur a pas découvert ses perfections, pour les rendre inexcusables, mais pour leur donner un moyen de se justifier. Et derechef, en un autre endroit : « Or, la loi est survenue, afin que le péché abondât ». (Rom. 5,20) Et cependant la loi n’est pas survenue pour porter l’homme au péché, mais, au contraire, pour le retenir et l’empêcher d’y tomber.
2. Vous voyez, mes frères, que partout la particule : « Afin que », n’est que pour marquer l’événement, ou ce qui est arrivé en conséquence. Tel qu’un habile architecte, Dieu a d’abord achevé une partie de la maison qu’il a voulu construire, il a laissé l’autre imparfaite, afin qu’en la finissant ensuite, il fermât la bouche aux incrédules relativement à l’origine de tout l’ouvrage. Ainsi il joint ensemble les différentes parties de notre corps, il achève ce qui y manquait, et il y travaille comme à une maison qui serait prête à tomber, lorsqu’il rend saine la main qui est desséchée, lorsqu’il affermit les membres du paralytique, qu’il fait marcher les boiteux, qu’il guérit les lépreux, qu’il rend la santé aux malades, qu’il fortifie les jambes faibles, qu’il ressuscite les morts, qu’il ouvre les yeux qui étaient fermés, qu’il en donne à ceux qui n’en avaient point. Il répare donc tous les défauts de notre faible nature, et c’est par où il découvre, il manifeste sa puissance. Au reste, quand Jésus dit : Afin que la puissance de. Dieu éclate, c’est de lui qu’il parle, et non du Père. Car la puissance du Père était parfaitement connue.
Or, comme les Juifs avaient ouï dire que Dieu, pour former l’homme, avait pris du limon de la terre ; pour cette même raison, Jésus-Christ se servit aussi de boue. S’il eût dit : C’est moi qui ai pris de la boue, et qui en ai formé l’homme, cette parole aurait choqué ses auditeurs. Mais en le faisant voir par l’œuvre même qu’il opère, il a réfuté toutes les objections. Le Sauveur, donc, ayant pris de la poussière, la délaya avec sa salive, et par là il découvrit sa puissance, qui était cachée, et la fit éclater. En effet, il n’y avait pas peu de gloire à se faire connaître pour le Créateur. Car de là s’ensuivait tout le reste, une partie faisant croire le tout. La créance ne faisait ainsi que descendre du plus au moins. En effet, de toutes les choses créées, l’homme est ce qu’il y a de plus éminent, et l’œil est le plus précieux de tous ses organes : voilà pour quoi, dans la miraculeuse guérison dont nous parlons, le Sauveur ne créa pas simplement l’œil, mais le créa de la manière que nous venons de rapporter. Car, quoique l’œil soit un fort petit organe, néanmoins il est nécessaire au corps. Saint Paul le déclare par ces paroles : « Et si l’oreille disait : Puisque je ne suis pas œil, je ne suis pas du corps ; ne serait-