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qui est celui qui vous dit : Donnez-moi à boire, vous lui en auriez peut-être demandé vous-même, et il vous aurait donné de l’eau vive » ; et encore : L’eau que je vous donnerai » (Jn. 4,10) ; et il ne la renvoie pas au Père. Mais ici il parle du Père pour vous faire connaître quelle était la foi de la Samaritaine, et aussi quelle était la faiblesse et la grossièreté des Juifs.
La manne n’était donc pas le pain du ciel ; pourquoi donc la dit-on un pain du ciel ? On l’appelle le pain du ciel dans le même sens que l’Écriture dit : « Les oiseaux du ciel » (Ps. 8,8), et aussi : « Et le Seigneur a tonné du haut du ciel ». (Ps. 17,15) Le pain que le Père donne, Jésus-Christ l’appelle le pain véritable, non que le miracle de la manne fût faux, mais parce qu’il était une figure et non pas la vérité même. Jésus-Christ, parlant de Moïse, ne s’élève point au-dessus de lui, parce que les Juifs ne lui donnaient pas encore la préférence sur Moïse, et qu’ils croyaient ce législateur plus grand que lui. Voilà pourquoi, ayant dit : « Moïse ne vous a point donné », il n’a pas ajouté : C’est moi qui donne ; mais il dit : C’est mon Père. Alors les Juifs répondirent : « Donnez-nous ce pain à manger » ; ils croyaient encore qu’il s’agissait d’un pain matériel et sensible ; ils s’attendaient encore à contenter leur appétit. Voilà pourquoi ils accoururent si promptement. Que fait donc Jésus-Christ ? Peu à peu il élève leur esprit, et il ajoute : « Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde (33) » ; non seulement aux Juifs, dit-il, mais aussi à tout le inonde. Il ne dit pas simplement la nourriture, mais une vie différente, de celle-ci : et il dit qu’il donne la vie, parce que ceux qui avaient mangé la manne étaient tous morts ; mais les Juifs encore attachés à la terre, disent : « Donnez-nous ce pain (34) ». Sur quoi Jésus-Christ les reprend de ce, que, tant qu’ils ont cru recevoir une viande corporelle, ils sont venus à lui en foule ; mais qu’aussitôt qu’ils ont appris que la viande qu’il leur voulait donner était spirituelle, ils ont cessé d’accourir, et il leur dit : « Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n’aura point de faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif (35). Mais je vous l’ai, déjà dit : vous m’avez vu, et vous ne me croyez point (36) ».
2. Jean-Baptiste le leur avait déjà dit d’avance : « Il rend témoignage de ce qu’il a vu et de ce qu’il a entendu, et personne ne reçoit son témoignage ». (Jn. 3,32) Jésus-Christ, de même : « Nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu ; et cependant, vous ne recevez point notre témoignage ». (Jn. 2) C’est pour les avertir et leur montrer qu’il ne s’étonne point de leur incrédulité, qu’il ne recherche point la gloire et qu’il n’ignore point les secrets, soit présents, soit futurs, de leurs cœurs.
« Je suis le pain de vie ». L’évangéliste commence maintenant d’entrer dans l’exposition des mystères. Et premièrement, il découvre la divinité du Christ, en disant : « Je suis le pain « de vie » ; car il ne dit pas cela de son corps. Il parle de son corps vers la fin de ce chapitre : « Et le pain que je donnerai, c’est ma chair (52) ». Mais ici il parle de sa divinité. Il est le pain parce qu’il est Dieu, le Verbe, de même qu’ici il devient le pain céleste par la descente du Saint-Esprit. Au reste, Jésus-Christ n’apporté point ici de témoignages, comme dans lé sermon qui précède, parce qu’il avait celui des pains, et que les Juifs faisaient encore semblant de le croire. En entendant l’autre prédication, ils murmuraient, ils contestaient ; voilà pourquoi il explique ici sa doctrine. Les Juifs, dans l’espérance d’avoir la nourriture corporelle, demeurent à l’écouter et ne se troublent point jusqu’à ce qu’ils se voient déçus dans leur attente. Mais Jésus-Christ ne se tait pas peur cela ; il leur dit, au contraire, bien des choses propres à les faire rentrer en eux-mêmes. Et ces hommes qui, pendant qu’ils mangeaient et se rassasiaient, l’avaient appelé prophète, maintenant se mettent en colère et le disent fils du charpentier. (Mt. 13,55) Ils ne le traitaient pas de même lorsqu’il leur donnait à manger, mais ils disaient : « C’est ici le prophète », et ils voulaient le faire roi. Au reste, ils paraissaient se fâcher et se mettre en colère lorsqu’il disait qu’il était descendu du ciel ; mais ce n’était point là le vrai sujet de leur colère : ce qui les irritait, c’était de n’avoir plus d’espérance de recevoir la nourriture corporelle. Et certes, si ces paroles les choquaient, que ne s’informaient-ils de Jésus, comment il était le pain de vie, comment il était descendu du ciel ? mais au lieu de le faire, ils se mettent à murmurer.
Ce qui prouve manifestement que ce n’était point là de quoi ils s’offensaient, c’est que