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aura tenu pour une chose vile et profane le sang de l’alliance, par lequel il avait été sanctifié, et qui aura fait outrage à l’esprit de la grâce ». (Héb. 10,28-29) Cet homme sera donc digne d’un plus grand supplice mais cependant Dieu lui a ouvert les portes de la pénitence, et lui a fourni plusieurs moyens de laver ses péchés, s’il veut s’en servir et en profiter.
Considérez, je vous prie, mes frères, combien le Seigneur nous a donné de témoignages et de preuves de sa clémence. Premièrement, par la grâce du baptême, il nous a remis tous nos péchés ; et en second lieu, après même une si grande grâce, il ne punit pas encore le pécheur qui s’est rendu digne du supplice, mais il lui laisse le temps de se corriger et de faire pénitence. C’est pourquoi Jésus-Christ dit à Nicodème : « Dieu n’a pas envoyé son Fils « dans le monde pour juger le monde, mais pour sauver le monde ». (Jn. 3,17). Car il y a deux avènements de Jésus-Christ : l’un est déjà arrivé, l’autre doit arriver ; mais ils ne sont pas tous les deux pour la même cause et la même fin : Jésus-Christ est venu d’abord, non pour juger nos péchés, mais pour les remettre ; la seconde fois, il viendra, non pour les remettre, mais pour les juger. Voilà pourquoi le divin Sauveur dit du premier avènement : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde ». Mais du second, il dit : « Quand le Fils viendra dans la gloire de son Père, il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche ; et alors celles-là iront dans la vie éternelle, et ceux-ci dans le supplice éternel ». (Mt. 25,31 et suiv)
Mais toutefois le premier avènement était aussi pour juger, quant à ce que demande la justice. Pourquoi ? Parce que, avant son avènement, il y avait une loi naturelle, des prophètes, et de plus la loi, écrite, la doctrine, des instructions, des promesses, des miracles, des supplices, et plusieurs autres choses qui pouvaient corriger les hommes et les retenir dans leur devoir. Demander compte de toutes ces choses, eût été dans l’ordre. Mais comme Jésus-Christ est clément, il n’a point, jugé, il n’a pas fait rendre compte, et il a tout pardonné. S’il eût fait rendre compte, s’il eût jugé, tous les hommes auraient péri. « Car tous ont péché », dit l’Écriture, « et ont besoin de la gloire de Dieu ». (Rom. 3,23) Ne voyez-vous pas son immense miséricorde ?
« Celui qui croit dans le Fils n’est pas condamné ; mais celui qui ne croit pas est déjà condamné (18) ». Mais si Jésus-Christ n’est pas venu alors pour juger le monde, comment celui qui ne croit pas est-il déjà condamné, puisque le temps du jugement n’est point encore arrivé ? Jésus-Christ dit cela, ou parce que l’incrédulité qui n’est pas suivie de la pénitence est elle-même un supplice ; car être hors de la lumière, c’est en soi un grand supplice : ou pour prédire ce qui arrivera. En effet, comme un homicide est déjà condamné par la nature de son crime, quoiqu’il ne le, soit pas encore par la sentence du juge, il en est de même pour l’incrédulité, puisqu’Adam est mort le jour qu’il a mangé du fruit de l’arbre défendu, son arrêt de mort lai ayant été ainsi prononcé : « Au même temps que vous aurez mangé du fruit de cet arbre, vous mourrez ». (Gen. 2,17) Néanmoins il vivait : comment donc était-il mort ? Il était mort par la sentence même, et parla nature de son action : celui qui s’est rendu coupable d’un crime qui mérite le supplice est dès lors sous le coup du supplice, sinon réellement, du moins parla sentence qu’a prononcée la loi.
Mais, de peur qu’en entendant ces paroles : « Je ne suis pas venu pour juger le monde », quelqu’un ne s’imaginât pouvoir impunément pécher, et ne devînt plus négligent et plus paresseux, Jésus-Christ ôte ce vain prétexte à la négligence, en disant : « Il est déjà condamné ». Comme le temps du jugement futur n’était point encore arrivé, Jésus-Christ fait intervenir l’image et la crainte du supplice. Certes, voilà un témoignage d’une grande bonté non seulement Dieu donne son Fils, mais encore il diffère le temps du supplice, afin que les pécheurs et les incrédules puissent laver leurs péchés.
« Celui qui croit en Jésus-Christ n’est pas condamné ». Celui qui croit, non celui qui examine curieusement, relui qui croit, non celui qui raisonne. Mais si sa vie est impure et ses œuvres mauvaises ? D’abord, des hommes de cette espèce, saint Paul dit qu’ils ne sont pas véritablement fidèles : « Qu’ils font profession de connaître Dieu ; mais qu’ils le renoncent par leurs œuvres ». (Tit. 1,16) Au reste, ce divin Sauveur déclare ici que ce n’est pas sur ce point qu’ils seront jugés ; qu’ils seront condamnés et ; plus sévèrement punis pour leurs