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injures et des outrages, mais il devait plutôt être admiré et comblé de louanges ; et cependant les Juifs l’appellent démoniaque. Les paroles de la Samaritaine marquaient seulement qu’elle était dans le doute, qu’elle n’avait pas encore une foi solide ; mais les paroles des Juifs montraient visiblement leur incrédulité et leur méchanceté : « Êtes-vous plus grand que notre père Abraham ? » Être donc envoyé de Dieu, voilà déjà ce qui le rend plus grand qu’Abraham. Mais lorsque vous le verrez élevé en haut, c’est alors que vous le reconnaîtrez pour tel. Voilà pourquoi le Sauveur disait : « Lorsque vous m’aurez élevé en haut, alors vous connaîtrez qui je suis ». (Jn. 8,28)
Et vous, mon cher auditeur, remarquez la sagesse de Jésus. Après avoir prouvé aux Juifs qu’ils sont déchus de leur prétendue filiation, il leur fait voir qu’il est plus grand qu’Abraham, afin qu’ils sachent qu’il est bien au-dessus des prophètes. Et il leur disait : « Ma « parole ne trouve point d’entrée en vous » (Jn. 8,37), parce que, continuellement, ils l’appelaient prophète. Enfin il disait tantôt : qu’il ressuscitait les morts, tantôt que celui.. qui le trairait ne mourrait point, ce qui est encore bien plus grand que de n’être point laissé dans les liens de la mort. Voilà pourquoi les Juifs s’irritaient davantage. Que répondent-ils donc ? « Qui prétendez-vous être ? » et c’est d’un ton de mépris. Vous vous vantez, disent-ils ; à quoi Jésus-Christ réplique : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien (54). »
2. Sur cette réponse du Seigneur, que disent les hérétiques ? Écoutez-les un peu. Les, Juifs ont fait à Jésus-Christ cette question : « Êtes-vous plus grand que notre père, Abraham ? » et il n’a osé affirmativement répondre : Oui, je le suis ; mais il se répand en paroles obscures et enveloppées. Quoi donc ? Sa gloire n’est-elle rien ? selon eux, elle n’est rien. Mais sachez, ô hérétiques, que comme, lorsque Jésus-Christ dit : « Mon témoignage n’est point véritable », il parle selon l’opinion des Juifs ; il parle encore de même, quand il dit : « Il y en a un qui me glorifie ». (Jn. 5,32) Et pourquoi n’a-t-il pas dit, comme plus haut : c’est mon Père qui m’a envoyé ? c’est parce qu’il voulait montrer aux Juifs, que non seulement ils ne connaissaient pas le Père, mais pas même Dieu. « Mais pour moi je le connais ». C’est pourquoi, quand il dit : Je le connais, ce n’est point une vanterie : s’il disait qu’il ne le connaît pas, ce serait un mensonge. Pour vous autres, lorsque vous dites que vous le connaissez, vous êtes des menteurs ; et comme vous dites faussement que vous le connaissez, moi, de même, je dirais faussement que je ne le connais pas.
« Si je me glorifie moi-même ». Les Juifs disent : « Qui prétendez-vous être ? » Jésus leur répond : si je me vante moi-même, si ce que je vous dis, je le dis de moi-même, ma gloire n’est rien. Comme donc je connais parfaitement le Père, vous ne le connaissez point du tout. Ainsi, comme lorsqu’il agitait cette question, savoir : s’ils étaient les enfants d’Abraham, il ne leur a pas tout ôté, mais il a dit : Je sais que vous êtes de la race d’Abraham, pour prendre de là occasion de leur faire un plus grand reproche ; de même en cet endroit il ne leur ôte pas tout, mais il leur dit : « Vous dites qu’il est votre Père ; » leur laissant cette gloire, il montre qu’ils n’en sont que plus coupables et dignes d’une plus grande condamnation. Au reste, comment peut-on dire que vous ne connaissez point Dieu ? Parce que vous chargea d’injures celui qui fait et dit tout pour sa gloire, celui même que Dieu a envoyé : ceci est dit sans preuves, mais ce qui suit servira à le prouver.
« Et je garde sa parole (55). ». Si les Juifs avaient eu quelque chose à dire contre Jésus-Christ, ils le pouvaient, ils le devaient ; car c’était 1à un puissant témoignage pour prouver qu’il était envoyé de Dieu. « Abraham votre père a désiré avec ardeur de voir mon jour ; il l’a vu, et il en a été rempli de joie (56)». Jésus-Christ prouve encore que les Juifs ne sont point les enfants d’Abraham, puisqu’ils s’affligent de ce dont il se réjouissait. Et je pense que par ces paroles il désigne le jour du, sacrifice de la croix, qu’Abraham avait marqué d’avance par celui du bélier et d’Isaac, (Gen. 22), Que dirent-ils donc ? « Vous n’avez pas encore quarante ans, et vous avez vu Abraham (57) ? » Jésus-Christ avait donc alors environ quarante ans. Jésus leur répondit : « Je suis avant qu’Abraham fût au monde (58). « Là-dessus ils prirent des pierres pour les lui, jeter (59) ». N’avez-vous pas fait attention à la manière dont il prouve qu’il est plus grand qu’Abraham ? Celui qui s’est réjoui devoir ce jour, qui a cru que, c’était là une chose désirable, a sans doute regardé comme un bonheur