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si nous n’y faisons beaucoup d’attention. En effet, après avoir dit : « Celui qui mange ma chair demeure en moi », ajouter : « Comme mon Père qui m’a envoyé est vivant, moi aussi je vis par mon Père (58) » ; où est la suite, où est le rapport ? Ces choses ont une étroite liaison et un parfait rapport entre elles. Car le Sauveur ayant souvent promis la vie éternelle, pour confirmer sa promesse, il ajoute : « Il demeure en moi ». Or, s’il demeure en moi, comme je vis, il est visible qu’il vivra aussi. Il dit ensuite : « Comme mon Père qui m’a envoyé est vivant », ce qui est une similitude, et revient à dire : Je vis comme mon Père vit. Et de peur que vous ne le crussiez « non engendré », il a incontinent ajouté : « par le Père », non que pour vivre il ait besoin d’aucune opération : car, afin d’en ôter la pensée, il a déjà dit : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir la vie en lui-même ». (Jn. 5,26) Que si pour vivre il a besoin d’opération et de secours, il s’ensuivra ou que le Père n’a pas donné au Fils d’avoir la vie, et que cette proposition est fausse ; ou, s’il la lui a donnée, qu’il n’a plus besoin dans la suite d’autre aide ni de secours. Que veut dire ce mot : « Par le Père ? » Il insinue seulement la cause, le principe. Au reste, il veut dire ceci : Comme mon Père vit, moi je vis aussi : « De même, celui qui me mange, vivra aussi par moi ». Ici Jésus-Christ appelle vie, non toutes sortes de vies, mais la vie glorieuse : que le divin Sauveur n’entende point parler ici de la vie simple et commune, mais de cette vie glorieuse et ineffable, cela se voit manifestement, puisque tous les infidèles et les catéchumènes qui ne sont point initiés aux saints mystères vivent, quoiqu’ils n’aient point goûté à cette chair divine. Voyez-vous que Jésus-Christ ne parle point de cette vie, mais de celle du ciel ? Voici ce que signifie ce qu’il dit : Celui qui mange ma chair, quoiqu’il meure et disparaisse à nos yeux, ne périra point et ne tombera point dans le lieu des supplices. D’ailleurs, il ne parle point de la résurrection qui est commune à tous les hommes, car tous ressusciteront pareillement ; mais de cette adorable et glorieuse résurrection, qui sera suivie de la récompense.

« C’est ici le pain qui est descendu du ciel. Ce n’est pas comme la manne que vos pères ont mangée, et qui ne les a pas empêchés de mourir. Celui qui mange ce pain, vivra éternellement (59) ». Jésus-Christ parle souvent de la résurrection, pour imprimer cette vérité dans l’esprit de ses auditeurs. Car c’était là le point le plus important de sa doctrine, d’établir et d’affermir la foi en ces choses, la résurrection et la vie éternelle. Et voilà pourquoi il ajoute la résurrection ; soit parce qu’il a parlé de la vie éternelle, soit pour montrer que la vie qu’il promet n’est pas pour le temps présent, mais pour celui qui suivra la résurrection. Et par où, direz-vous, le prouvera-t-on ? Par les Écritures. Jésus-Christ y renvoie incessamment les Juifs, afin que par elles ils s’instruisent de ces vérités. Il a dit que « ce pain donne la vie au monde » (Jn. 6,33), pour les exciter à en manger et leur donner de l’émulation et même du dépit, en voyant les autres jouir d’un si grand bien, de telle sorte qu’ils s’efforcent d’y participer eux-mêmes : et il fait souvent mention de la manne, tant pour leur en faire connaître la différence, que pour les attirer à la foi. Si effectivement, sans moisson, sans blé, sans aucun préparatif, Dieu a pu les nourrir pendant quarante ans, maintenant il le pourra bien mieux, puisqu’il est venu pour opérer de plus grandes merveilles. Et d’ailleurs, si ces choses étaient des figures, et si, sans sueurs et sans travail, ils ramassaient alors de quoi se nourrir, à plus forte raison aurons-nous toutes choses avec abondance, maintenant qu’il y a une si grande différence, qu’il n’y a véritablement point de mort, et que nous jouissons d’une véritable vie.

Au reste, c’est très à propos que le divin Sauveur parle souvent de la vie : la vie est ce que les hommes désirent le plus ; rien aussi n’est plus doux ni plus agréable que de ne point mourir. Dans l’Ancien Testament Dieu promettait aux hommes une longue vie, maintenant non seulement il nous promet une vie longue, mais aussi il nous en fait attendre une qui n’aura point de fin. De plus, Jésus-Christ veut en même temps nous faire connaître que la peine à laquelle le péché nous avait assujettis, est maintenant révoquée, et qu’il a aboli notre sentence de mort par l’institution non d’une vie ordinaire, mais d’une vie éternelle, contrairement au régime antérieur. « Ce fut en enseignant dans la synagogue de Capharnaüm, que Jésus dit ces choses (60) » ; il a fait dans ce lieu un très