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après avoir dit ma doctrine, et se l’être appropriée, il ajoute incontinent : ce n’est pas ma doctrine. Comment la même chose peut-elle être et n’être pas à lui ? Elle est sa doctrine, parce que là doctrine qu’il enseignait, il ne Pavait pas apprise : elle n’est pas sa doctrine, parce que c’est la doctrine de son Père. Pourquoi dit-il donc : « Tout ce qui est à mon Père est à moi, et tout ce qui est à moi est à mon Père ? » (Jn. 17,10) Car si la doctrine, pour être de votre Père, n’est point – à vous, ce que vous venez de dire se contredit, puisque c’est pour cela même qu’elle doit être à vous. Mais cette parole : « N’est pas ma doctrine », déclare d’une manière très-forte et très-expresse, que la volonté du Fils et celle du Père ne sont qu’une seule et même volonté ; c’est comme s’il disait : « Ma doctrine ne « diffère nullement de celle du l’ère », comme si elle était d’un autre. Car, quoique autre soit la personne du Père, autre la mienne, néanmoins je parle et j’agis de manière qu’on ne doit point croire que ce que le Père fait et ce qu’il dit soit différent de ce que je dis et de ce que je fais, et qu’au contraire ce que je fais et ce que je dis est absolument la même chose que ce que dit et ce que fait le Père. Jésus-Christ emploie ensuite un autre argument auquel on ne peut répondre, et qui est fondé sur l’usage et la pratique des hommes. Quel est-il, cet argument ? « Celui qui parle de son propre mouvement, cherche sa propre gloire (18) ». C’est-à-dire celui qui se veut faire une doctrine propre et particulière, ne cherche autre chose en cela que de s’acquérir de la gloire. Or, moi, si je ne cherche pas à m’attirer de la gloire, pourquoi voudrais-je me faire une doctrine propre ? Celui qui parle de son propre mouvement, c’est-à-dire, celui qui enseigne une doctrine différente et qui lui est propre, ne l’enseigne que pour se faire un nom, pour se faire valoir et pour en tirer vanité ; mais si je n’agis, si je ne parle que pour la gloire de celui qui m’a envoyé, pourquoi voudrais-je enseigner une autre doctrine ?
Ne remarquez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ a une raison pour dire qu’il ne fit rien de lui-même ? Quelle est-elle, cette raison ? C’est de convaincre les Juifs qu’il ne cherche point à se faire honorer du peuple. C’est pourquoi, quand il se sert d’expressions grossières comme : « Je cherche la gloire de mon Père » ; c’est pour leur montrer partout qu’il ne cherche point sa propre gloire. Au reste, pour user ainsi de ces sortes d’expressions simples et grossières, le Sauveur avait plusieurs raisons, savoir : afin qu’on ne le crût pas non engendré, et contraire à Dieu ; afin qu’on crût qu’il s’était revêtu de la chair, pour s’accommoder à la faiblesse et à la portée de ses auditeurs ; afin de nous apprendre à rechercher l’humilité et à fuir l’ostentation. Mais il n’en avait qu’une seule pour parler d’une manière élevée, c’était la grandeur et la dignité de sa nature. En effet, si, pour l’avoir entendu dire qu’il était avant qu’Abraham fût au monde (Jn. 8,58), les Juifs se choquèrent et se mirent en colère, à quel excès de fureur ne se seraient-ils pas portés, s’ils ne lui avaient jamais ouï-dire que des choses sublimes et élevées ?
« Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi (19) ? Et néanmoins nul de vous n’accomplit la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir (20) ? » Quel rapport ces paroles ont-elles à celles qui précèdent ? Les Juifs imputaient deux crimes à Jésus-Christ : l’un, qu’il ne gardait point le sabbat ; l’autre, qu’il appelait Dieu son Père, et qu’il se faisait égal à Dieu. Il est même visible que réellement et de fait Jésus-Christ se disait Fils de Dieu et égal à Dieu, et que ce n’était pas là un vain soupçon des Juifs : il est également certain qu’il ne se disait pas Fils de Dieu, comme sont les hommes en général, mais qu’il s’attribuait cette qualité comme lui étant propre et particulière à lui seul. Plusieurs, souvent, ont appelé Dieu leur Père ; en voici un exemple « Un même Dieu ne nous a-t-il pas tous créés ? N’avons-nous pas tous un même Père ? » (Mal. 2,10) Mais ce n’était pas à dire que le peuple fût égal à Dieu. C’est pourquoi ceux qui l’entendaient dire ne se choquaient et ne se scandalisaient point.. Comme donc Jésus-Christ a souvent repris les Juifs, pour avoir dit qu’il n’était pas envoyé de Dieu, comme il s’est défendu de n’avoir pas gardé le sabbat ; de même si ce n’eût été que sur un simple soupçon, sur une opinion qui se serait élevée parmi eux, qu’on l’accusât de se faire égal à Dieu, et non parce qu’il l’entendait lui-même ainsi, sans doute il les aurait repris et leur aurait dit : Pourquoi me croyez-vous égal à Dieu ? je ne le suis point. Mais il ne leur a rien dit de semblable ; au contraire, dans les paroles