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n’ont pas été enseignés de Dieu ? qu’est-il en ceci de si extraordinaire et de si admirable ? C’est qu’alors des hommes servaient de ministres pour instruire les hommes des choses divines, et que maintenant c’est Jésus-Christ et le Saint-Esprit qui les instruisent. Jésus-Christ conclut ensuite par ces paroles : « Ce n’est pas qu’aucun homme ait vu le Père ; si ce n’est celui qui est né de Dieu » : où il ne parle pas de ceux qui sont nés de Dieu en tant que cause, mais de celui qui est engendré de sa substance. S’il disait : Nous sommes tous nés de Dieu, on dirait : En quoi donc le Fils l’emporte-t-il sur les autres, en quoi diffère-t-il d’eux ?
Et pourquoi, dira-t-on encore, ne l’a-t-il pas plus clairement expliqué ? c’est à cause de la faiblesse et de la grossièreté des Juifs. Si, lorsqu’il a dit : « Je suis descendu du ciel », ils s’en sont si fort scandalisés, ne se seraient-ils pas encore beaucoup plus scandalisés et irrités, s’il avait dit : Je suis engendré de la propre substance du Père ? Il se dit le pain de Dieu, parce que c’est lui qui nous donne cette vie et la vie future. Voilà pourquoi il ajoute : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement (52) ». Mais ici Jésus-Christ appelle pain la doctrine du salut et la foi en lui, ou bien son corps ; car l’une et l’autre chose fortifie et vivifie l’âme. Cependant il a dit ailleurs « Celui qui écoutera ma parole, ne mourra jamais » (Jn. 8,52), et ils s’en sont scandalisés. Maintenant ils ne se scandalisent point, peut-être, parce qu’ils le considéraient et le respectaient encore à cause des pains qu’il leur avait donnés à manger.
2. Remarquez, mes frères, la différence que met le divin Sauveur entre ce pain et la manne, différence qu’il tire de l’effet que produisent l’un et l’autre. Premièrement, il montre que la manne n’a rien produit de nouveau, en disant : « Vos pères ont mangé la manne dans le désert ; et ils sont morts (49) ». En second lieu, il s’attache principalement à les convaincre qu’ils ont reçu de beaucoup plus grands biens que leurs pères, faisant allusion par là à Moïse même et aux hommes admirables de ce temps. C’est pourquoi, ayant dit que ceux qui avaient mangé la manne étaient morts, il a incontinent ajouté : « Celui qui mange de ce pain, vivra éternellement ». Or, ce n’est pas sans raison qu’il a mis ce mot : « Dans le désert ». C’est pour leur faire entendre que la manne n’a pas duré longtemps et qu’elle n’est pas venue jusque dans la terre promise, mais ce pain n’est pas de même nature. « Et le pain que je donnerai, c’est ma chair que je dois livrer pour la vie du monde (52) ».
Il est probable que quelqu’un demandera ici avec étonnement quelle était l’opportunité d’un langage qui, loin d’être utile ou édifiant, ne pouvait que nuire à ceux qui étaient déjà édifiés. « Dès lors », dit l’évangéliste, « plusieurs de ses disciples se retirèrent de sa suite (Jn. 6,67) et dirent : Ces paroles sont bien dures, et qui peut les écouter ? » (Id. 61) En effet, Jésus-Christ aurait pu ne découvrir et ne communiquer ces mystères qu’à ses disciples seuls, comme dit saint Matthieu : « Étant en particulier, il expliquait tout à ses disciples ». (Mt. 13,36) Que répondrons-nous à cela ? Nous répondrons qu’aujourd’hui encore de telles paroles sont très-utiles et très-nécessaires. Comme les Juifs pressaient instamment Jésus-Christ de leur donner des viandes à manger, mais des viandes corporelles et sensibles ; et que, rappelant la nourriture qui avait été donnée à leurs pères, ils vantaient la manne comme quelque chose de grand, il voulut leur faire connaître que ces choses n’étaient que des ombres et des figures, et que la nourriture qu’il leur promettait était seule la vérité : voilà pourquoi Jésus leur parle de cet aliment spirituel.
Mais, repartirez-vous, il fallait dire : Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et moi je vous ai donné du pain. Mais la différence était grande : les Juifs regardaient le pain comme inférieur à la manne, parce que celle-ci était tombée du ciel, et que le miracle des pains avait été fait sur la terre. Comme donc ils demandaient une nourriture qui leur fût envoyée du ciel, c’est pour cela même que le divin Sauveur leur disait souvent : « Je suis descendu du ciel ». Que si quelqu’un demande pourquoi il leur a parlé des mystères, nous répondrons que c’était là, un temps propre à les en entretenir. L’obscurité des paroles excite et réveille toujours l’auditeur et le rend plus attentif. Ils né devaient donc pas se, choquer, ni s’en scandaliser ; mais plutôt il fallait interroger, chercher à s’éclaircir et à s’instruire ; loin de là, ils se retirent. Ils l’appelaient prophète : s’ils le croyaient tel, il fallait donc ajouter foi à ce qu’il disait. C’est pourquoi, qu’ils se soient choqués et scandalisés,