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à chercher le sens de ce qu’il a entendu, tourmenté par l’incertitude, il reçoive ensuite avec plus d’empressement et de joie l’explication qu’il cherchait, et redouble d’empressement à écouter. Pourquoi donc le Sauveur n’a-t-il pas d’abord dit : Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père ? quoique cela ne fût pas tout à fait clair, ce l’était pourtant plus que ce qu’il avait déjà dit ; mais que dit-il ? « J’ai une viande à manger que vous ne connaissez pas ». Premièrement donc, comme j’ai dit, par le doute même où il les met, il les rend plus attentifs, et il les accoutume à comprendre ce qu’il dit énigmatiquement et par figures. Au resté, Jésus-Christ déclare dans la suite quelle est la volonté de son Père.
2. « Ne dites-vous pas vous-mêmes que dans « quatre mors la moisson viendra ? mais moi je vous dis : Levez vos yeux et considérez les campagnes qui sont déjà blanches et prêtes à moissonner (35) ». Voilà encore que Jésus-Christ, par des paroles simples, par une comparaison familière, élève l’esprit de ses disciples à la contemplation des choses les plus grandes et les plus sublimes : sous le nom de viande, il n’a voulu leur faire connaître autre chose, sinon que le salut futur et prochain des hommes ! Par ceux de champ et de moisson il exprime encore la même chose, c’est-à-dire cette multitude d’âmes qui était prête à recevoir la prédication. Par les yeux, il entend ici et ceux de l’âme et ceux du corps. Ils voyaient effectivement alors les Samaritains accourir en foule vers lui ; leur volonté ainsi disposée et soumise, c’est ce qu’il appelle les campagnes blanches. Comme les épis, lorsqu’ils sont blancs, sont tout prêts à moissonner, ainsi ceux-ci sont tout préparés et disposés pour le salut. Mais pourquoi Jésus-Christ n’a-t-il pas dit clairement : Les Samaritains viennent pour croire en moi ; déjà instruits par les prophètes, ils sont disposés et tout prêts à recevoir la parole et à porter du fruit ? et pourquoi les a-t-il désignés sous les noms de campagne et de moisson ? ces figures, que signifient-elles ? En effet, ce n’est pas ici seulement, mais c’est encore dans tout l’Évangile qu’il en use de la sorte : les prophètes font de même, et prédisent bien des choses sous l’enveloppe des métaphores et des figures. Quelle en est donc la raison ? l’Esprit-Saint n’a pas vainement établi cette coutume. Mais enfin pourquoi ? Pour deux raisons : la première, pour donner au discours plus de force et d’énergie, pour l’animer et le rendre plus sensible, car l’objet que représente une image naturelle excite et réveille davantage, et l’esprit qui le voit comme peint sur un tableau en est plus vivement frappé : voilà la première raison. La seconde, afin que la narration soit plus agréable et que le souvenir s’en conserve plus longtemps. En effet, rien ne se fait mieux écouter de la plupart des auditeurs, rien aussi ne les persuade davantage, qu’un discours qui nous présente les choses mêmes dont nous avons l’expérience. Cette parabole en fournit un exemple admirable.
« Et celui qui moissonne reçoit la récompense, et amasse les fruits pour la vie éternelle (36) ». Les fruits qu’on recueille de la moisson des biens de la terre ne servent point pour la vie éternelle, mais pour cette vie présente et passagère ; au contraire, ceux qui proviennent de la moisson spirituelle, sont réservés pour la vie immortelle. Voyez-vous comment, si la lettre est grossière, le sens est spirituel, et comment les paroles elles-mêmes distinguent et séparent les choses terrestres des choses du ciel ? Comme, à l’égard de l’eau, Jésus-Christ en a marqué la qualité propre par ces paroles : « Celui qui boira de cette eau n’aura jamais soif » ; de même ici, à l’égard de la moisson, il déclare que le moissonneur récolte pour la vie éternelle : « Afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble ».
Qui est-ce qui sème?qui est-ce qui moissonne ? les prophètes ont semé, mais ce sont les apôtres qui ont moissonné (Jn. 4,28). Ceux-là néanmoins n’ont pas été privés de la joie, ni de la récompense de leurs travaux, et quoiqu’ils ne moissonnent pas avec nous, ils partagent notre allégresse : car le travail de la moisson n’est pas le même que celui des semailles : là donc où il y a moins de travail, il y a aussi plus de joie : je vous ai réservés pour moissonner et non pour semer, en quoi il y a beaucoup à travailler. En effet, dans la moisson le profit est considérable et le travail n’est pas si grand, il est au contraire aisé et facile[1]. Au reste, par ces paroles, Jésus-Christ veut dire : la volonté des prophètes mêmes est que tous les hommes viennent à moi, la loi a proposé la voie ; ils ont semé pour produire ce fruit : le Sauveur montre aussi que c’est lui qui les a

  1. En effet, il est toujours plus doux de recueillir que de semer.