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modération et quelle retenue Nicodème les reprend. Il ne dit point : Vous voulez le faire mourir, et vous le condamnez sans raison comme séducteur. Il ne leur a point parlé en ces termes : il s’est servi de paroles plus douces et plus modérées pour réprimer l’excès de leur violence inconsidérée et sanguinaire. C’est pour cela qu’il invoque la loi en disant : « Sans avoir ouï avec soin et s’être bien informé de ses actions ». Voilà pourquoi il ne faut pas seulement ouïr, mais il faut ouïr avec soin ; car c’est là ce que signifient ces paroles : « Et sans s’être informé de ses actions », c’est-à-dire ce qu’il prétend. Quelle est son intention, son but, si sa conduite est celle d’un ennemi qui veut renverser la république ? Les pharisiens alors, déconcertés parce qu’ils avaient dit que nul des sénateurs ne croyait en Jésus-Christ, répondent faiblement à Nicodème, bien que sans ménagement.
2. Nicodème avait dit : « Notre loi ne condamne personne ». Lui répliquer : « Est-ce que vous êtes aussi galiléen ? » c’était une mauvaise réponse qui n’avait nul rapport à ce qu’il avait dit. Il fallait montrer, ou qu’ils n’avaient pas envoyé prendre Jésus sans jugement, ou qu’il n’était point nécessaire de l’entendre, et ils répondent durement et avec colère : « Lisez avec soin, et apprenez qu’il ne sort point de prophète de Galilée ». Mais, qu’avait dit Nicodème ? Que Jésus était un prophète ? Non, il avait dit qu’on ne devait condamner personne à mort, sans avoir auparavant instruit son procès, et les pharisiens lui font cette outrageante réponse, comme s’il eût absolument ignoré les Écritures ; c’est lui dire, aux termes près : Allez à l’école, allez étudier ; car tel est le sens de ces paroles : « Lisez avec soin, et apprenez ».
Que répond donc Jésus-Christ ? Comme les pharisiens n’avaient jamais dans la bouche que les noms de galiléen et de prophète, le Sauveur, pour les éloigner absolument de cette fausse pensée et leur faire voir qu’il n’est pas un des prophètes, mais le Seigneur du monde, dit : « Je suis la lumière du monde (12) ». Non de Galilée, non de la Palestine, non de la Judée. Que répliquent les Juifs ? « Vous vous rendez témoignage à vous-même », ainsi « votre témoignage n’est point véritable (13) ». O folie ! le Sauveur les renvoie toujours aux Écritures, et ils disent : « Vous vous rendez témoignage à vous-même ». Mais quel témoignage a-t-il rendu ? « Je suis la lumière du monde ». C’est là une grande parole ; oui, certes, c’est là une grande parole. Mais ils ne s’en sont pas beaucoup mis en peine, parce qu’il ne se disait pas égal au Père, ni son Fils, ou Dieu, mais seulement qu’il était la lumière. Néanmoins, ils voulaient aussi détruire cette opinion, car c’était là quelque chose de plus grand que de dire : « Celui qui me suit ne « marche point dans les ténèbres (12) ». Le Sauveur parle de la lumière et des ténèbres spirituelles, c’est-à-dire, il ne demeure point dans l’erreur.
Ici Jésus-Christ attire à soi Nicodème et l’encourage, parce qu’il avait librement parlé et dit son sentiment, et il loue les gardes de leur sage conduite. Ce mot « crier », marque que Jésus à voulu exciter les pharisiens à venir l’écouter. Et en même temps il insinue qu’ils pensaient à tendre secrètement des pièges et à tromper secrètement, c’est-à-dire, dans lés ténèbres et dans l’erreur, mais qu’ils ne vaincraient et n’éteindraient pas la lumière. Il rappelle à. Nicodème les paroles qu’il avait dites depuis peu : « Quiconque fait le mal, hait la lumière et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient découvertes ». (Jn. 3,20) Comme les Juifs disaient qu’aucun des sénateurs n’avait cru en lui, Jésus dit : « Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient point à la lumière ». Par où il leur fait voir que s’ils ne viennent point, ce n’est pas que la lumière soit faible, mais c’est parce que leur volonté est corrompue et mauvaise.
« Les pharisiens lui dirent : Vous vous rendez témoignage à vous-même (13) ; et Jésus leur répondit : Quoique je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est véritable, parce que je sais d’où je viens et où je vais ; mais pour vous, vous ne savez point d’où je viens (14) ». Ce que Jésus avait dit auparavant, les Juifs le – lui opposent comme une décision. Que répond donc Jésus-Christ ? Il renverse cette prétendue décision, et leur montre que c’est selon leur opinion qu’il a parlé de la sorte[1], parce qu’ils le prenaient pour un homme, et il leur dit : « Quoique je me rende témoignage à moi-même,

  1. Il a parlé de la sorte en saint Jean chap. 5, vers. 31, où le Sauveur, parlant selon l’esprit et l’opinion des Juifs, dit : Si je rends témoignage de moi, mon témoignage n’est pas véritable.