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grand nombre de miracles ; ainsi on ne devait être nulle part plus attentif à sa parole.

2. Mais pourquoi Jésus enseignait-il dans la synagogue et dans le temple ? C’était pour attirer le peuple et pour montrer qu’il n’était pas contraire au Père. « Plusieurs donc de ses disciples, qui l’avaient ouï, disaient : Ces paroles sont bien dures (61) ». Que veut dire cela : « ces paroles sont dures ? » Elles sont rebutantes et fâcheuses, elles ordonnent des choses trop difficiles et trop pénibles. Mais Jésus-Christ ne disait rien de rebutant, ni de pénible : rien qui prescrivît des règles de vie ; seulement il enseignait ce qu’il fallait croire, parlant de temps en temps de la foi qu’on devait avoir en lui. Comment donc ces paroles sont-elles dures ? Est-ce parce que le Sauveur promettait la résurrection et la vie éternelle ? Est-ce parce qu’il disait qu’il était descendu du ciel ? Est-ce parce qu’il enseignait que personne ne peut être sauvé, s’il ne mange sa chair ? Ces choses, je vous prie, sont-elles dures ? Qui le peut dire ? Que signifie donc ce mot, « dur ? » Une chose difficile à entendre, qui surpassait leur force et leur intelligence, qui les épouvantait et les effrayait. Ils croyaient que Jésus-Christ leur parlait de lui-même en termes trop magnifiques. Voilà pourquoi ils disaient : « Qui peut les écouter ? » Et peut-être aussi parlaient-ils de la sorte pour excuser leur prochaine retraite.

« Mais Jésus connaissant en lui-même que ses disciples murmuraient sur ce sujet (62) », il était de sa divinité de révéler publiquement ce qu’il y avait de plus caché dans leur cœur. C’est pourquoi il leur dit aussitôt : « Cela vous scandalise-t-il ? » Que sera-ce donc « si vous voyez le Fils de l’homme monter où il était auparavant ? (63) » Jésus-Christ avait dit la même chose à Nathanaël : « Parce que je vous ai dit que je vous ai vu sous le figuier, vous croyez ». (Jn. 1, 50) Et à Nicodème : « Personne n’est monté au ciel, sinon le Fils de l’homme qui est dans le ciel ». (Jn. 3,13) Quoi donc ? le Sauveur ajoute-t-il difficulté à difficulté ? Non, loin de nous cette pensée ; mais il tâche d’attirer ses auditeurs et de les gagner par la grandeur et l’excellence de sa doctrine. Si, ayant dit : « Je suis descendu du ciel », il n’avait rien ajouté de plus, il leur eût donné un plus grand sujet de scandale et de chute ; mais quand il dit : « Mon corps donne la vie au monde », et : « Comme mon Père qui est vivant, m’a envoyé, je vis aussi par mon Père » ; et : « Je suis descendu du ciel », il aplanit, il résout la difficulté. Celui qui dit de soi quelque chose de grand se rend suspect de mensonge ; mais celui qui y joint ensuite de telles choses, ôte tout soupçon. Au reste, il n’omet rien pour les empêcher de croire qu’il soit le fils de Joseph. Jésus-Christ n’a donc pas dit ces choses pour augmenter le scandale, mais pour l’ôter. En effet, le regarder comme fils de Joseph, c’était montrer qu’on n’avait pas compris ce qu’il avait dit. Mais être persuadé qu’il était descendu du ciel, et qu’il y devait monter, c’était le vrai moyen d’entendre plus aisément et plus facilement ses paroles.

Après cela il apporte une autre solution de la difficulté : « C’est l’esprit », dit-il, « qui vivifie ; la chair ne sert de rien (64) » ; c’est-à-dire, ce que je dis de moi, il faut l’entendre spirituellement ; celui qui l’écoute avec un esprit charnel et terrestre n’y comprend rien et n’en retire aucun fruit. Or, c’était être charnel que de douter que Jésus-Christ fût descendu du ciel, et de le croire fils de Joseph, et de dire : « Comment peut-il nous donner sa chair à manger ? » Toutes ces pensées sont charnelles, et ce que disait Jésus-Christ, il fallait le prendre dans un sens mystique et spirituel. Et comment, repartirez-vous, pouvaient-ils entendre ce que cela voulait dire : « Mangez ma chair ? » Certes, il fallait attendre un temps propre et favorable, il fallait interroger, et ne point cesser de faire des questions.

« Les paroles que je vous dis, sont esprit et vie » ; c’est-à-dire, ce que je dis est tout divin et spirituel : je ne parle point de choses charnelles et qui soient soumises à la nature, mais de choses qui sont exemptes de ces sortes de nécessités et des lois de cette vie : ce que je dis a un sens tout autre et tout différent de celui que vous lui donnez. Comme donc ici le Sauveur a dit : Les paroles que je vous dis sont esprit, au lieu de dire, sont des choses spirituelles ; de même lorsqu’il dit : La chair ne sert de rien, il ne l’entend pas de la chair en elle-même, mais il insinue qu’ils prenaient dans un sens charnel ce qu’il disait, eux qui n’avaient de goût et de désir que pour les choses charnelles, en un temps où tout les invitait à rechercher celles qui sont spirituelles. Prendre dans un sens charnel ce que dit Jésus-Christ, c’est en perdre tout le fruit et