moi, il serait comme un voleur que la lumière découvre aussitôt. Voilà pourquoi il fuit mon empire. Et véritablement nous entendons dire à bien des gentils, que la raison pour laquelle ils ne peuvent se résoudre à embrasser notre religion, c’est qu’ils ne sauraient s’abstenir de l’ivrognerie, de la fornication et d’autres vices semblables.
Quoi donc ! direz-vous, est-ce qu’il n’y a pas des chrétiens dont la vie n’est pas meilleure que celle des païens ? est-ce qu’il n’y a pas des païens qui vivent philosophiquement ? Qu’il y ait des chrétiens qui font le mal, je le sais aussi bien que vous ; mais qu’il y ait des gentils qui fassent le bien, c’est ce qui n’est pas également venu à ma connaissance. Et ne me parlez pas de ceux qui sont naturellement modérés, modestes et ornés de belles qualités ; car ce n’est point là en quoi consiste la vertu mais parlez-moi de ceux qui, étant violemment agités par les passions, vivent néanmoins philosophiquement. Certes, vous ne m’en trouverez point. En effet, si la promesse d’un royaume, si la menace d’un enfer et bien d’autres semblables vérités, peuvent à peine retenir les hommes dans l’exercice de la vertu ; combien plus difficilement la pratiqueront-ils, ceux qui ne croient rien de tout cela ? Que si quelques-uns contrefont la vertu, c’est par un esprit de vanité : or, ceux qui se contrefont ainsi, et qui exercent la vertu par vaine gloire, ne s’abstiendront pas, s’ils espèrent échapper aux regards, de satisfaire leurs mauvaises inclinations. Mais, toutefois, afin qu’on ne pense pas de nous que nous aimons à contester, nous vous accordons que parmi les gentils il s’en rencontre quelques-uns qui vivent bien ; car cela ne détruit nullement ce que nous avons avancé, puisque nous n’avons entendu parler que de ce qui arrive communément, et non pas de ce qui peut se rencontrer quelquefois.
3. Considérez encore que Jésus-Christ leur ôte d’ailleurs tout prétexte et toute excuse, en disant que la lumière est venue dans le monde : l’ont-ils cherchée, dit-il, cette lumière ? Se sont-ils donné quelque peine, quelque mouvement pour la trouver ? La lumière s’est elle-même présentée à eux, et ils n’ont pas même fait un pas vers elle. Mais comme ils peuvent alléguer la mauvaise vie de quelques chrétiens et s’en faire une excuse, nous leur répondrons qu’il n’est pas ici question de ceux qui sont nés chrétiens et qui ont reçu de leurs pères la véritable religion, quoique le plus souvent leur mauvaise vie finisse par les écarter de la vraie foi. Néanmoins je ne crois pas que ce soit d’eux que parle maintenant Jésus-Christ, je pense au contraire qu’il a en vue ces gentils ou ces Juifs qui auraient dû se convertir et embrasser la vraie foi. Car il fait voir qu’aucun de ceux qui vivent dans l’infidélité, ne peut approcher de la foi, qu’il ne se soit auparavant prescrit une règle de bonne vie, et que personne ne demeurera dans l’in crédulité, si auparavant il n’a résolu de persévérer dans le mal. Ne me dites pas : cet homme est chaste, il ne vole pas le bien d’autrui, parce que ce n’est point en ces choses seulement que consiste la vertu. En effet, de quoi lui servira-t-il d’être chaste, de ne point voler, si d’ailleurs il est passionné pour la vaine gloire, ou si, par complaisance pour ses amis, il demeure dans l’infidélité ? ce n’est pas là bien vivre. L’esclave de la gloire ne pèche pas moins que le fornicateur, ou plutôt il commet beaucoup plus de péchés et de beaucoup plus grands.
Mais faites-moi connaître quelqu’un qui soit exempt de tous vices et de tous péchés et qui néanmoins reste païen : je vous en défie : jamais vous ne m’en pourrez trouver un seul. Ceux d’entr’eux qui ont le plus brillé et qu’on dit avoir méprisé les richesses et la bonne chère, ont été, plus que les autres, esclaves de la gloire, qui est la source de toutes sortes de maux. Voilà par où les Juifs ont persévéré dans leur malice et dans leur méchanceté, et c’est aussi la raison pour laquelle Jésus-Christ leur fait ce reproche : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire qui vient des hommes ? » (Jn. 5,44) Mais pourquoi n’a-t-il point parlé de cela à Nathanaël, à qui il enseignait la vérité, et ne lui a-t-il pas tenu de longs discours ? c’est parce que l’âme de celui-ci n’était point infectée de cette passion, et qu’il était venu le trouver avec un cœur simple, disposé à faire ce qu’il lui ordonnerait : et qu’il employait, à écouter sa doctrine et ses instructions, le temps que les autres donnent au repos et au sommeil. À la vérité il était venu trouver Jésus à la sollicitation de Philippe ; cependant le divin Sauveur ne le rebuta pas ; en effet, c’est à lui qu’il dit : « Vous verrez un jour les cieux ouverts, et les anges de Dieu monter et descendre », (Jn. 1, 51)
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