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rien de plus à Dieu qu’à une idole. C’est pourquoi ils adoraient également et Dieu et les démons, confondant ainsi ce qui ne peut s’allier ensemble. Mais les Juifs, exempts de cette superstitieuse opinion, éloignés de cette erreur, regardaient celui qu’ils adoraient comme le Dieu de tout l’univers, quoique tous n’eussent pas la même foi et la même créance. Voilà pourquoi Jésus dit : « Vous adorez ce que vous ne connaissez point pour nous, nous adorons ce que nous connaissons ». Au reste, ne vous étonnez pas qu’il s’associe aux Juifs : il parle selon l’opinion de cette femme, et comme prophète des Juifs. C’est pour cela qu’il se sert de cette expression : « Nous adorons ». Car que Jésus-Christ soit adoré, c’est ce que personne n’ignore. En effet, il est de la créature d’adorer, mais il n’appartient qu’au Seigneur des créatures d’être adoré. Néanmoins il parle ici comme juif. Ce mot donc : « Nous », veut dire : nous Juifs.
Jésus-Christ relevant ainsi le culte des Juifs, se rend digne de foi ; et en écartant tout ce qui peut paraître suspect, en ôtant tout soupçon, en montrant qu’il ne donne pas la préférence aux Juifs par faveur, à cause de l’alliance qu’il a avec eux, il persuade ce qu’il dit. En effet, le jugement qu’il porte sur le lieu, dont les Juifs se glorifiaient le plus, comme d’un avantage incomparable ; cette prééminence qu’il leur ôte ; tout cela, dis-je, fait bien voir qu’il n’avait point d’égard aux personnes, mais qu’il jugeait suivant la vérité et par cette vertu prophétique qui était en lui. Après donc qu’il a tiré la Samaritaine de son, erreur et de sa fausse créance, en lui disant : « Femme, croyez-moi », et le reste, il ajoute : « Car le salut vient des Juifs », c’est-à-dire, ou parce que c’est de là que sont venus tant de biens au monde (car c’est de là que sont sorties la connaissance de Dieu, la réprobation des idoles, et aussi toutes les autres vérités : votre culte même, quoiqu’il ne soit pas pur, vous le tenez des Juifs) : ou bien c’est son avènement que Jésus-Christ appelle le salut ; mais plutôt l’on ne se tromperait point, en voyant dans l’une et l’autre chose ce salut que Jésus-Christ dit venir des Juifs. Saint Paul l’insinue même par ces paroles : « Desquels est sorti, selon la chair, Jésus-Christ même, qui est Dieu au-dessus de tout ». (Rom. 9,5) Ne remarquez-vous pas l’éloge que fait Jésus-Christ de l’Ancien Testament, et comment il déclare : qu’il est la racine et la source de tous biens, et qu’il n’est nullement contraire à la loi ? puisqu’il publie que la source de tous les biens sort des Juifs. « Mais le temps vient, et il est déjà venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père (23) ». Femme, dit-il, dans la manière d’adorer, nous sommes préférables à vous, mais désormais ce culte va finir ; il y aura un changement, non seulement de lieu, mais encore dans la manière de rendre le culte. Et en voici le commencement : Car « le temps vient, et il est déjà venu ».
2. Or comme les prophètes ont annoncé les choses futures longtemps avant qu’elles dussent arriver, ici Jésus-Christ prend la précaution de dire : « Le temps est déjà venu ». Ne croyez pas, dit-il, que cette prédiction ne doive s’accomplir qu’après une longue suite d’années : son accomplissement est présent, le salut est à la porte, et « déjà le temps est venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Quand il a dit : « Les vrais », dès lors il a également exclu et les Juifs et les Samaritains : quoique ceux-là valussent mieux que ceux-ci, ils sont pourtant très-inférieurs aux adorateurs qui leur devaient succéder ; ils le sont autant que la figure est au-dessous de la vérité. Par ce nom de « vrais adorateurs », Jésus-Christ entend l’Église, qui est elle-même une vraie adoration, et un culte digne de Dieu. « Car ce sont là les adorateurs que le Père cherche ». (Jn. 4,23) Si donc ce sont là les adorateurs que le Père cherchait, ce n’est point par sa propre volonté qu’autrefois les Juifs l’ont adoré de la manière qu’ils faisaient, mais c’est par condescendance qu’il l’a permis, afin de former et d’introduire dans la suite les vrais adorateurs. Qui sont-ils donc, les vrais adorateurs ? Ce sont ceux qui n’enferment point le culte dans un lieu, et qui adorent Dieu en esprit, comme dit saint Paul Dieu « que je sers par le culte intérieur de mon esprit dans l’Évangile de son Fils » (Rom. 1,9) ; et encore : « Je vous conjure de lui offrir vos corps », comme « une hostie vivante et agréable à ses yeux », pour lui rendre « un culte raisonnable et spirituel ». (Rom. 12,1)
Quand Jésus-Christ dit : « Dieu est esprit (24)», il ne veut marquer autre chose, sinon qu’il est incorporel ; il faut donc que le culte que nous rendons à un Dieu incorporel soit incorporel lui-même, et que nous lui offrions nos