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C’est aussi pour cette même raison que Jésus-Christ, faisant l’histoire d’un homme qui était descendu de Jérusalem à Jéricho, introduit un samaritain.« qui exerça la miséricorde envers lui » (Lc. 10,30 et suiv), à savoir, une personne vile, méprisable et abominable selon eux : que des dix lépreux qu’il guérit, il n’en appelle qu’un seul étranger, parce qu’il était samaritain (Lc. 17,18) et qu’instruisant, ses disciples, il leur disait : N’allez point vers les gentils' (Mt. 10,5), et n’entrez point dans les villes des Samaritains.
3. Ce n’est pas seulement pour composer son histoire et en suivre le fil, que l’évangéliste a nommé Jacob ; mais c’est aussi pour faire connaître que les Juifs étaient depuis longtemps rejetés. En effet, déjà depuis longtemps et du vivant de leurs pères, les Samaritains habitaient ces pays : car la terre qu’habitaient leurs pères, sans qu’elle leur appartînt, les Juifs, après en être devenus les maîtres, l’avaient perdue par leur négligence et leur méchanceté. Ainsi il ne sert de rien aux enfants d’être sortis de pères vertueux et gens de bien, s’ils dégénèrent eux-mêmes de leur vertu. Ces barbares n’eurent pas plutôt été en butté aux ravages des lions, qu’ils revinrent à la loi et au culte des Juifs ; mais les Juifs, après avoir été châtiés par tant de fléaux et de calamités, n’en devinrent pas pour cela meilleurs. Voilà donc le pays où alla Jésus-Christ ; voilà le peuple qu’il fut visiter, faisant une guerre continuelle à la vie molle et voluptueuse, et montrant par son exemple qu’il faut vivre dans l’austérité et dans le travail. Car dans ce voyage il ne se servit point de bêtes de somme, il le fit à pied, et si vite, qu’il en fut fatigué. Jésus-Christ nous apprend partout, que chacun doit travailler, et tâcher de se suffire à soi-même ; il veut enfin que nous soyons si éloignés du superflu, que nous nous retranchions même beaucoup de choses nécessaires. C’est pourquoi il disait : « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». (Mt. 8,20) C’est aussi pourquoi souvent il demeure sur les montagnes et dans le désert, et non seulement le jour, mais encore la nuit. David parlant de lui par une inspiration prophétique, disait : « Il boira de « l’eau du torrent dans le chemin » (Ps. 109,8), pour montrer son grand détachement. Saint Jean marque ici la même chose : « Jésus étant fatigué du chemin, s’assit sur cette fontaine » pour se reposer. « Il était environ la sixième heure du jour. Il vint alors une femme de la Samarie pour tirer de l’eau (7) ; Jésus lui dit : Donnez-moi à boire. Car ses disciples « étaient allés au marché pour acheter à manger (8) » : par où nous voyons sa patience dans les fatigues de ses voyages, le peu de soin qu’il avait de sa nourriture, le peu d’attention qu’il y donnait. Ses disciples avaient appris à l’imiter en cela : ils ne portaient point de provisions avec eux. C’est ce qu’un autre évangéliste nous fait remarquer à cette occasion Jésus leur ayant dit de se garder du levain des pharisiens (Mt. 16,6), ils pensèrent qu’il leur parlait ainsi, parce qu’ils n’avaient point pris de pains. De même, lorsqu’il est question de la faim qui les obligea de rompre des épis (Mt. 12,1), pour manger, et encore en rapportant que Jésus-Christ lui-même s’approcha d’un figuier, parce qu’il avait faim. (Mt. 21,18) Par tous ces exemples, il nous apprend qu’il faut mépriser son ventre, et n’en avoir point tant de soin.
Observez encore ici, mes frères, que les disciples n’avaient rien apporté avec eux, et qu’ils ne s’empressaient pas de faire des provisions dès le matin, mais qu’ils allaient acheter à manger à l’heure du dîner. Nous, au contraire, à peine sommes-nous sortis du lit, qu’avant toute autre chose nous songeons à manger ; nous appelons vite nos cuisiniers, et nos sommeliers, et leur faisons mille recommandations : après quoi, nous pensons à nos affaires, donnant toujours aux choses charnelles la préférence sur les choses spirituelles, et considérant comme nécessaire ce qui est fort accessoire. Ainsi nous faisons tout à contre-temps. C’est tout autrement que nous devrions agir nous devrions nous attacher avec grand soin aux choses spirituelles ; et après y avoir donné tout le temps requis, passer à nos autres affaires.
Enfin, observez encore dans Jésus-Christ, outre sa patience dans les fatigues et dans les travaux, son extrême éloignement pour le faste : remarquez, non seulement qu’il était fatigué, qu’il s’assit le long du chemin, mais aussi qu’on l’avait laissé seul, et que ses disciples s’en étaient allés. Toutefois, s’il l’avait voulu, il pouvait, ou ne les pas envoyer tous à la fois, ou bien, eux partis, se donner d’autres serviteurs : mais il ne le voulut pas, parce que