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avaient élevés, ils leur furent néanmoins inférieurs. Les Samaritains crurent au témoignage d’une femme, et sans avoir vu de miracles ils sortirent de leur ville pour venir, prier Jésus-Christ de demeurer chez eux ; mais les Juifs, même après avoir vu des prodiges et des miracles, bien loin de l’engager à demeurer avec eux, le chassèrent et n’omirent rien pour l’éloigner tout à fait de leur pays ; eux, pour qui il était venu, ils le repoussèrent, tandis que d’autres le sollicitaient de demeurer chez eux. Jésus-Christ ne devait-il donc pas aller chez ceux qui l’en priaient, et se donner à ceux qui brûlaient de le posséder ? Devait-il s’obstiner à ce point à rester parmi des ennemis, parmi des traîtres ? cela n’aurait pas été digne de sa providence. Voilà pourquoi il se rendit à la prière des Samaritains et demeura deux jours chez eux lis auraient bien voulu le retenir et le garder dans leur ville ; l’évangéliste l’insinue par ces paroles : « Ils le prièrent de demeurer chez eux » ; mais il ne le voulut pas, il y demeura seulement deux jours, et dans ce peu de temps un grand nombre crurent en lui ; cependant il n’y avait point d’apparence qu’ils crussent en lui, soit parce qu’ils n’avaient vu aucun miracle, soit à cause de la haine qu’ils portaient aux Juifs. Mais néanmoins, jugeant avec impartialité ses paroles, ils conçurent de si grands sentiments de lui, que tous ces obstacles ne purent les étouffer, et ils l’admirèrent à l’envi : « De sorte qu’ils disaient à cette femme : Ce n’est plus sur ce que vous nous avez dit que nous croyons en lui, car nous l’avons ouï nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Christ, sauveur du monde ». Les disciples surpassèrent leur maîtresse ; ils auraient pu, avec justice, accuser les Juifs, eux qui avaient cru en Jésus-Christ et qui l’avaient reçu. Ceux-là pour qui il avait entrepris l’œuvre du salut lui jetèrent souvent des pierres, mais ceux-ci, lorsqu’il n’allait point chez eux, l’engagèrent à y venir ; ceux-là, après avoir vu des miracles, persistent dans leur obstination et dans leur incrédulité ; mais ceux-ci, sans en avoir vu, font paraître une grande foi, et même ils se glorifient d’avoir cru en Jésus sans le secours des miracles ; mais ceux-là ne cessent point de le tenter et de lui demander des miracles. Ainsi, toujours il est nécessaire qu’une âme soit bien disposée ; la vérité venant alors à se présenter, entrera facilement en elle et s’en rendra la maîtresse. Que si elle ne se rend pas la maîtresse, cela ne vient point de la faiblesse de la vérité, mais de l’endurcissement de l’âme. En effet, le soleil éclaire facilement les yeux qui sont purs et nets, mais s’il ne les éclaire pas, c’est la maladie des yeux, ce n’est point la faiblesse du soleil qui en est cause.
Écoutez donc ce que disent les Samaritains « Nous savons qu’il est vraiment le CHRIST, Sauveur du monde ». Remarquez-vous en combien peu de temps ils ont connu qu’il attirerait à soi tout le monde, qu’il était venu pour opérer le salut de tous les hommes, que sa providence ne devait point se renfermer et se borner aux Juifs seulement, et que sa parole se ferait entendre et se répandrait partout ? Mais les Juifs, bien différents d’eux, « s’efforçant d’établir leur propre justice, ne se sont point soumis à Dieu, pour recevoir cette justice qui vient de lui ». (Rom. 10,3) Les Samaritains, au contraire, confessent que tous les hommes sont coupables, et publient hautement cet oracle de l’Apôtre : « Tous ont péché et ont « besoin de la gloire de Dieu, étant justifiés « gratuitement par sa grâce ». (Rom. 3,23-24) Car en disant qu’il est le Sauveur du monde, ils font voir que le monde était perdu ; ils montrent en même temps la puissance d’un tel Sauveur. Plusieurs sont venus pour sauver les hommes, des prophètes, des anges : mais celui-ci est le vrai Sauveur, qui donne le salut véritablement et réellement, et non pas seulement pour un temps limité. Voilà un témoignage évident de la sincérité et de la pureté de leur foi.
En effet, les Samaritains sont doublement admirables : ils le sont et pour avoir cru, et pour avoir cru sans voir de miracles ; aussi ce sont eux que Jésus-Christ déclare heureux, eu disant : « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (Jn. 20,29) : ils sont encore admirables pour avoir cru sincèrement, puisqu’ayant ouï une femme dire, avec quelque sorte de doute : « Ne serait-ce point le CHRIST ? Ils ne dirent pas : Nous doutons aussi, nous en jugeons de même ; mais : « Nous savons », non seulement cela, mais encore « qu’il est vraiment le Sauveur du monde ». Ils ne le regardaient plus comme un homme ordinaire, mais ils le reconnaissaient pour le vrai Sauveur. Cependant, qui avaient-ils vu qu’il eût sauvé ? ils n’avaient entendu que des paroles, et toutefois ils parlent, comme ils auraient pu le