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qui a reçu son témoignage, a attesté que a Dieu est véritable (33) » ; par ces paroles il les effraie et les épouvante, car il leur fait voir que celui qui rejette le Fils ne le rejette pas lui seul, mais encore son Père ; c’est pourquoi il ajoute : « Celui que Dieu a envoyé ne dit a que des paroles de Dieu (34) ». Puis donc qu’il ne dit que des paroles de Dieu, celui qui croit en lui, croit en Dieu, et celui qui ne croit pas en lui, ne croit point en Dieu. Mais ce mot : « Il a scellé », veut dire : il a fait connaître. Après quoi ayant ainsi augmenté leur crainte, il ajoute : « Que Dieu est véritable », pour marquer qu’on ne peut rejeter Jésus-Christ, ou ne pas croire en lui, sans accuser de mensonge Dieu qui l’a envoyé. Puis donc que Jésus-Christ ne dit rien qui ne vienne de son Père, celui qui ne l’écoute point, n’écoute point son Père qui l’a envoyé.
Ne voyez-vous pas ici, mes frères, avec quelle force Jean-Baptiste frappe encore sur ses disciples ? Jusque-là ils ne croyaient pas qu’il y eût du mal à ne pas croire en Jésus-Christ. Voilà pourquoi il leur représente vivement l’extrême péril auquel s’exposent les incrédules ; afin qu’ils apprennent que n’écouter pas Jésus-Christ, c’est la même chose que de ne pas écouter son Père. Il poursuit, et se proportionnant à leur portée, il leur dit : « Parce que Dieu ne lui donne pas son Esprit par mesure ». Il se sert encore, comme j’ai dit, d’expressions basses et grossières, accommodant ainsi son langage à leur intelligence ; autrement il n’aurait pu exciter en eux la crainte. S’il avait dit de Jésus-Christ des choses grandes et élevées, ils ne l’auraient pas cru, ils l’auraient repoussé avec mépris : voilà pourquoi il rapporte tout au Père, parlant quelquefois de Jésus-Christ comme d’un homme.
Mais que signifie ceci : « Dieu ne lui donne pas son Esprit par mesure ? » Nous, dit Jean-Baptiste, nous recevons les dons du Saint-Esprit par mesure : car, par le Saint-Esprit il entend ici les dons. En effet, ce sont les dons qui sont distribués. Mais Jésus-Christ a en lui-même tous les dons, ayant reçu toute la plénitude du Saint-Esprit sans mesure. Or, si ces dons sont immenses, à plus forte raison sa substance est-elle immense. Ne voyez-vous pas aussi que le Saint-Esprit est immense « comme le Père ? » Celui donc qui a reçu toute la vertu du Saint-Esprit, qui connaît Dieu, qui dit : « Nous disons ce que nous avons entendu, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu », comment nous pourrait-il paraître suspect ? il ne dit rien qui ne soit de Dieu, rien qui ne soit du Saint-Esprit : mais cependant Jean-Baptiste ne parle point de Dieu le Verbe ; l’autorité qu’il donne à sa doctrine, il la tire toute du Père et du Saint-Esprit. Ses disciples connaissaient un Dieu, ils savaient qu’il y a un Saint-Esprit, quoiqu’ils n’en eussent pas une juste idée : mais qu’il y eût un Fils, ils l’ignoraient. C’est pour cela que, voulant donner de l’autorité à ce qu’il dit, et le persuader, il a toujours recours au Père et au Saint-Esprit. Car séparer cette raison « qui oblige Jean-Baptiste d’en user ainsi », et recevoir la doctrine en soi, comme elle se présente, ce serait se tromper beaucoup et s’écarter extrêmement de l’idée qu’on doit avoir de la dignité de Jésus-Christ. En effet, le motif de leur foi en Jésus-Christ ne devait pas être qu’il avait la vertu du Saint-Esprit, puisqu’il n’a nullement besoin du secours du Saint-Esprit, et qu’il se suffit à lui-même : Jean-Baptiste se conforme donc ainsi à l’opinion des simples, pour les élever peu à peu à de plus hauts et de plus grands sentiments.
Au reste, je dis ceci, mes chers frères, pour vous faire connaître que nous ne devons pas légèrement passer sur les paroles de la sainte Écriture, qu’il faut faire attention au but et à l’intention de celui qui parle, à l’esprit et à la faiblesse de ses auditeurs, et examiner bien d’autres choses. Car les docteurs ne découvrent et n’expliquent pas clairement tout, comme ils le voudraient, mais ils tempèrent beaucoup de choses, selon la portée de leurs disciples. C’est pourquoi saint Paul dit : « Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes encore charnelles : je ne vous ai nourris que de lait, et non de viandes solides »(1Cor. 3,1-2) Je voudrais, dit-il, vous parler comme à des hommes spirituels, et je ne l’ai pu, pourquoi ? Ce n’est pas qu’il en fût lui-même incapable, c’est qu’ils n’auraient pu l’entendre, s’il leur avait parlé comme à des hommes spirituels. De même Jean-Baptiste voulait enseigner de grandes choses à ses disciples, mais ils ne pouvaient encore les comprendre ; voilà pourquoi il s’attache si fort aux expressions les plus simples et les plus basses.
3. Il faut donc observer toutes choses avec