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les Juifs. Lorsque leur cœur aurait dû être touché de componction de ce qu’ils venaient d’entendre ; lorsqu’ils devaient admirer la force et la justesse des raisonnements du divin Sauveur, ils le chargent d’injures, ils l’appellent samaritain, démoniaque, et répondent : « N’avons-nous pas eu raison de dire que vous êtes un samaritain, et que vous êtes possédé du démon ? » Jésus-Christ disait-il quelque chose de grand et d’élevé, c’était folie aux yeux de ces hommes sans raison. Il est vrai que l’évangéliste n’a point encore dit qu’ils l’aient appelé samaritain, mais toutefois ces paroles donnent bien lieu de croire qu’ils l’avaient souvent apostrophé de ce nom. Vous êtes possédé du démon, dites-vous à Jésus ; mais chez qui vraiment habite le démon ? chez celui qui honore Dieu ; ou chez celui qui outrage l’homme qui honore Dieu ? Quelle est la réponse du Seigneur ? c’est la douceur, c’est la modestie même. « Je ne suis point possédé du démon, mais j’honore mon Père, qui m’a envoyé (49) ». Lorsqu’il fallait les instruire, abattre leur orgueil et leur vanité, et les empêcher de se prévaloir du nom d’Abraham, alors Jésus-Christ parlait avec force et avec vigueur ; mais quand il avait à souffrir leurs injures, il répondait avec beaucoup de douceur : Quand ils disaient : Nous avons Dieu pour Père et Abraham aussi, il les réprimandait fortement ; mais lorsqu’ils l’appellent démoniaque, il leur répond avec douceur, pour nous apprendre à venger la gloire de Dieu et à souffrir avec patience ce qu’on dit contre nous.
« Pour moi, je ne cherche point ma gloire (50) ». J’ai dit ces choses pour vous montrer qu’il ne vous appartient pas, à vous, qui êtes des homicides, d’appeler Dieu votre Père ; ce que j’ai dit, c’est donc pour sa gloire que je l’ai dit, et, pour avoir soutenu sa gloire, je vous entends m’injurier ; c’est pour lui que je suis en butte à vos outrages. Mais je n’écoute point vos injures, je ne m’en venge point. Celui pour l’amour de qui je les souffre maintenant, vous en fera rendre compte et vous en punira. « Pour moi, je ne cherche point ma gloire ». C’est pourquoi, au lieu de me venger, je vous invite et vous exhorte à faire ce qui non seulement vous délivrera du supplice, mais aussi vous procurera la vie éternelle.
« En vérité, en vérité, je vous le dis : Si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais (51) ». Jésus-Christ ne parle pas seulement ici de la foi, mais encore de la pureté de la vie. Et plus haut il a dit : « Il aura la vie éternelle » ; il dit ici : Il ne mourra point, et en même temps il insinue que ses ennemis ne peuvent rien contre lui. Car si celui qui aura gardé sa parole ne doit pas mourir, à plus forte raison lui-même ne mourra-t-il point. Les Juifs l’ayant compris, lui dirent : « Nous connaissons bien maintenant que vous êtes possédé du démon : Abraham est mort et les prophètes aussi (52) », c’est-à-dire ceux qui ont ouï la parole de Dieu sont morts, et ceux qui auront ouï la vôtre ne mourraient point ? « Êtes-vous plus grand que notre père Abraham (53) ? » O vanité ! de nouveau ils se flattent d’être les enfants d’Abraham. Il eût été plus à propos de répondre : Êtes-vous plus grand que Dieu, ou ceux qui vous écoutent sont-ils plus grands qu’Abraham ? mais ils ne le disent point, parce qu’ils croyaient Jésus moins grand qu’Abraham lui-même. Premièrement donc Jésus leur montre qu’ils sont des homicides, et par cette raison il leur prouve qu’ils sont déchus de leur prétendue filiation ; et comme ils s’opiniâtraient à la soutenir, il la combat par une autre voie, leur faisant voir qu’ils font d’inutiles efforts pour s’y maintenir.
Au reste, le Sauveur ne découvre et n’explique pas de quelle mort il veut parler présentement ; il leur fait entendre qu’il est plus grand qu’Abraham, afin de les confondre encore par ce moyen. Certes, dit-il, quand même je serais un homme ordinaire, vous ne devriez pas me faire mourir injustement ; mais puisque je dis la vérité, puisque je n’ai commis aucun péché, puisque je suis envoyé de Dieu et plus grand qu’Abraham, n’est-ce pas follement et vainement que vous cherchez tous les moyens de me faire mourir ? Que répondent-ils donc ? « Nous connaissons bien maintenant que vous êtes possédé du démon ? » La Samaritaine n’avait point parlé de la sorte ; elle n’avait point dit à Jésus : Vous êtes possédé du démon, mais seulement : « Êtes-vous plus grand que notre père Jacob ? » (Jn. 4,12) En effet, les Juifs étaient des insolents et des scélérats, tandis que cette femme ne songeait qu’à s’instruire. Voilà pourquoi elle propose ses doutes, fait une respectueuse réponse, comme elle le devait, et appelle Jésus Seigneur. Car celui qui faisait de si grandes promesses, et qui, d’autre part, méritait d’être cru sur sa parole, ne devait point recevoir des