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Christ, et croyant qu’il parlait de leur temple, disaient : « Ce temple a été quarante-six ans à bâtir, et vous le rétablirez en trois jours ? » (Jn. 2,20) Comme donc Jésus-Christ avait dit une chose, et que les Juifs en avaient pensé une autre, que ce qu’il avait dit de sa chair, ils l’avaient entendu de leur temple, l’évangéliste, pour le taire remarquer, ou plutôt pour corriger cette fausse opinion, a ajouté : « Mais il entendait parler du temple de son corps ». (Jn. 2,21) De même, si en cet endroit Jésus-Christ ne s’était pas fait égal à son Père, sûrement l’évangéliste aurait redressé la pensée des Juifs qui le croyaient, et il aurait dit : Les Juifs croyaient que Jésus-Christ se faisait égal à Dieu, mais il ne parlait pas de cette égalité. Et non seulement notre évangéliste en use ainsi dans l’endroit que nous avons cité, mais un autre aussi fait de même ailleurs. Jésus-Christ ayant dit à ses disciples : « Ayez soin de vous garder du levain des Pharisiens et des Sadducéens », et les disciples ayant pensé et dit entre eux : « Nous n’avons point pris de pain » (Mt. 16,6) ; comme le Sauveur voulait dire une chose, appelant levain leur doctrine, et les disciples en entendaient une autre, pensant que c’était du pain que Jésus parlait, il rectifie cette pensée : et même ici ce n’est pas l’évangéliste, c’est Jésus-Christ lui-même qui la corrige, en disant : « Comment ne comprenez-vous point que ce n’est pas du pain que je vous ai parlé ? » (Mt. 16,11) Mais dans le passage sur lequel roule la dispute, on ne voit nulle correction.
Mais, dira quelqu’un, Jésus-Christ ruine cette interprétation, en ajoutant : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même ». Que dites-vous ? c’est tout le contraire : loin de nier l’égalité par ces mêmes paroles que vous alléguez, il l’établit et la confirme. Renouvelez votre attention, mes frères, la question est très-considérable et très-importante. Cette expression : « De lui-même », se rencontre souvent dans l’Écriture, où elle s’applique, et à Jésus-Christ, et au Saint-Esprit ; il en faut donc connaître la valeur et la force, pour ne pas tomber dans de très-grandes et de très-grossières erreurs. En effet, si vous la prenez dans le premier sens qu’elle présente, quelles absurdités ne s’en suivra-t-il pas ? Faites-y attention. L’Écriture n’a point dit que Jésus-Christ pouvait faire certaines choses de lui-même, et qu’il n’en pouvait pas faire d’autres ; mais elle dit en général : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même (19) ».
4. Nous ferons donc cette demande à notre contradicteur : Jésus-Christ, selon vous, ne peut donc rien faire de lui-même ? S’il répond Non, nous repartirons : Mais il a fait le plus grand de tous les biens par lui-même ; saint Paul le crie et le publie hautement : « Qui étant l’image de Dieu », c’est de Jésus-Christ qu’il parle, « n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation d’être égal à Dieu : mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la « forme de serviteur ». (Phil. 2,6-7) Et encore : Jésus-Christ lui-même dit ailleurs : « J’ai le pouvoir de quitter la vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre, et personne ne me la ravit : c’est de moi-même que je la quitte », (Jn. 10,18) Ne voyez-vous pas que celui qui s’est anéanti lui-même, en prenant de lui-même notre chair, a en son pouvoir et la mort et la vie ? Et que dis-je de Jésus-Christ ? Nous qui sommes ce qu’il y a de plus vil et de plus abject, nous faisons toutefois bien des choses de nous-mêmes ; de nous-mêmes nous choisissons le vice, de nous-mêmes nous pratiquons la vertu. Que si nous ne faisons pas ce choix de nous-mêmes, et si nous n’en avons pas le pouvoir, le péché ne saurait nous précipiter dans l’enfer ; ni les bonnes œuvres nous ouvrir le royaume des cieux. Donc, cette parole : « Jésus-Christ ne peut rien faire de lui-même », ne signifie autre chose, sillon qu’il ne peut rien faire de contraire à son Père, rien d’opposé, rien d’étranger : ce qui marque justement l’égalité et une parfaite union.
Et pourquoi Jésus-Christ n’a-t-il pas dit le Fils ne fait rien de contraire, mais : il ne peut pas faire ? c’est encore pour montrer par là une parfaite égalité. Car par cette expression l’Écriture ne désigne pas une faiblesse, mais elle fait voir sa grande puissance. En effet, saint Paul aussi parle ailleurs du Père en ces mêmes termes : « Afin qu’étant appuyés sur ces deux choses inébranlables, par lesquelles il est impossible que Dieu nous trompe ». (Héb. 6,18) Et derechef : « Si nous le renonçons[1], il demeure fidèle ; car il ne peut pas se contredire lui-même ». (2Tim. 2,13)

  1. « Si nous le renonçons ». Mon texte le porte de même. Saint Chrysostome le prend du verset précédent. Ainsi que nous lisons dans les textes grec et latin du Nouveau Testament, il faudrait dire : Si nous sommes infidèles. Mais la pensée est toujours le même.