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Ce mot : « Il est impossible », ne marque nullement une faiblesse, mais un pouvoir et une puissance ineffable. Et voici ce que cela signifie. Cette substance n’admet et ne souffre aucune de ces sortes de choses, aucune de ces imperfections. Comme lorsque nous disons : Il est impossible que Dieu pèche, nous ne lui attribuons pas un défaut, ou une faiblesse, mais nous témoignons, au contraire, de sa puissance ineffable ; de même aussi, lorsque Jésus-Christ dit : « Je ne puis rien faire de moi-même », cela signifie : il est absolument impossible que je fasse rien de contraire à mon Père.
Mais, afin que vous puissiez vous convaincre que c’est ainsi qu’il faut entendre ce, passage, examinons ce qui suit et voyons de quel côté est Jésus-Christ, ou du vôtre, ou du nôtre. Vous dites que ces paroles marquent un défaut de pouvoir, une limitation d’autorité et de puissance : et moi je soutiens, au contraire, qu’elles montrent évidemment une égalité entière et parfaite, et que tout se fait comme par une même volonté et une même puissance. Interrogeons Jésus-Christ lui-même, et par ses réponses nous jugerons si les paroles sur lesquelles nous disputons, il les explique selon votre opinion ou selon la nôtre. Que dit-il donc ? « Tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait comme lui ». Ne voyez-vous pas qu’il renverse et détruit absolument votre opinion, au lieu qu’il établit et confirme la nôtre ? En effet, si le Fils ne fait rien de lui-même, le Père aussi ne fera rien de lui-même, puisque tout ce que fait le Père, le Fils le fait également. Et s’il n’en était pas ainsi, il s’ensuivrait une autre absurdité. Car Jésus-Christ n’a point dit : Le Fils fait ce qu’il a vu faire au Père, mais : il ne fait rien, s’il ne le voit faire au Père ; comprenant ainsi tous les temps dans son affirmation : or, selon vous, il apprendra toujours à, faire les mêmes choses. Sentez-vous combien est élevée et sublime cette pensée qui, quoiqu’enveloppée d’expressions basses et grossières, force pourtant, malgré eux, les hommes les plus impudents et les plus téméraires, d’éloigner de leur esprit toutes basses idées, tous sentiments indignes d’une si grande majesté ? Et qui serait assez misérable et assez malheureux pour dire que le Fils apprend chaque jour ce qu’il doit faire ? Alors, comment serait vrai ce que dit le prophète-roi : « Mais pour vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront point ? » (Ps. 101,28) Et comment ceci le sera-t-il ? « Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui » (Jn. 1,3), si ce que fait le Père, le Fils l’imite en le voyant ? Ne remarquez-vous pas comme son autorité et sa puissance se découvrent et se manifestent, et par ce qu’on a dit ci-dessus, et par ce qu’on va dire encore ?
Que si Jésus-Christ emploie quelquefois des expressions tout humaines, ne vous en étonnez pas. Comme les Juifs, pour l’avoir entendu parler en des termes plus élevés, le persécutaient et le prenaient pour un, ennemi de Dieu, il commence par s’exprimer d’une manière un peu basse et grossière, seulement quant aux expressions ; puis il s’élève, il parle d’une manière plus sublime, ensuite il redescend, baisse le ton ; variant ainsi son discours et ses instructions, afin que les plus endurcis puissent aisément croire en lui. Voyez ; après avoir dit : « Mon Père agit, et j’agis aussi », et s’être montré égal à Dieu, il dit encore : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu’il voit faire au Père ». Ensuite, il s’énonce en des termes plus élevés, et il dit : « Tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait comme lui ». Après quoi, il s’abaisse de nouveau : « Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait ; et il lui montrera des œuvres encore plus grandes que celles-là (20) ». Peut-on voir un plus grand abaissement ? Non, certes, car ce que j’ai dit, et ce que je ne cesserai point de dire, je vais le répéter maintenant. Lorsque Jésus-Christ veut dire quelque chose d’une manière basse et humble, il ne craint point l’excès, de telle sorte que la grossièreté des paroles persuade même les plus méchants de recevoir avec piété ce qu’ils entendent. En effet, si ce n’était point là l’intention du divin Sauveur, considérez combien seraient absurdes ses paroles ; pour s’en convaincre, il suffit de les examiner. Quand il dit : « Il lui montrera des œuvres encore plus grandes que celles-ci », il paraît n’avoir pas encore appris beaucoup de choses, ce qu’on ne peut pas même dire des apôtres ; car dès que les apôtres eurent reçu la grâce du Saint-Esprit, ils reçurent aussitôt toutes les connaissances et tous les pouvoirs qui leur étaient nécessaires ; mais, de cette manière, il se trouverait que le Fils n’avait pas encore appris bien des choses qu’il