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santé, et qui jouissent d’une heureuse fortune. Je le crois, mais ne nous y fions pas, et plaignons-les comme étant les plus à plaindre de tous les hommes. S’ils ne souffrent rien ici, c’est pour eux un gage et des arrhes d’un plus rigoureux supplice qui leur est réservé. Saint Paul l’a déclaré par ces paroles : « Mais maintenant lorsque nous sommes jugés de la sorte, c’est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde. » (1Cor. 11,32) Ici, c’est le lieu de l’avertissement, là du supplice.
Quoi donc ! direz-vous, est-ce que toutes les maladies viennent des péchés ? Non toutes, mais plusieurs. Il y en a qui tirent leur origine de la paresse ; l’intempérance, l’ivrognerie, l’oisiveté, engendrent des maladies corporelles. Au reste, dans tout ce qui nous arrive, nous avons une chose à observer, c’est de souffrir toutes sortes de plaies et d’afflictions avec actions de grâces. Le Seigneur nous envoie aussi des maladies pour nous punir de nos péchés. Nous lisons dans les livres des Rois qu’un homme fut attaqué de la goutte en punition de ses fautes[1]. Il nous en envoie encore pour nous éprouver et nous rendre plus illustres ; c’est pourquoi Dieu dit à Job : « Ne croyez pas que je vous aie traité de cette manière à autre intention que de faire connaître et de publier votre justice ? » (Job. 11,3, LXX) Mais pourquoi, quand il s’agit de la guérison de ces paralytiques, Jésus-Christ publie-t-il leurs péchés ? Car à celui dont parle saint Matthieu, il dit : « Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis » ; et à celui-ci : « Voyez, vous avez été guéri, ne péchez plus à l’avenir ». (Mt. 9,2) Je sais que quelques-uns accusent ce paralytique d’avoir mal parlé de Jésus-Christ, et qu’ils disent que c’est pour cela que le Sauveur lui dit : « Ne péchez plus ». Mais que répondrons-nous sur l’autre dont saint Matthieu fait mention ? Jésus ; Christ lui a dit aussi : « Vos péchés vous sont remis ». D’où l’on voit clairement que ce n’est point là la raison pour laquelle il lui a fait cette remontrance. Et ce qui suit le fait même plus clairement connaître. « Depuis », dit l’évangéliste, « Jésus trouve cet homme dans le temple » ; c’était là sûrement une marque de piété ; il n’allait pas à la place publique, ni aux lieux de promenade, il ne se livrait pas aux plaisirs de la table, ni à la paresse, mais il se tenait au temple : encore qu’il dût prévoir que tout le monde l’en chasserait, rien pourtant ne fut capable de l’en faire sortir. Jésus-Christ l’ayant donc rencontré après s’être entretenu avec les Juifs, ne fit pourtant aucune allusion de ce genre ; or, s’il eût voulu lui faire des reproches à ce sujet, il lui aurait dit : Quoi, vous persistez encore dans les mêmes fautes, et après avoir recouvré la santé, vous n’avez point changé de conduite, vous n’êtes pas devenu meilleur ? Mais il ne lui dit rien de semblable, seulement il le confirme pour l’avenir.
2. Mais pourquoi, quand il guérit les boiteux et les estropiés, ne leur dit-il rien de la rémission des péchés ? Pour moi, il me semble que chez ceux-là la maladie était la peine du péché, et chez ceux-ci une simple infirmité corporelle. Si cela n’était pas, Jésus-Christ leur aurait fait une pareille remontrance. Et de plus, de toutes les maladies, la paralysie étant la plus grande et la plus fâcheuse, en y apportant le remède, il l’applique également aux moindres. De même qu’en guérissant un autre lé preux, il lui ordonna d’aller rendre gloire à Dieu (Mt. 8,4), et ne donna pas cet avertissement à lui seul, mais par lui à tous ceux qui seraient guéris de leurs infirmités ; ainsi par ceux-là il exhorte tous les autres, et il donne à chacun ces salutaires avis. A quoi il faut ajouter encore que Jésus-Christ avait vu sa grande persévérance ; c’est pourquoi il l’avertit d’observer ce qu’il lui prescrit comme le pouvant, bien, et tant par le bienfait de sa guérison que par la crainte des maux à venir, il le retient et l’engage à être sage.
Remarquez, mes frères, combien Jésus-Christ est éloigné de toute vanité. Il n’a point dit : Vous voyez que je vous ai guéri, mais : « Vous voyez que vous êtes guéri, ne péchez plus a l’avenir ». Il n’a pas dit non plus : De peur que je ne vous punisse, mais : « De peur qu’il ne vous arrive quelque chose de pire », Nulle part il ne fait mention de sa personne ; il lui montre aussi que s’il a recouvré la santé

  1. L’exemple que rapporte le saint Docteur ne se trouve point dans la sainte Écriture, où il n’est nulle part fait mention de goutte, mais la vérité qu’il avance n’en est pas moins constante : Dieu a quelquefois visiblement frappé de maladie le pécheur en punition de son péché. Entre une infinité d’autres exemples qu’on pourrait facilement tirer des Livres saints, celui d’Ozias est bien mémorable Ce prince a la témérité de mettre la main à l’encensoir, et, sur-le-champ, il est frappé de lèpre. (2Ch. 26,1 ss) L’avarice et le mensonge de Giezi sont punis de la même maladie. (2R. 5,26-27, etc)