Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

et regarder ce soin comme superflu ; car celui qui travaille peut fort bien n’amasser pas pour le lendemain, celui qui travaille peut n’être point inquiet. En effet, l’inquiétude et le travail ne sont pas une même chose ; Jésus-Christ et l’apôtre parlent ainsi, afin que celui qui travaille ne mette pas sa confiance dans son travail, mais songe seulement à gagner de quoi faire l’aumône. Au surplus, ce que le divin Sauveur dit à Marthe ne regarde pas le travail en lui-même, mais seulement le temps qu’il faut y consacrer. Il veut qu’on y ait égard et qu’on n’emploie pas celui du sermon à des œuvres terrestres et charnelles. II ne lui dit donc pas cela pour la jeter dans la paresse, mais pour la porter à l’entendre. Je suis venu chez vous, dit-il, pour vous enseigner les choses nécessaires au salut, et vous vous empressez pour nous donner à manger ? Voulez-vous me bien recevoir et me servir un grand festin ? Préparez d’autres mets, soyez attentive à ma parole, imitez l’amour et le zèle de votre sœur. Jésus-Christ ne défend donc pas l’hospitalité, Dieu nous garde de le dire ; mais il nous apprend qu’à l’heure du sermon il ne faut point se livrer à d’autres occupations. Enfin quand il dit : « Travaillez pour avoir non la nourriture qui périt », il ne veut pas dire qu’il faut vivre dans l’oisiveté ; car c’est là principalement la nourriture qui périt. En effet, « c’est l’oisiveté qui enseigne tous les maux ». (Sir. 33,29) Mais il déclare qu’il faut travailler et donner à ceux qui sont dans l’indigence : voilà sûrement la nourriture qui ne périt point. Mais celui qui, menant une vie oisive, se livre à la bonne chère et à toute sorte de plaisirs, est véritablement un homme qui travaille pour la nourriture qui périt, et au contraire celui, qui, de, son propre travail, habille Jésus-Christ, lui donne à manger et à boire, personne, s’il n’a perdu l’esprit, ne dira que celui-là travaille pour la nourriture qui périt, lui à qui le royaume est promis, ainsi que les biens qui ne périssent point : voilà la nourriture qui demeure éternellement.
C’est donc avec raison que la nourriture dont ce peuplé se montrait si avide, Jésus-Christ l’appelle une viande qui périt, parce que ces hommes ne se mettaient point en peine d’être instruits des vérités de la foi, parce qu’ils ne s’appliquaient point à connaître qui était celui qui avait opéré le miracle des pains, ni par quelle puissance il l’avait fait, mais qu’ils ne se souciaient que d’une seule chose ; de remplir, de rassasier leur ventre sans avoir rien à faire. J’ai nourri vos corps, dit le Sauveur, pour vous engager par là à rechercher une autre viande, une viande solide, qui demeure et qui nourrisse vos âmes ; mais vous courez encore après moi pour avoir la nourriture charnelle. Ainsi, vous ne comprenez point que ce n’est pas pour vous nourrir de cette viande imparfaite que je vous mène avec moi, mais pour vous en donner une qui n’est ni charnelle, ni temporelle, qui vous procurera la vie éternelle, qui ne nourrira pas vos corps, mais vos âmes. Après quoi, comme il avait dit de grandes choses de soi ; en promettant de donner cette viande qui ne périt point, de peur que ses auditeurs ne se scandalisent encore de ces paroles, et pour les engager à le croire, il rapporte ce don au Père, car ayant dit : « Que le Fils de l’homme vous donnera », il a ajouté : « Parce que c’est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère », c’est-à-dire le Père vous l’a envoyé pour cela, pour vous apporter cette viande ; on peut expliquer encore cette phrase d’une autre façon, car Jésus-Christ dit aussi ailleurs : « Le Père a attesté que celui dont vous écoutez les paroles est Dieu véritable » (Jn. 3,33), c’est-à-dire il a manifestement fait connaître, et c’est là ce que ces paroles me paraissent insinuer, car ces mots : « Le Père a attesté », ne veulent dire autre chose, sinon, il a montré, il a révélé par son témoignage. Car Jésus-Christ s’est fait connaître, il s’est manifesté lui-même, mais comme il parlait aux Juifs, il a produit le témoignage du Père.
2. C’est pourquoi, apprenons, mes très-chers frères, à demander à Dieu ce qu’il convient de lui demander. De quelque manière que tournent les choses temporelles, elles ne nous portent aucun préjudice. Si nous nous enrichissons, ce n’est qu’ici-bas que nous jouirons du plaisir que procurent les richesses. Si nous tombons dans la pauvreté, nous n’en souffrirons rien de fâcheux. Soit qu’il nous arrive du bien, soit qu’il nous arrive du mal, cela n’est nullement digne de nous causer de la joie ou de là tristesse. Ce sont là des choses qui ne méritent que le mépris et qui passent très-promptement. Et comme elles passent et n’ont qu’une existence éphémère, c’est justement qu’elles sont appelées une voie, un passage.
Mais les peines et les récompenses futures