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relève : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ».
Ne remarquez-vous pas de quelle manière il varie son discours, par, l’admirable mélange des paroles et des idées élevées, avec des expressions et des choses plus basses et plus grossières, afin que les hommes d’alors les reçussent plus-facilement, et que ceux qui viendraient dans la suite des temps ne perdissent pas le fruit et l’avantage qu’ils en devaient retirer, mais qu’interprétant les expressions tout humaines au moyen de celles qui sont plus élevées et plus sublimes, ils eussent de Jésus-Christ l’opinion qu’on en doit avoir ? En effet, s’il n’en est pas ainsi ; si ce n’est point par condescendance que Jésus-Christ a parlé comme il l’a fait, comment expliquer les choses sublimes qui se trouvent mêlées à son langage ? Si celui qui doit parler de soi d’une manière grande et élevée reste au-dessous de ce qu’il pourrait dire, il donne lieu de croire que c’est par une sorte de ménagement qu’il en use ainsi. Mais si un homme qui doit parler de soi en des termes humbles et modestes, s’exprime avec pompe : pourquoi s’attribue-t-il, dira-t-on de lui, ce qui est au-dessus de sa nature et de sa condition ? Ce n’est plus esprit de ménagement, mais extrême impiété.
2. Si donc Jésus-Christ s’exprime quelquefois dans un langage si humble, nous pouvons en donner la juste raison, une raison convenable à sa divinité : nous dirons qu’il agit ainsi par condescendance, qu’il nous apprend de cette manière à être humbles et modestes, et que par là il pourvoit à notre salut ; il le déclare ailleurs par ces paroles : « Mais je dis ceci afin que vous soyez sauvés ». (Jn. 5,34) Comme ne voulant point s’appuyer de son propre témoignage, ce qui eût été indigne, de sa grandeur et de sa dignité, il rapporte celui de Jean-Baptiste, il explique en même temps la raison pour laquelle il se sert de termes pareils, en disant : « Mais je dis ceci afin que vous soyez sauvés ».
Mais vous, qui prétendez qu’il n’a pas un pouvoir égal à celui du Père, que répondrez-vous quand vous lui entendrez dire qu’il aune, vertu, une puissance, une gloire égales à celles du Père ? Si, comme vous le soutenez, il est beaucoup inférieur au Père, pourquoi veut-il être honoré comme lui ? Car il ne se contente pas de dire ce que nous venons de rapporter ci-dessus ; et il ajoute : « Celui qui n’honore point le Fils, n’honore point le Père qui l’a envoyé ». (Jn. 5,23) Remarquez-vous comment il joint l’honneur qui doit être rendu au Fils avec celui qu’on doit rendre au Père ? Et qu’est-ce que cela prouve, dira quelqu’un, nous voyons qu’il en fait autant à l’égard des apôtres : « Celui qui vous reçoit », dit-il, « me reçoit ? » (Mt. 10,40) Mais là, il parle de la sorte pour montrer qu’il regarde comme fait pour lui ce qu’on fait pour ses serviteurs ; ici, il veut dire que la substance est la même et la gloire égale. De plus, il n’a point dit des apôtres qu’il faut les honorer ; mais, parlant de soi, il a dit formellement : « Celui qui n’ho« more point le Fils, n’honore point le Père ». Si de deux monarques régnant ensemble on en offense un, l’offense rejaillit aussi sur l’antre, et surtout si celui qui est offense est son fils ; que dis-je ? C’est outrager le roi que d’outrager un de ses soldats ; mais c’est l’outrager indirectement et non de la même manière. Ici, au contraire, tout est personnel. Si donc Jésus-Christ a pris soin de dire : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » ; c’est pour que, lorsqu’il dira ensuite : « Celui qui n’honore point le Fils n’honore point le Père », vous compreniez qu’il s’agit d’un même honneur, d’un culte égal. Car il n’a pas dit simplement : Celui qui n’honore point ; mais : celui qui n’honore point en la manière que j’ai dis, n’honore point le Père.
Et comment, direz-vous, celui qui envoie et celui qui est envoyé sont-ils de – la même substance ? Quoi 1 vous revenez encore aux idées humaines et terrestres, et vous ne faites pas attention que Jésus-Christ n’a dit toutes ces choses que pour nous faire connaître le principe, pour nous empêcher de tomber dans l’erreur de Sabellius, et pour guérir, par ce remède, la maladie des Juifs, qui étaient tentés de voir en lui un ennemi de Dieu ; car ils disaient de lui : « Cet homme n’est point de Dieu ; cet homme n’est pas venu de Dieu ? » C’est donc pour leur ôter ce soupçon qu’il ne se servait point tant de paroles élevées que de paroles humaines et grossières. S’il disait souvent qu’il avait été envoyé ; ce n’était pas pour vous donner lieu de croire qu’il est inférieur au Père ; mais pour fermer la bouche aux Juifs. Voilà pourquoi souvent il s’autorise de son Père, tout en mêlant à ce témoignage sa propre autorité. S’il eût toujours parlé d’une