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vous pourrait-il penser que je me vante, et que je ne dis pas la vérité ? Mais si tout ce que je fais, je le rapporte à un autre, pourquoi ma parole vous serait-elle suspecte ? Ne voyez-vous pas où en vient Jésus-Christ, et comment il prouve que son jugement est juste par un argument d’un usage vulgaire et général ? Ne voyez-vous pas avec quelle clarté et quelle lumière se montre ce que j’ai souvent dit ? Et qu’est-ce que j’ai dit ? Que l’excès même de grossièreté qu’il y a souvent dans les paroles du Sauveur est justement ce qui porte les hommes de sens à ne point s’arrêter aux basses idées qu’elles présentent d’abord, et à les expliquer dans un sens plus élevé et plus sublime ; par là, ceux qui maintenant rampent à terre, sont amenés peu à peu, et sans peine, à s’élever plus haut.
5. Faisons attention à toutes ces choses, je vous prie, et, dans la lecture de l’Écriture sainte, n’omettons rien, ne passons pas la moindre parole ; mais examinons tout avec soin, et considérons bien la raison de chaque parole. Ne croyons pas pouvoir nous excuser sur notre ignorance ou sur notre simplicité. Jésus-Christ ne nous a pas seulement ordonné d’être simples, mais encore d’être prudents (Mt. 10,16) Usons donc de simplicité, mais joignons à cela la prudence, soit dans l’étude de la doctrine, soit dans nos actions, et jugeons-nous nous-mêmes, afin qu’au jour du jugement nous ne soyons pas condamnés avec ce monde (1Cor. 11,31-32). Tels que nous désirons que Notre-Seigneur soit à notre égard, tels soyons nous-mêmes à l’égard de nos serviteurs. « Remettez-nous nos dettes », dit l’Écriture, « comme nous les remettons à ceux qui nous doivent ». (Mt. 6,12) Je le sais fort bien, que le cœur ne souffre pas volontiers les injures ; mais si nous faisons réflexion qu’en les supportant courageusement, ce n’est pas pour celui qui nous offense que nous agissons, mais pour nous-mêmes, promptement nous chasserons le poison de la colère. En voici un exemple : Celui qui ne remit pas à son débiteur sa dette de cent deniers (Mt. 18,24), ne fit pas tort au prochain, mais il se rendit lui-même débiteur de cent mille talents dont on venait de lui remettre la dette.
Ainsi, lorsque nous ne pardonnons pas aux autres, c’est à nous-mêmes que nous refusons le pardon. Ne disons donc pas seulement à Dieu : Seigneur, ne vous souvenez point de nos offenses ; mais disons-nous aussi chacun de nous à nous-mêmes : Ne nous souvenons pas des offenses de nos compagnons. Vous êtes votre premier juge, Dieu ne l’est qu’après vous. Vous-même vous écrivez la loi qui vous absout ou qui vous condamne : vous-même vous prononcez la sentence d’absolution ou de condamnation ; il dépend donc de vous que Dieu se souvienne de vos péchés, ou qu’il ne s’en souvienne pas. Voilà pourquoi saint Paul commande de remettre et de pardonner, si l’on a quelque grief contre quelqu’un (1Cor. 6) ; et non seulement de tout remettre, de tout oublier, mais encore d’étouffer tout ressentiment, en sorte qu’il n’en reste pas la moindre étincelle. Jésus-Christ non seulement n’a pas publié nos péchés, mais il ne nous en a même pas rappelé le souvenir ; il ne nous a pas dit : Vous avez péché en cela et en cela ; mais il nous à pardonné, il a effacé la cédule qui nous était contraire (Col. 2,14), il n’a pas même tenu compte de nos péchés, comme le déclare saint Paul.
Faisons de même, mes frères ; effaçons tout de notre esprit. Si celui qui nous a offensés nous a fait quelque bien, n’ayons égard qu’à ce bienfait ; s’il nous a fait du mal, éloignons-en le pénible souvenir, effaçons-le, qu’il n’en reste pas la moindre trace dans notre mémoire. S’il ne nous a jamais fait aucun bien, et que nous lui pardonnions alors généreusement son offense, la récompense et la louange que nous obtiendrons en retour en seront d’autant plus grandes. D’autres expient leurs péchés par les veilles, en couchant sur la dure, et par mille autres macérations ; pour vous, vous pouvez laver tous vos crimes par une voie plus aisée, à savoir, par l’oubli des injures. Pourquoi, comme un furieux et un insensé, vous plongez-vous le poignard dans le sein, et vous excluez-vous vous-même de la vie éternelle, au lieu de faire tous vos efforts pour l’acquérir ? Si la vie actuelle vous paraît si désirable, que direz-vous donc de celle d’où sont bannies là douleur, la tristesse, les larmes (Ap. 20,4) ? où l’on n’a point à craindre la mort, ni la perte des biens que l’on possède ? Heureux, et trois fois heureux ceux qui jouissent de ce bienheureux partage ! Malheureux, et mille fois malheureux ceux qui se privent eux-mêmes de ce bonheur !
Et qu’est-ce qui nous procurera cette vie ? demanderez-vous. Écoutez ce que répondit