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par la nature du don et par la différence des biens qu’il apportait ; la différence des personnes, et sa prééminence, sa supériorité sur le patriarche. Si vous admirez, dit-il, que Jacob vous ait donné cette eau, que direz-vous si je vous en donne de beaucoup meilleure ? Déjà vous avez presque reconnu que je suis plus grand que lorsque vous m’avez demandé : Êtes-vous plus grand que notre père. pour promettre une eau meilleure ? Si je vous la donne, cette eau, vous conviendrez donc alors que je suis plus grand que lui ? Voyez-vous l’équité de cette femme, qui sans faire acception de personnes, juge par les œuvres mêmes et du patriarche et de Jésus-Christ ?
Mais les Juifs n’ont pas fait de même : ils ont vu Jésus-Christ chasser les démons, et ils l’ont appelé démoniaque ; bien loin de le dire plus grand que le patriarche. La Samaritaine au contraire juge par où Jésus-Christ voulait qu’elle jugeât, à savoir, par cette évidence qui vient des œuvres : car c’est là sur quoi il juge lui-même, en disant : « Si je ne fais pas les œuvres de mou Père, ne me croyez pas mais si je les fais, quand vous ne me voudriez pas croire, croyez à mes œuvres ». (Jn. 10,37) C’est aussi par là qu’il persuade cette femme et, l’amène à la foi. Elle a dit : « Êtes-vous plus grand que notre père Jacob ? » Jésus-Christ laisse. mais il parle de l’eau et dit : « Quiconque boit de cette eau, aura encore soif ». Et sans s’arrêter à dépriser l’eau du patriarche, il passe tout à coup à l’excellence et à la supériorité de la sienne propre ; il ne dit point : cette eau n’est rien ou peu de chose, il se borne à produire le témoignage qui résulte de sa nature même : « Quiconque boira de cette eau aura encore soif : au lieu que celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif » : Cette femme avait déjà entendu parler d’une eau vive, mais elle n’avait pas compris quelle était cette eau : comme on appelle eau vive celle qui coule continuellement de source et ne tarit jamais, elle croyait que c’était celle-là qu’il fallait entendre. C’est pourquoi Jésus-Christ, dans la suite, lui fait plus clairement connaître l’eau dont il s’agit, et lui en montrant l’excellence par la comparaison qu’il en fait avec l’autre, il continue ainsi : « Celui qui boit de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif », lui montrant par là, comme j’ai dit, son excellence, et encore par ce qui suit : en effet, l’eau matérielle n’a aucune des qualités qu’il attribue à la sienne. Qu’est-ce donc qui vient ensuite ? « L’eau que je donnerai deviendra dans lui une fontaine d’eau qui rejaillira jusque dans la vie éternelle ». Car de même que l’homme qui a chez lui une fontaine, n’aura jamais soif, il en est de même de celui qui aura cette eau.
Cette femme crut aussitôt, en quoi elle se montra beaucoup plus sage que Nicodème, et non seulement plus sage, mais aussi plus forte. Nicodème, en effet, ayant ouï une foule de semblables choses, ne fut appeler ni inviter personne, il ne crut même pas et n’eut point confiance : la Samaritaine, au contraire, annonçant à tout le monde ce qu’elle a appris, fait la fonction d’apôtre. Nicodème, à ce qu’a dit Jésus-Christ, réplique : « Comment cela se peut-il faire ? » (1Jn. 3,9) Et Jésus ayant apporté un exemple clair et sensible, l’exemple du vent, il ne crut pas encore : mais la Samaritaine se conduit bien autrement : elle doutait au commencement ; ensuite, sur un simple énoncé sans preuves, elle se rend et croit aussitôt. Car après que Jésus eut dit : « L’eau que je lui donnerai deviendra dans lui une fontaine d’eau qui rejaillira jusque dans la vie éternelle » ; elle réplique sur-le-champ : « Donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus ici pour en tirer (15) ».
2. Ne voyez-vous pas, mes frères, comment insensiblement Jésus-Christ l’élève à la plus haute doctrine et à la perfection de la foi ? D’abord elle le regardait comme un juif schismatique et violateur de la loi : ensuite, lorsque Jésus eut éloigné cette accusation (car il ne convenait pas que celui qui devait l’instruire fût suspect), ayant entendu parler d’une eau vive, elle pensa que c’était de l’eau naturelle et sensible qu’il parlait ; comprenant enfin que l’eau qu’il promettait était spirituelle, elle crut que ce breuvage avait la vertu de désaltérer, et toutefois elle ne savait pas ce que c’était que cette eau ; mais elle doutait encore : comprenant déjà qu’il s’agissait d’une chose dépassant la portée des sens, mais n’en ayant pas encore une entière connaissance. Enfin elle voit plus clair, et néanmoins elle ne comprend pas tout, puisqu’elle dit : « Donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus en tirer ». Ainsi déjà elle préférait