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manifestement voir que c’est là ce qu’a voulu dire Jésus-Christ.
« Le monde ne saurait vous haïr (7) ». Et, comment vous haïrait-il, puisque vous êtes dans ses sentiments et dans ses intérêts, et que vous recherchez ce qu’il recherche ? « Mais pour moi, il, me hait, parce que je lui fais des reproches de ce que ses œuvres sont mauvaises » ; c’est-à-dire, je lui suis odieux, parce que je lui fais des reproches et des réprimandes. Une réponse si douce et si modeste doit nous apprendre que, quelque vils et méprisables que soient ceux qui se mêlent de nous donner des conseils, nous devons retenir notre colère et notre indignation. Si Jésus-Christ a souffert avec douceur et avec patience les conseils de gens qui ne croyaient point en lui, lors même que, par malignité et avec une mauvaise intention, ils lui conseillaient ce qui ne convenait point, quel pardon obtiendrons-nous, nous qui, n’étant que terre et que cendre, ne pouvons supporter ceux qui nous donnent des avis et des conseils, et qui nous regardons comme offensés pour peu que ceux qui nous reprennent soient inférieurs à nous ? Considérez donc avec quelle douceur Jésus-Christ repousse le reproche qu’on lui fait. Ses frères lui disaient : « Faites-vous connaître au monde » ; il leur répond : « Le monde ne saurait vous haïr : mais pour moi, il me hait », détournant ainsi leur accusation tant s’en faut, dit-il, que je cherche les hommages des hommes, qu’au contraire je ne cesse point de les reprendre, quoique je sache bien que par là je m’attire leur haine et la mort.
Et quand, direz-vous, les a-t-il repris ? Mais plutôt, quand a-t-il cessé de les reprendre ? Ne disait-il pas : « Ne pensez pas que ce soit moi qui vous doive accuser devant le Père : vous avez un accusateur qui est Moïse ». (Jn. 5,45) Et : « Je vous connais : je sais que vous n’avez point en vous l’amour de Dieu ». (Jn. 5,42) Et : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire que vous vous donnez les uns aux autres, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jn. 5,44) Ne voyez-vous pas que, par toutes ces choses, le divin Sauveur fait connaître que la haine qu’ils avaient conçue contre lui venait de ce qu’il les reprenait librement, et non de n’avoir pas gardé le sabbat ?
Mais pourquoi les envoie-t-il à la fête, leur disant : « Allez, vous autres, à cette fête : pour moi, je n’y vais point encore ? » Par là, il fait voir qu’il ne le dit point pour s’excuser, ou pour leur complaire, mais pour permettre l’observance du culte judaïque. Pourquoi donc Jésus est-il allé à la fête, après avoir dit : « Je n’irai pas ? » Il n’a point dit simplement : Je n’irai pas, mais il ajoute : Maintenant », c’est-à-dire avec vous, « parce que mon temps n’est pas encore accompli ». Cependant il ne devait être crucifié qu’à la Pâque prochaine. Pourquoi donc : n’y alla-t-il pas avec eux ? car s’il n’y fut pas avec eux, parce que son temps n’était pas encore venu, alors il n’y devait point aller du tout ? Mais il n’y fut point pour souffrir la mort, seulement il y fut pour les instruire. Pourquoi y alla-t-il secrètement ; car il pouvait y aller publiquement, se présenter au milieu d’eux, et réprimer leur fureur et leur violence comme il l’a souvent fait ? C’est parce qu’il ne le voulait pas faire trop souvent. S’il y eût été publiquement, et s’il les eût encore frappés d’une sorte de paralysie, il aurait découvert sa divinité avant le temps d’une manière trop claire, et l’aurait trop fait éclater par ce nouveau miracle. Mais comme ils croyaient que la crainte le retenait et l’empêchait d’aller à la fête, il leur fait voir au contraire qu’il n’a nulle crainte ; que ce qu’il fait, c’est par prudence, et qu’il sait le temps auquel il doit souffrir : quand ce temps sera venu, il ira alors librement et volontairement à Jérusalem. Pour moi, il me semble que ces paroles : « Allez, vous autres », signifient ceci : Ne croyez pas que je veuille vous contraindre de demeurer avec moi malgré vous. Et quand il ajoute : « Mon temps n’est pas encore accompli », il veut dire qu’il faut qu’il fasse des miracles, qu’il prêche et qu’il enseigne le peuple, afin qu’un plus grand nombre croie, et que les disciples, voyant la constance et l’assurance de leur Maître, et aussi les tourments qu’il a endurés, en deviennent plus fermes dans la foi.
3. Enfin, que ce que nous venons d’entendre nous apprenne, mes chers frères, à avoir de la bonté et de la douceur : « Apprenez de moi », dit Jésus-Christ, « que je suis doux et humble de cœur ». (Mt. 11,29) Et chassons toute aigreur. On nous insulte, donnons des marques de notre humilité ; on s’emporte de colère et de fureur, adoucissons, apaisons cette fureur et cette colère ; on nous chagrine, on nous calomnie,