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tout le monde. Ensuite, ce qu’il a dit, il l’explique par ces paroles : « Car, comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir la vie en lui-même (26) »
3. Faites bien attention à ceci, mes frères, que Jésus-Christ établit l’égalité et met cette seule différence entre le Père et le Fils, que l’un est le Père, l’autre le Fils ; car ce mot : « Il a donné », met seul cette différence ; mais il montre que tout le reste est égal et pareil. D’où il est visible que Jésus-Christ fait tout avec la même puissance et par la même vertu que le Père, et qu’il n’emprunte point d’ailleurs cette vertu. En effet, la vie, qu’il a, il l’a de même que le Père. Voilà pourquoi il ajoute encore ce qui suit, pour nous le faire comprendre. Quoi ? « Et il lui a donné le pouvoir de juger (27) ».
Et pourquoi Jésus-Christ parle-t-il si fréquemment de la résurrection et du jugement ? « Car » ; dit-il, « comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît ». Et, encore : « Le Père ne juge personne : mais il a donné au Fils tout pouvoir de juger ». Et derechef « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir la vie en lui-même ». Et : « Ceux qui entendront la voix du Fils de Dieu, vivront ». Et en cet endroit-ci : « Il lui a donné même le pouvoir de juger ». Pourquoi donc parle-t-il si souvent de ces choses, à savoir, du jugement, de la vie, de la résurrection ? Parce que c’est là principalement ce qui peut toucher et amollir le cœur le plus dur et le plus obstiné. Celui, en effet, qui croit qu’il doit ressusciter, et qu’il sera puni de ses crimes, cette foi seule à la résurrection et au jugement, à défaut de tout témoignage visible, suffira sans doute pour qu’il accourre à Jésus-Christ, afin de se rendre son juge propice et favorable.
« Ne vous étonnez point que ce soit le Fils de l’homme (27) ». Paul de Samosate ne lit pas de même ; voici comme il lit : « Il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu’il est le Fils de l’homme ». Mais le texte, lu de cette façon, n’a ni suite ni sens. Jésus-Christ n’a pas reçu ce pouvoir de juger, parce qu’il est homme. Autrement, qu’est-ce qui empêcherait que tous les hommes ne fussent juges ? Mais le Fils est engendré de l’ineffable substance du Père ; voilà pourquoi, il est juge. Voici donc comment il faut lire : « Ne vous étonnez point que ce soit le Fils de l’homme ». Jésus-Christ paraissait à ses auditeurs dire des choses qui se contredisaient, et ils ne le regardaient que comme un homme ;, toutefois, ses paroles leur semblaient être au-dessus de l’homme, ou plutôt au-dessus des anges, et ne pouvoir venir que d’un Dieu ; pour résoudre donc l’objection et la détruire, il a ajouté : « Ne vous étonnez point que ce soit le Fils de l’homme, car le temps vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du, Fils de Dieu (28) : Et « ceux qui auront fait de bonnes œuvres sortiront des tombeaux pour ressusciter à la vie ; mais ceux qui en auront fait de mauvaises en sortiront pour ressusciter à leur condamnation ».
Et pourquoi n’a-t-il pas dit : Ne vous étonnez point que ce soit le Fils de l’homme, car il est, aussi le Fils de Dieu ; et n’a-t-il parlé que de la résurrection ? La qualité de Fils de Dieu, il, l’avait déjà établie plus haut en disant : « Ils entendront la voix du Fils de Dieu ». S’il ; l’omet ; ici, n’en soyez pas surpris. Ayant parlé d’une œuvre qui et propre à Dieu, il a laissé à ses auditeurs à inférer de là qu’il est et Dieu et Fils de bien. S’il t’eût souvent répété, il les aurait rebutés et rendus plus opiniâtres ; mais confirmant ainsi sa doctrine par ses miracles, il amenait les Juifs à la recevoir avec moins de peine. C’est ainsi que souvent, dans le raisonnement, lorsqu’il suffit de poser les prémisses pour convaincre, on ne tire pas soi-même la conclusion, on dispose mieux l’auditeur, on remporte une plus glorieuse victoire, en forçant l’adversaire à tirer lui-même la conséquence : de cette Façon, ceux qui soutenaient l’opinion opposée ont moins de peine à donner raison à leur contradicteur.
Lorsque Jésus-Christ a parlé de la résurrection de Lazare, il n’a point fait mention du jugement, parce que ce n’est point pour ce sujet qu’il l’a ressuscité. Au contraire, lorsqu’il a parlé de la résurrection générale des morts, il a ajouté ceci : que ceux qui auront fait de bonnes œuvres, ressusciteront pour vivre éternellement ; mais que ceux qui en auront fait de mauvaises, ressusciteront pour être condamnés. Saint Jean a stimulé de même son auditeur ; soit en lui rappelant le jugement dernier, soit en disant que celui qui ne croit pas au Fils, ne verra point la vie, mais que la colère de Dieu demeurera sur lui. (Jn. 3,26)