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adorations par ce qu’il y a dans nous d’incorporel, je veux dire par l’âme et par l’esprit pur. Voilà pourquoi Jésus-Christ dit : « Et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité ». Comme les Samaritains et les Juifs négligeaient leur âme, et avaient au contraire un grand soin de leur corps, qu’ils purifiaient soigneusement en toutes manières, il leur apprend que ce n’est point par la pureté du corps qu’il faut honorer l’incorporel, mais par ce qu’il y a d’incorporel en nous, c’est-à-dire par l’esprit. N’offrez donc pas à Dieu des brebis et des veaux, mais offrez-vous vous-mêmes à lui en holocauste : c’est là lui offrir une hostie vivante. Il faut adorer en vérité.
Dans l’ancienne loi, toutes choses étaient des figures, savoir, la circoncision, les holocaustes, les sacrifices, l’encens. Dans la nouvelle, il n’en est pas de même : tout est vérité. En effet, ce n’est point la chair qu’on doit circoncire, mais les mauvaises pensées : il faut se crucifier soi-même, et retrancher, immoler les désirs honteux de la concupiscence. Voilà ce qui parut obscur à la Samaritaine : son esprit n’ayant pu atteindre à la sublimité de ces paroles, elle hésite, elle doute, elle dit : « Je sais que le Messie, c’est-à-dire, le CHRIST, doit venir (25) ». Jésus lui dit : « C’est moi-même qui vous parle (26) ». Comment les Samaritains pouvaient-ils attendre le CHRIST, eux qui ne recevaient que Moïse ? Grâce aux livres mêmes de Moïse. Au commencement de ses livres, Moïse annonce et fait connaître le Fils. En effet, cette parole : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » (Gen. 1,26), s’adresse au Fils ; c’est le Fils qui parle à Abraham dans sa tente (Gen. 18) : Jacob l’annonce prophétiquement en ces termes : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda ; ni le Prince qui est de sa race, jusqu’à la venue a de celui à qui il est réservé[1], et il est l’attente des nations ». (Gen. 40,9-10) Moïse aussi lui-même le prédit : « Le Seigneur votre Dieu vous suscitera un Prophète comme moi, d’entre vos frères : c’est lui que vous écouterez ». (Deut. 18,15) Et encore ce qui est écrit du serpent, de la verge de Moïse, d’Isaac, du bélier, et plusieurs autres choses qu’on peut voir et recueillir dans l’Ancien Testament, prédisaient toutes l’avènement du CHRIST.
Et pourquoi, direz-vous, Jésus-Christ ne s’est-il pas servi de ces figures et de ces preuves pour persuader cette femme ? Il a cité le serpent à Nicodème, à Nathanaël il a rapporté les prophéties, et à celle-ci il n’a fait aucune mention de toutes ces choses ? Pourquoi cela, et quelle en est la raison ? C’est que ceux-là étaient des hommes versés dans les saintes Écritures, et que celle-ci n’était qu’une pauvre femme, simple et grossière, sans connaissance de ces Livres saints. Voilà pourquoi, dans l’entretien que Jésus a avec elle, il n’emploie pas ces figures, mais par l’eau, et par la prophétie, il l’attire à lui : c’est par là qu’il rappelle dans sa mémoire le CHRIST, et enfin il se fait connaître. Que si tout d’abord il eût discouru de ces choses avec cette femme, qui ne l’interrogeait pas, elle l’aurait pris pour un homme insensé, qui parlait sans savoir ce qu’il disait mais, en réveillant peu à peu ses souvenirs, il trouve l’occasion de se découvrir à elle fort à propos. Les Juifs s’étaient souvent assemblés autour de lui, pour lui dire : « Jusqu’à quand nous tiendrez-vous l’esprit en suspens ? Si vous êtes le CHRIST, dites-le-nous » (Jn. 10,24) ; sans qu’il leur répondît clairement : mais à cette femme il déclare ouvertement qu’il est le CHRIST, parce qu’elle était dans de meilleures dispositions que les Juifs : les Juifs ne l’interrogeaient pas pour s’instruire, mais toujours ils l’épiaient malignement pour le surprendre. S’ils eussent voulu s’instruire, ils en trouvaient assez le moyen dans sa doctrine, dans ses paroles, ses miracles, et les Écritures. La Samaritaine, au contraire, parlait avec simplicité et sincérité ; comme le fait voir la conduite qu’elle tint ensuite. Car elle écouta, elle crut, elle engagea les autres à croire, et en tout on voit son attention, sa fidélité et sa foi. « En même temps a ses disciples arrivèrent (27) ». Ils arrivèrent à propos, dans lé temps qu’il fallait, lorsque Jésus-Christ l’avait parfaitement instruite. « Et, ils s’étonnaient de ce qu’il parlait avec une femme. Néanmoins nul ne lui dit : Que lui demandez-vous, ou, d’où vient que vous parlez avec elle ?
3. De quoi les disciples s’étonnaient-ils ? qu’admiraient-ils ? Un accès si facile, tant d’humilité dans une si grande et si illustre personne ; qu’il ne dédaignât point de parler à une pauvre femme ; qu’il se rabaissât jusqu’à s’entretenir avec une samaritaine. Néanmoins, dans leur étonnement, ils ne demandèrent point à Jésus pourquoi il s’arrêtait à parler

  1. C’est-à-dire : « De celui à qui le sceptre est réservé », c’est la leçon des Septante, et celle de notre texte.