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Mais à Nicodème il ne dit rien de cela, il l’entretient de l’incarnation et de la vie éternelle, parlant diversement à chacun selon les dispositions de son cœur : Nathanaël, qui entendait les prophètes, et qui n’était pas si craintif, dut se tenir pour content de ce qu’il lui dit ; quant à Nicodème qui était encore timide et craintif, il ne lui révèle pas tout sur-le-champ, mais il ébranle son âme pour chasser la crainte par la crainte ; il lui fait entendre que celui qui ne croit pas est déjà condamné ; que ne pas croire, c’est l’effet d’une mauvaise volonté. Et comme il tenait grand compte de la gloire humaine et même plus que des supplices, car, dit l’Écriture, « Plusieurs des sénateurs crurent en lui, mais à « cause des Juifs ils n’osaient le reconnaître a publiquement » (Jn. 2,42), il en tire un argument propre à le toucher, et, par ses paroles, lui fait connaître qu’on ne peut avoir d’autre raison de ne pas croire en lui que de mener une vie déréglée et impie. Il est à remarquer que dans la suite Jésus-Christ dit a Je suis la lumière du monde » (Jn. 8,12), et qu’ici il dit seulement : « La lumière est venue dans le monde ». (Jn. 3,19) La raison en est qu’au commencement il parlait d’une manière obscure, dans la suite il s’exprime plus clairement. Mais de plus la crainte de l’opinion publique retenait cet homme et l’intimidait. Voilà pourquoi Jésus-Christ ne lui parle qu’avec réserve.
Fuyons donc la vaine gloire : elle est le plus fort et le plus dangereux de tous les vices, c’est d’elle que naissent l’avarice et l’amour des richesses ; c’est elle qui enfante les haines, les guerres, les différends. Car celui qui désire d’avoir plus qu’il n’a ne peut jamais se fixer ni demeurer en repos ; et l’on n’ambitionne toutes les autres choses que parce qu’on aime la vaine gloire. Pourquoi, je vous prie, cette troupe d’eunuques, cette foule d’esclaves et de serviteurs ; pourquoi tout cet étalage, une si grande pompe, un si grand faste ? Est-ce pour autre chose que pour s’attirer plus de spectateurs et de témoins de sa folle magnificence ? Si donc nous extirpons la vanité en arrachant la racine du mal, nous en emporterons aussi les branches, et rien n’empêchera que nous ne vivions sur la terre comme si déjà nous étions dans le ciel. L’amour de l’ostentation n’entraîne pas seulement au mal ceux qu’il possède ; il s’insinue et se glisse encore adroitement jusque dans la vertu, et s’il n’est pas assez fort pour nous en éloigner, il nous persécute jusque dans son sein en nous imposant des labeurs que rien ne vient rémunérer. Car celui qui a en vue la vaine gloire, soit qu’il jeûne, soit qu’il prie, soit qu’il fasse l’aumône, en perd toute la récompense. Se macérer en vain, s’exposer aux ris et à la moquerie des hommes, et perdre la gloire céleste, la récompense du ciel, est-il rien de plus misérable, est-il une perte qui soit comparable à celle-là ? On ne peut acquérir ensemble et la gloire humaine et la gloire du ciel, quand on les recherche toutes deux. Car autrement nous pouvons obtenir l’une et l’autre. Ne les désirons pas toutes les deux, mais ne recherchons que la gloire du ciel ; si nous les aimons l’une et l’autre, nous ne les obtiendrons pas à la fois, cela est impossible ; c’est pourquoi, si nous voulons acquérir la gloire, fuyons la gloire du monde, désirons, recherchons celle qui vient de Dieu seul ; de cette sorte nous obtiendrons et la gloire présente et la gloire future. Fasse le ciel que nous jouissions de celle-ci, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.