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démoniaque, et qu’ils cherchaient à le faire mourir ; étant sorti du temple, il guérit un aveugle, afin d’apaiser leur fureur même par son absence, afin d’amollir la dureté de leur cœur, et d’adoucir leur inhumanité par un miracle, et aussi de persuader sa doctrine, de lui donner plus de foi et de créance : et le miracle qu’il fait n’est ni commun ni ordinaire, mais tel que jusqu’alors on n’en avait point vu de pareil. « Depuis que le monde est », dit l’aveugle, « on n’a jamais ouï-dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né ». Car peut-être quelqu’un a ouvert les yeux, d’un aveugle, mais non pas d’un aveugle-né.
Or, que Jésus, étant sorti du temple, soit venu exprès et dans l’intention d’opérer le miracle, ce qui le prouve manifestement, le voici : Il est allé chercher l’aveugle, et l’aveugle ne l’est point venu chercher. Et encore : Il l’a regardé avec tant d’attention, que ses disciples l’ayant aperçu, se portèrent à lui faire cette demande : « Maître, est-ce le péché de cet homme, ou le péché de ceux qui l’ont « mis au monde, qui est cause qu’il est né aveugle ? » Question fondée sur une fausse supposition : car, avant de naître, comment cet homme aurait-il pu commettre quelque péché ? Pourquoi aurait-il été puni pour le péché de ses pères ? Sur quoi donc les disciples se sont-ils portés à faire cette question ? Jésus-Christ, ayant auparavant guéri le paralytique, lui dit : « Vous voyez que vous êtes guéri, ne péchez plus à l’avenir ». (Jn. 5,14) De là les disciples connurent que cet homme était devenu paralytique en punition de son péché, et ils raisonnèrent entre eux de la sorte. Que cet homme soit tombé dans la paralysie à cause de ses péchés, soit, cela peut être ; mais que direz-vous de celui-ci ? est-ce pour ses péchés qu’il est ainsi frappé d’aveuglement ? C’est ce qu’on ne peut dire, car il est né aveugle. Peut-être ce sont les, péchés de ses parents qui lui ont attiré cette disgrâce ? Mais c’est encore là ce qu’on ne peut dire : car le fils n’est point puni pour les fautes de son père. Si nous voyons maltraiter un enfant, nous disons : Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’a donc fait cet enfant ? Ce n’est pas là interroger, mais seulement manifester de l’étonnement et du doute. De même les disciples parlaient, de la sorte, non tant pour interroger que pour exposer leur doute. Que répondit donc Jésus-Christ ? « Ce n’est point qu’il ait péché, ni ceux qui l’ont mis au monde (33) ». Et il ne dit pas cela pour marquer qu’ils soient tout à fait exempts de péché ; car il n’a pas seulement dit : « Ce n’est point qu’il ait péché, ni ceux qui l’ont mis au monde », mais il a ajouté. « Ce qui est cause qu’il est né aveugle, c’est afin que le Fils de Dieu soit glorifié ». Cet homme-ci a péché, et ses parents ont péché aussi, mais ce n’est point là ce qui est cause de son aveuglement.
Enfin Jésus-Christ, parlant en ces termes, n’a pas voulu nous faire entendre que véritablement celui-ci n’était point aveugle pour cette cause, mais que d’autres l’étaient, à savoir, pour le péché de leurs parents ; car il n’est pas permis de punir l’un pour le péché de l’autre. En effet, si nous l’accordions, il faudrait convenir aussi que cet homme avait péché avant de naître. De même donc que le Sauveur disant : « Ce n’est point qu’il ait péché », n’entend pas qu’il y ait des hommes qui pèchent dès leur naissance, et qui soient punis pour cela ; ainsi lorsqu’il dit : « Ni ceux qui l’ont mis au monde », il ne veut pas dire qu’il y ait quelqu’un de puni pour les péchés de ses pères. Il ôte ce soupçon par la bouche d’Ézéchiel : « Je jure par moi-même, dit le Seigneur, qu’on n’entendra point dire cette parabole : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en sont agacées ». (Ez. 18,34) Moïse dit aussi « On ne fera point mourir le père pour l’enfant ». (Deut. 24,16) De plus, l’Écriture Ait d’un certain roi, qu’il ne fit point mourir les enfants pour les pères, afin de se conformer à la loi de Moïse.
Que si quelqu’un me fait cette objection pourquoi donc l’Écriture dit-elle : « Dieu punit les crimes des pères sur les enfants, jusqu’à la troisième et quatrième génération ? » (Ex. 20,5 ; Deut. 5,9) ; nous répondrons que cette sentence n’est point générale, et qu’elle est prononcée contre quelques-uns des Juifs qui étaient sortis de l’Égypte, et en voici le sens : Comme ceux que j’ai tirés de la captivité de l’Égypte sont devenus, même après avoir vu tant de miracles et de prodiges, plus méchants encore que leurs pères, qui toutefois n’avaient rien vu de si grand ni de si admirable, ils seront punis de même qu’eux, dit le Seigneur, parce qu’ils ont commis les mêmes crimes. Et si l’on examine ce passage avec