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parce que son heure n’était pas encore venue ». Il enseignait en maître dans le temple, ce qui devait les exciter davantage : ce qu’il disait les choquait, et ils lui faisaient un crime de ce qu’il se disait égal au Père. Car cette parole : « Le témoignage de deux hommes est véritable », ne signifie pas autre chose. Cependant, dit l’évangéliste, il enseignait dans le temple et en maître : et personne ne se saisit de lui, parce que son heure n’était pas encore venue, c’est-à-dire le temps opportun où il voulait être crucifié. Voilà pourquoi il n’a point été alors en leur pouvoir de le prendre ; mais, s’ils n’ont pu assouvir leur passion, c’est par un effet de la sage dispensation du Sauveur. Déjà depuis longtemps ils voulaient l’arrêter, et ils ne l’ont pu ; et ils ne l’auraient jamais pu prendre, s’il ne se fût livré lui-même entre leurs mains.
« Jésus leur dit encore : Je m’en vais et vous me chercherez (21) ». Pourquoi ne cesse-t-il de leur tenir ce langage ? Pour toucher leur cœur, et pour les effrayer. Remarquez la frayeur que leur causait cette parole ; car voulant le faire mourir pour se délivrer de lui, ils demandent où il va : tant leur paraissaient devoir être grandes les conséquences de cette mort. Il voulait aussi leur apprendre une autre chose, que ce ne serait point par un effet de leur violence qu’il serait crucifié, mais parce que les figures de l’Ancien Testament l’avaient annoncé longtemps auparavant, et par ces paroles il annonce sa résurrection. Ils disaient donc : « Est-ce qu’il se tuera lui-même ? » Que leur répond Jésus-Christ ? Pour leur ôter ce soupçon et leur faire connaître que c’était là un péché, il dit : « Pour vous autres, vous êtes d’ici-bas (23) », c’est-à-dire, il n’est pas étonnant que vous ayez ces sortes de pensées, vous qui êtes des hommes charnels, et qui n’êtes nullement capables de rien concevoir de spirituel ; mais moi, je ne ferai rien de semblable : « Je suis d’en haut ». Pour vous, « vous êtes de ce monde ». Là encore, le Sauveur parle de pensées terrestres et charnelles. Il résulte de là que cette parole : « Je ne suis pas de ce monde », ne signifie pas qu’il n’a point pris une chair, mais qu’il est exempt de leur malice et de leur méchanceté. En effet, il dit aussi que ses disciples ne sont pas de ce monde (Jn. 15,19), et toutefois ils avaient une chair. De même donc que saint Paul disant : « Vous n’êtes pas dans la chair » (Rom. 8,9), ne veut pas dire que ceux à qui il parle n’ont point de corps : ainsi Jésus-Christ, disant à ses disciples qu’ils ne sont pas du monde, veut seulement rendre témoignage de leur sagesse.
« Je vous ai donc dit que si vous ne croyez pas ce que je suis, vous mourrez dans vos péchés (24) » ; car si Jésus-Christ est venu pour ôter le péché du monde, et si le péché ne peut être effacé que par le baptême, nécessairement il faut que celui qui ne croit pas ait le vieil homme. En effet, celui qui ne veut pas le tuer et l’ensevelir par la foi, mourra avec lui, et avec lui ira recevoir la peine de ses péchés. Voilà pourquoi le Seigneur disait : « Celui qui ne croit pas, est déjà condamné » (Jn. 3,18), non seulement parce qu’il ne croit pas, mais aussi parce qu’il va en l’autre monde avec ses premiers péchés. « Ils lui dirent : Et qui êtes-vous donc (25) ? » O l’étrange folie ! Après un si long temps, après avoir vu tant de miracles et entendu sa doctrine, ils lui font cette question : « Et qui êtes-vous ? » Que leur répond donc Jésus-Christ ? « Je suis le principe de toutes choses, moi qui vous parle » ; c’est-à-dire, vous êtes indignes d’entendre ma parole, bien loin d’apprendre qui je suis : car jamais vous ne me parlez que pour me tenter, et vous ne faites nulle attention à ce que je vous dis : et c’est pour cela que maintenant j’ai bien des reproches à vous faire. Voilà, en effet, ce que signifient ces paroles : « J’ai beaucoup de choses à dire de vous, et à condamner en vous (26) ». Non seulement à reprendre, mais encore à punir. Mais celui qui m’a envoyé, je veux dire mon Père, ne le veut pas : « Car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui ». (Jn. 3,17) Si c’est donc là pourquoi Dieu m’a envoyé, et si Dieu est véritable, j’ai raison de ne juger personne maintenant, mais je m’attache à enseigner ce qui est nécessaire au salut, et non à faire des réprimandes. Au reste, Jésus-Christ dit cela, afin que les Juifs ne croient pas que lui, qui entend de si grandes choses, il manque de la force nécessaire pour les punir, ou qu’il ignore leurs pensées et leurs dérisions.
« Et ils ne comprirent pas qu’il parlait de son Père (27) ». O folie ! ô aveuglement ! Jésus ne cessait de parler de son Père, et ils