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l’on adresse la parole. Si nous ne faisons donc attention à ces deux choses, à la personne qui parle et à ceux à qui on parle, et même à d’autres encore, comme au temps, au lieu, à l’esprit et aux dispositions des auditeurs, il s’ensuivra bien des absurdités. Que signifient donc ces paroles qu’on vient d’exposer ? Les Juifs ne pouvaient manquer de dire : « Si vous rendez témoignage de vous-même, votre témoignage n’est pas véritable ». Voilà pourquoi Jésus-Christ les arrête tout court et les prévient, en leur disant, à peu de choses près Vous me direz sans doute, nous ne vous croyons point : car parmi les hommes nul ne croit celui qui se rend témoignage à lui-même. Il ne faut donc pas passer légèrement sur ce mot : « Il n’est pas véritable », mais il faut sous-entendre : selon leur opinion ; c’est comme s’il disait : selon vous, il n’est pas véritable. Jésus-Christ ne dit donc rien de contraire à sa dignité, mais il parle selon leur opinion. Et quand il dit : « Mon témoignage n’est pas véritable », il leur reproche leur sentiment, et prévient l’objection qu’ils lui allaient faire. Mais lorsqu’il dit : « Quoique je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est véritable », il découvre la vérité, telle qu’elle est, à savoir, qu’étant Dieu, il faut le croire digne de foi, lors même qu’il se rend témoignage à lui-même. Ayant prédit la résurrection des morts et le jugement, ayant dit que celui qui croit en lui n’est pas condamné, mais qu’il est déjà passé de la mort à la vie, qu’assis à son tribunal il fera rendre compte à tous les hommes de toutes leurs œuvres, et qu’il a la même puissance et la même vertu que le Père, pour confirmer toutes ces vérités par de nouveaux arguments, il est dans l’obligation d’exposer premièrement l’objection des Juifs.
Et voici comment il le fait : j’ai dit que « comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît ». (Jn. 5,21) J’ai dit que « le Père ne juge personne ; mais qu’il a donné au Fils tout pouvoir de juger ». (Jn. 5,22) J’ai dit qu’ « il faut honorer le Fils comme on honore le Père ». (Jn. 5,23) J’ai dit que « celui qui n’honore point le Fils, n’honore « point le Père ». (Jn. 5,23) J’ai dit que « celui qui entend ma parole, et qui y croit, ne mourra point, mais qu’il est déjà passé de la mort à la vie ». (Jn. 5,24) J’ai dit que ma voix ressuscitera les morts, dès maintenant et dans la suite (Jn. 5,25). J’ai dit que je ferai rendre compte de tous les péchés (Jn. 5,28, 29). J’ai dit que je jugerai justement, et que je récompenserai ceux qui auront fait de bonnes œuvres (Jn. 5,30) : Comme donc Jésus-Christ avait dit tout ce que nous venons d’exposer ; comme tout ce qu’il avait dit était certainement grand et important, et qu’il n’en avait néanmoins point encore donné de preuves claires et évidentes, mais qu’il avait tout laissé dans l’obscurité ; il propose d’abord ce qu’on objectait, pour venir ensuite à la véritable preuve de ce qu’il a avancé ; c’est comme s’il parlait ainsi, quoiqu’en d’autres termes : Peut-être direz-vous vous dites toutes ces choses, mais vous n’êtes pas un témoin digne de foi, vous qui vous rendez témoignage à vous-même.
Voilà donc comment Jésus-Christ résout d’abord la difficulté que faisaient les Juifs : il la résout en leur découvrant ce qu’ils voulaient opposer, en leur faisant connaître qu’il voit ce qu’il y a de plus caché dans leur cœur, et en leur donnant cette première preuve de sa vertu et de sa puissance ; enfin, après avoir exposé leur objection et y avoir satisfait, il leur apporte d’autres preuves claires, évidentes et invincibles ; c’est en leur présentant trois témoins : ses œuvres, le témoignage du Père et la prédication de Jean-Baptiste. De ces trois témoignages, il leur présente le plus faible le premier, savoir : celui de Jean-Baptiste. Il avait dit : « Il y en a un autre qui rend témoignage de moi : et je sais que son témoignage est véritable (31) » ; il ajoute : « Vous avez envoyé vers Jean ; et il a rendu témoignage à la vérité (33) ». Mais si votre témoignage n’est pas véritable, comment dites-vous vous-même : le témoignage de Jean est véritable : « Et il a rendu témoignage à la vérité ? » Cela seul, mes frères, ne vous fait-il pas clairement voir que Jésus-Christ a dit : « Mon témoignage n’est pas véritable », en se plaçant au point de vue des Juifs ?
2. Mais, direz-vous, n’est-ce point par complaisance que Jean a rendu témoignage ? Jésus-Christ ôte ce soupçon, et il empêche les Juifs de tenir ce langage. Voyez comment : il n’a point dit d’abord : Jean a rendu témoignage de moi ; mais auparavant il a dit : Vous avez envoyé à Jean ; or, vous n’auriez pas député vers lui, si vous ne l’eussiez jugé digne