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d’intimider Nicodème, qui avait parlé selon son esprit et sa capacité ; mais, après avoir gagné sa confiance, il l’élève à une plus grande connaissance, en disant : « Si on ne renaît d’en haut » : ce mot, « d’en haut », les uns l’entendent du ciel ; d’autres disent qu’il signifie « de nouveau » : Celui, dit-il, qui ne renaît pas de cette manière, ne peut point voir le royaume de Dieu, c’est-à-dire, Jésus-Christ lui-même ; par là il faisait connaître qu’il n’était pas seulement ce que l’on voyait au-dehors, mais que, pour le voir, il fallait avoir d’autres yeux.
Nicodème ayant ouï cela, dit : « Comment peut naître un homme qui est déjà vieux ? (4) » Quoi ! vous l’appelez maître, vous dites qu’il est venu de la part de Dieu ; et à celui que vous reconnaissez pour votre maître, vous faites une réponse qui peut l’embarrasser et le jeter dans un grand trouble ! En effet, cette parole : « Comment », exprime le doute d’une âme peu croyante et encore attachée à la terre. Sara rit en disant : « Comment », et ce rire marquait son doute et sa défiance, et plusieurs autres, pour avoir fait une pareille demande, se sont égarés de la foi.
3. C’est ainsi que les hérétiques, faisant de semblables demandes, s’obstinent dans leurs hérésies. Les uns disent : COMMENT s’est-il incarné ? d’autres : COMMENT est-il né ? Par où ils soumettent l’immense substance à leurs faibles lumières. Nous donc, fuyons une curiosité si mal placée. Ceux qui agitent ces sortes de questions ne sauront jamais comment ces choses se sont faites et perdront la vraie foi. Voilà pourquoi Nicodème, dans son doute, cherche et demandé : COMMENT. Il a compris que ce que disait Jésus-Christ le regarde ; il en est tout troublé ; couvert de ténèbres, il s’arrête et ne sait où aller. Il a cru venir trouver un homme, et il entend une doctrine trop grande et trop élevée pour qu’elle puisse venir d’un homme, une doctrine que jamais personne n’a entendue : véritablement Jésus-Christ élève son esprit aux sublimes paroles qu’il lui a fait entendre, mais Nicodème retombe dans les ténèbres et ne peut en sortir : il ne peut se fixer, il est emporté de toutes parts, souvent il s’écarte de la foi. C’est pourquoi il persiste à tenter l’impossible, afin d’engager Jésus-Christ à lui enseigner plus clairement sa doctrine. « Un homme », dit-il, « peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour naître encore ? »
Considérez, mes frères ; quels propos ridicules on profère, quand, dans les choses spirituelles, on se livre à ses propres pensées ; et comment on semble débiter des rêveries dignes d’une personne ivre, lorsque, contre la volonté de Dieu, on veut trop curieusement sonder sa parole, et ne pas soumettre sa raison à la foi. Nicodème entend parler de naissance, et il ne comprend pas que c’est d’une naissance spirituelle qu’on parle ; mais il tourne sa pensée sur la méprisable génération de la chair, et veut rattacher un mystère si grand et si sublime à l’ordre de la nature. Delà ces doutes, ces questions ridicules ; c’est ce qui fait dire à saint Paul : « L’homme animal n’est point capable dès choses qui sont de l’Esprit de Dieu ». (1Cor. 2,14) Mais toutefois Nicodème garde le respect qu’il doit à Jésus-Christ : il ne rit pas de ce qu’il a entendu : il le regarde comme impossible, il se tait. Deux choses pouvaient paraître douteuses : cette nouvelle naissance et le royaume. Car ces noms de royaume et de renaissance étaient encore inconnus parmi les Juifs ; mais il s’arrête principalement à la première de ces choses : voilà ce qui agite son esprit et le tourmente le plus.
Instruits de ces vérités, mes chers frères, ne raisonnons pas sur les choses divines, ne les comparons pas aux productions de la nature, et ne les soumettons pas à des lois nécessaires ; mais, confiants aux paroles de l’Écriture, croyons pieusement à tout ce qu’elle nous enseigne. Celui qui sonde avec trop de curiosité ne gagne rien, et outre qu’il ne trouvera point ce qu’il cherche, il sera de plus très-rigoureusement puni. Vous dit-on que le Père a engendré ? Croyez ce qu’on vous dit ; ne cherchez point à connaître COMMENT : vous ne le savez pas ; que ce ne soit point une raison pour vous de refuser de croire à cette génération ; c’est en quoi il y aurait une extrême méchanceté. Si Nicodème, ayant ouï parler de génération, non de l’ineffable génération, mais de la renaissance qu’opère la grâce ; si, dis-je, Nicodème, pour n’avoir pas élevé son esprit, n’avoir rien pensé de grand, n’avoir conçu que des idées basses, humaines et toutes terrestres, s’est précipité dans le doute et dans les ténèbres, ceux qui sondent et examinent curieusement cette redoutable et si respectable génération, qui surpasse notre raison et toutes nos pensées, quel supplice ne mériteront-ils pas ? Rien ne produit de plus épaisses ténèbres