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mais en quoi cette doctrine diffère-t-elle de celle des Juifs ?
Jésus-Christ donc après avoir dit : ce qui est né de l’Esprit est esprit ; comme il voit Nicodème encore dans le trouble, passe à un exemple sensible. « Ne vous étonnez pas », dit-il, « de ce que je vous ai dit, qu’il faut que vous naissiez encore une fois. Le vent souffle où il veut (7, 8) ». Quand Jésus-Christ dit à Nicodème : « Ne vous étonnez pas », il marque le trouble et l’agitation de son esprit, et en même temps il l’introduit dans un monde moins grossier que celui des corps ; déjà par ces paroles : « Ce qui est né de l’Esprit est esprit », il l’avait éloigné de toutes ces idées charnelles. Mais comme Nicodème ne comprenait pas ce que cela voulait dire, il lui apporte encore un autre exemple, il ne le tire pas de la grossièreté des corps, il ne parle non plus en aucune façon des choses incorporelles, à quoi Nicodème ne pouvait rien entendre, mais il lui propose une chose qui tient le milieu entre ce qui est corporel et ce qui est incorporel ; savoir, le vent qui de sa nature est subtil et impétueux, et c’est par ce symbole qu’il l’instruit ; il dit du vent : « Vous entendez bien sa voix, mais vous ne savez d’où il vient, ni où il va ». Quand il dit : « Il souffle où il lui plaît » ; il ne veut pas dire que le vent s’emporte à son gré, mais il veut marquer son impétuosité et sa force irrésistible. C’est la coutume de l’Écriture de parler ainsi des choses inanimées[1] : comme lorsqu’elle dit : « Les créatures sont assujetties à la vanité, et elles ne le sont pas volontairement ». (Rom. 8,20) Ce mot donc : « Il souffle où il lui plaît », signifie qu’on ne peut le retenir, qu’il se répand partout ; que personne ne peut l’empêcher d’aller de côté et d’autre, et qu’il se déchaîne avec une grande violence, nul ne pouvant arrêter son impétuosité.
2. « Et vous entendez bien sa voix », en d’autres termes, le bruit, le son : « Mais vous ne savez d’où il vient, ni où il va : il en est de même de tout homme qui est né de l’Esprit » : c’est là la conclusion. Si vous n pouvez pas, dit-il, expliquer l’impétuosité du vent, que l’ouïe et le tact vous font sentir, et s vous ne connaissez pas la route qu’il suit pourquoi cherchez-vous curieusement à sonder l’opération de l’Esprit-Saint, vous qui ne comprenez pas la violence du vent, quoique vous en entendiez le bruit ? car ce mot : « Il souffle où il lui plaît », est dit de la puissance du Saint-Esprit, et c’est ainsi qu’il faut l’expliquer. Si personne ne peut arrêter le vent, et s’il souffle où il lui plaît, ni les lois de la nature, ni les bornes des générations corporelles, ni quelqu’autre chose que ce puisse être, ne pourront à bien plus forte raison empêcher l’opération de l’Esprit-Saint. Or, que ce soit du vent qu’il est dit : « Vous entendez sa voix », c’est ce qui est évident : Jésus-Christ n’aurait pas dit à un infidèle, à un ignorant, en voulant parler de l’opération de l’Esprit-Saint, « vous entendez sa voix ». Comme donc on ne voit pas le vent, quoiqu’il fasse du bruit, de même on n’aperçoit pas des yeux du corps la génération spirituelle : et néanmoins le vent est un corps, quoique très-subtil : car tout ce qui est soumis aux sens est un corps. Si donc ce n’est ni une peine, ni un chagrin pour vous, de ne pas voir un corps, ni aussi une raison d’en nier l’existence, pourquoi vous troublez-vous quand vous entendez parler de l’Esprit-Saint ? pourquoi demandez-vous tant de comptes, puisque vous ne faites pas de même à l’égard d’un corps ? quelle est donc la conduite de Nicodème ? Après un exemple si clair, il demeure encore dans ses basses idées, dans sa grossièreté juive ; et comme dans le doute, où il persiste toujours, il dit encore à Jésus-Christ : « Comment cela se peut-il faire ? (9) » Le divin Sauveur lui répond plus durement : « Quoi ! vous êtes maître en Israël, et vous ignorez ces choses ? (10) » Considérez toutefois que jamais il ne l’accuse de malice, que seulement il lui reproche sa grossièreté et sa stupidité.
Mais qu’a de commun, dira-t-on, cette génération avec ce qui s’est passé parmi les Juifs ? mais plutôt dites-moi, je vous prie, ce qui ne s’y rapporte pas. La création du premier homme, la formation de la femme tirée de son côté ; les femmes stériles devenues fécondes, et tout ce qui a été opéré par l’eau et sur les eaux, savoir : dans la fontaine d’où Élisée retira le fer qui y était tombé ; les prodiges qui se sont faits au passage de la mer Rouge ; les miracles arrivés à la piscine dont l’ange remuait l’eau (Jn. 100,5), et la guérison miraculeuse de Naaman de Syrie dans le Jourdain ; toutes ces choses, dis-je, étaient comme des figures et des symboles de la génération

  1. C’est-à-dire, d’attribuer du sentiment et de la raison aux créatures insensibles.