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« Nous n’avons tous qu’un père qui est Dieu ». C’est toujours d’honneurs, et non d’œuvres qu’ils se prévalent. Donc votre incrédulité prouve, non que je sois étranger à Dieu, mais que vous ne le connaissez pas, et en voici la cause : c’est que vous mentez et voulez faire ce que fait le diable. Vous mentez parce que vous avez une âme basse et rampante, parce que vous n’avez que des pensées charnelles, comme dit l’apôtre : « Puisqu’il y a parmi vous des jalousies et des disputes, n’est-il pas visible que vous êtes charnels ? » (1Cor. 3,3) Pourquoi ne pouvez-vous pas recevoir ma parole et croire en moi ? C’est parce que « vous voulez accomplir les désirs de votre Père », vous en faites votre étude, vous appliquez tous vos soins. Ne voyez-vous pas que ce mot : « Vous ne pouvez pas », signifie qu’ils ne veulent pas.
« C’est ce qu’Abraham n’a point fait ». Et quelles sont ses œuvres ? la douceur, la modération, l’obéissance : vous, au contraire, vous êtes inhumains et cruels. Mais d’où se sont-ils portés à se dire enfants de Dieu ? Jésus-Christ avait fait voir qu’ils étaient indignes d’être enfants d’Abraham : voulant détourner ce reproche, ils se sont élevés à quelque chose de plus grand. Et comme il leur reprochait leurs meurtres, afin de s’en justifier en quelque sorte, ils disent que c’est pour venger Dieu qu’ils s’y sont portés. Au reste ce mot : « Je suis sorti », signifie qu’il est venu d’en haut. Par là il fait allusion à son avènement dans le monde. Et comme vraisemblablement ils devaient répliquer : Vous enseignez une doctrine étrangère et nouvelle ; Jésus dit qu’il est sorti de Dieu. Il est naturel, dit-il, que vous n’écoutiez pas ma parole, parce que vous êtes les enfants du diable : pourquoi voulez-vous me faire mourir ? De quel crime pouvez-vous m’accuser ? s’il n’en est aucun, pourquoi ne croyez-vous pas en moi ?
Puis, après leur avoir fait connaître ainsi, parleur mensonge et le meurtre qu’ils veulent commettre, qu’ils sont enfants du diable, il leur montre qu’ils sont fort éloignés d’être enfants, et d’Abraham et de Dieu, soit parce qu’ils le haïssent, lui qui ne leur a fait aucun mal, soit parce qu’ils n’écoutent point sa parole. Et en même temps il établit invinciblement cette vérité, qu’il n’est point contraire à Dieu, et que ce n’est point pour cette raison qu’ils ne croient point en lui, mais parce qu’ils sont ennemis de Dieu. Il était, en effet, de toute évidence que, s’ils ne croyaient point en celui qui n’avait commis aucun péché, qui se disait sorti de Dieu et envoyé de Dieu, qui enseignait la vérité et l’enseignait de manière qu’il pouvait défier tout le monde de le convaincre d’aucun péché ; il était, dis-je, visible que, s’ils ne croyaient point en Jésus-Christ, c’est qu’ils étaient tout à fait charnels. Car il le savait ; oui, certes, il le savait parfaitement, que les péchés rabaissent l’âme. C’est pourquoi saint Paul dit : « Nous aurions beaucoup de choses à dire, qui sont difficiles à expliquer à cause de votre lenteur et de votre peu d’application pour les entendre ». (Héb. 5,11) Lorsqu’on n’a pas la force de mépriser les choses de la terre, on ne peut ni entendre celles du ciel, ni avoir de goût pour elles.
4. C’est pourquoi, je vous en conjure, mes frères, n’oublions rien, faisons tous nos efforts pour bien régler notre vie : purifions notre âme, de peur qu’aucune tache, qu’aucune souillure ne nous empêche de voir la vérité. Allumons en nous la lampe de l’intelligence et ne semons point parmi les épines. Celui qui ne comprend pas que l’avarice est un mal, comment connaîtra-t-il de plus hautes vérités ? Celui qui ne s’en abstient pas, comment s’attachera-t-il aux choses du ciel ? Il est bon de ravir, non les biens périssables, mais le royaume des cieux ; car ce royaume, dit Jésus-Christ, « les violents l’emportent » (Mt. 11,12) ; donc les lâches ne peuvent l’emporter : pour l’acquérir, il faut être diligent et plein d’ardeur. Mais que veut dire ce mot : « les violents ? » Qu’il faut faire beaucoup d’efforts, parce que la voie est étroite (Mt. 7,14), qu’il faut du courage et de la fermeté. Ceux qui vont pour emporter veulent devancer tout le monde. Ils ne considèrent rien, ni l’accusation, ni la condamnation, ni le supplice ; mais ils n’ont qu’une seule chose en vue, c’est d’emporter ce qu’ils désirent, et ils font tous leurs efforts pour prévenir ceux qui marchent devant.
Emportons donc le royaume des cieux l’emporter ce n’est pas un crime, mais c’est s’acquérir de la gloire ; c’est au contraire un crime de ne point le ravir. Dans ce royaume, nos richesses ne tournent point à la ruine des autres : travaillons donc à l’emporter. Si nous sentons la colère et la concupiscence s’allumer dans nous et nous presser de leur aiguillon,