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« Vous connaîtrez la vérité », c’est-à-dire, vous me connaîtrez moi-même, car « je suis la vérité ». (Jn. 14,6 ; 1Cor. 10,11) Toute l’histoire juive n’a été qu’une figure ; vous apprendrez de moi la vérité, qui vous délivrera de vos péchés. Comme il disait à ceux-là : « Vous mourrez dans vos péchés » ; il a dit de même à ceux-ci : « La vérité vous rendra libres de vos péchés ». Jésus ne leur a point dit : Je vous délivrerai de la servitude, mais il le leur a laissé à penser. Que répondirent-ils donc ? « Nous sommes de la race d’Abraham, et nous n’avons jamais été esclaves de personne. » Mais s’ils avaient à se choquer, c’était sans doute de ce qu’il avait dit auparavant : « Vous connaîtrez la vérité » ; et ils auraient dû répondre : Quoi donc ? Est-ce que nous ignorons la vérité ? la loi et nos connaissances sont donc fausses ? Mais ce n’est point là de quoi ils se mettaient en peine ; la perte des biens de la terre était seule capable de les toucher et de les affliger, et c’était de cette perte et de la servitude terrestre qu’ils voulaient parler. Il est aujourd’hui bien des gens encore, oui certes, il en est beaucoup qui rougissent de la privation de choses indifférentes et de cette servitude, et qui n’ont pas honte de même d’être esclaves du péché ; qui aimeraient mieux être mille fois appelés esclaves du péché, que de l’être une seule fois de la servitude des hommes. Tels étaient ces Juifs. ils ne connaissaient point d’autre servitude, voilà pourquoi ils disaient : Quoi ! vous avez appelé esclaves ceux qui sont de la race d’Abraham, des hommes nobles à qui pour cela même vous ne deviez pas donner le nom d’esclaves qui les déshonore ? Nous n’avons jamais, disent-ils, été esclaves de personne. Tel est l’orgueil, telle est la vanité des Juifs : « Nous sommes de la race d’Abraham : nous sommes Israélites ». Jamais ils ne parlent de leurs actions. C’est pourquoi Jean-Baptiste leur criait : « N’allez pas dire : Nous avons Abraham pour père ». (Mt. 3,9)
Mais pourquoi Jésus-Christ ne les reprend-il pas de leur insolente réponse ? En effet, ils ont été esclaves des Égyptiens, des Babyloniens, et de plusieurs autres. C’est parce qu’il ne leur avait point dit cela pour entrer en dispute avec eux, mais pour les sauver, pour leur faire du bien : voilà ce qu’il avait uniquement en vue. Sûrement il aurait pu leur reprocher une servitude de quarante ans, une autre de soixante-dix, et d’autres sous les juges, tantôt de vingt, tantôt de deux, tantôt de sept ans ; il pouvait leur dire qu’ils n’avaient jamais cessé d’être dans l’esclavage. Mais le Sauveur a voulu leur faire voir, non qu’ils étaient esclaves des hommes, mais qu’ils étaient esclaves du péché, ce qui est la plus dure et la plus misérable de toutes les servitudes, une servitude dont Dieu seul peut délivrer l’homme. Car Dieu seul a le pouvoir de remettre les péchés : ils le reconnaissaient et le confessaient, et c’est à quoi il les amène par ces paroles : « Quiconque commet le péché est esclave du péché (34) », leur montrant qu’il parle de la liberté à l’égard de ce genre de servitude.
« Or l’esclave ne demeure pas toujours en la maison, mais le Fils y demeure toujours (36) ». Leur rappelant ainsi les premiers temps ; insensiblement il fait tomber la loi. Il ne voulait pas qu’ils vinssent dire Nous avons les sacrifices que Moïse a ordonnés ; ils peuvent nous délivrer de nos péchés ; voilà pourquoi il ajoute ces choses : autrement quelle liaison y aurait-il dans ses paroles ? « Parce que tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grâce (Rom. 3,23-24) », et les prêtres eux-mêmes. C’est pourquoi saint Paul dit du pontife : « C’est ce qui l’oblige à offrir le sacrifice de l’expiation des péchés, aussi bien pour lui-même que pour le peuple, étant lui-même environné de faiblesse ». (Héb. 5,3) Et c’est là ce que fait entendre Jésus-Christ, en disant : « L’esclave ne demeure pas en la maison ». Au reste, par ces paroles, le Seigneur déclare encore qu’il est égal en dignité à son Père, et fait connaître la différence qu’il y a entre l’esclave et le Fils. Car voilà ce que signifie cette parabole ; elle fait connaître que l’esclave n’a point de pouvoir, ce que déclare ce mot : « Il ne demeure pas ».
2. Mais pourquoi Jésus-Christ, discourant sur les péchés, a-t-il parlé de la maison ? C’est pour montrer que, comme le maître a toute l’autorité dans la maison, lui il la possède de même sur toutes choses. Et ce mot « Ne demeure pas », signifie : n’a pas le pouvoir de donner parce qu’il n’est pas le maître ; or, le Fils est le maître ; c’est ce que veut dire cet autre mot : « Il demeure toujours », pris métaphoriquement, et selon