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Mais pour quelle raison Jésus-Christ ne dit-il pas quels miracles il faudrait pour les empêcher de faire le mal, et leur en promit-il un ? Parce que s’il leur avait tenu ce premier discours, il les aurait bien plus irrités, et que de l’autre manière il les étonna davantage. Toutefois ils ne répliquèrent rien, car jugeant qu’il disait quelque chose d’incroyable, ils n’eurent plus la force de l’interroger, et comme si ce qu’il avait dit eût été impossible, ils le laissèrent tomber. S’ils avaient eu un peu de sens, quelque incroyable que leur eût paru cette assurance, après lui avoir vu faire beaucoup de miracles, ils l’auraient alors interrogé, alors ils l’auraient prié de les tirer de leur doute ; mais comme ils n’étaient que des fous et des insensés, à de certaines choses ils ne donnaient pas même la moindre attention ; à d’autres ils prêtaient l’oreille, mais avec un esprit malin et corrompu. Voilà pourquoi Jésus-Christ leur parlait énigmatiquement et par figures.
Maintenant on demande pourquoi les disciples n’ont pas connu que Jésus-Christ ressusciterait d’entre les morts ? C’est parce qu’ils n’avaient pas encore reçu la grâce du Saint-Esprit : entendant donc souvent parler de la résurrection, ils n’y comprenaient rien ; mais ils recherchaient en eux-mêmes ce que cela pouvait être. En effet, ce que disait Jésus-Christ était étonnant et inouï : que quelqu’un pût se ressusciter soi-même, et se ressusciter de cette manière. C’est pourquoi Pierre fut repris, parce que n’ayant aucune connaissance de la résurrection, il disait à Jésus-Christ : « Épargnez-vous à vous-même tous ces maux ». (Mt. 16,22) Avant sa résurrection, Jésus-Christ n’a point révélé à ses disciples ce mystère, de peur qu’il ne fût pour eux un sujet de scandale, et qu’ils ne doutassent de la réalisation d’une prédiction aussi étrange, ignorant encore qui était Jésus.
Car, si personne ne fait difficulté de croire ce dont les œuvres mêmes et les faits donnent clairement la preuve, il y avait toute apparence qu’à l’égard de ce qui ne serait fondé que sur la parole seule, tous n’auraient pas la même foi. Voilà pourquoi Jésus-Christ permit d’abord que son langage demeurât obscur mais quand il amena ses paroles à réalisation, alors il en donna l’intelligence et il répandit sur ses disciples la grâce du Saint-Esprit avec tant de profusion, qu’aussitôt ils comprirent toute la vérité. Le Saint-Esprit, disait-il, « vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit ». (Jn. 14,26) En effet, des disciples, qui dans un seul soir perdent tout le respect qu’ils avaient eu jusque-là pour leur maître, qui l’abandonnant, s’enfuient tous ; qui soutenaient qu’ils ne le connaissaient point, se seraient très-difficilement souvenus de ce qu’ils avaient ouï, et de ce qu’ils avaient vu depuis longtemps, s’ils n’avaient reçu de l’Esprit-Saint une grâce abondante.
Mais, direz-vous, si c’est le Saint-Esprit qui devait les instruire, quelle nécessité y avait-il qu’ils demeurassent avec Jésus-Christ, ne comprenant pas ce qu’il leur disait ? c’est parce que le Saint-Esprit ne leur a rien révélé, mais seulement les a fait ressouvenir de tout ce que Jésus-Christ leur avait dit. Au reste, que le Saint-Esprit fût envoyé pour rappeler la mémoire de tout ce qu’avait dit Jésus-Christ, cela ne contribuait pas peu à sa gloire, Certainement c’est par un pur bienfait de Dieu, qu’au commencement la grâce du Saint-Esprit s’est répandue sur eux avec tant de profusion et d’abondance ; mais c’est ensuite par leur vertu qu’ils ont conservé un si grand don. Car leur sainteté rendait leur vie illustre, leur sagesse éclatait, leur travail était continuel : ils méprisaient la vie présente, ils ne faisaient aucun cas des choses de ce monde ; ils étaient au-dessus du reste des hommes, et s’envolant en haut avec la légèreté des aigles, ils s’élevaient jusqu’au ciel par leurs œuvres.
Nous-mêmes aussi, mes frères, imitons-les : n’éteignons pas nos lampes, mais conservons les brillantes par nos aumônes. C’est ainsi qu’on entretient la lumière de ce feu. Faisons donc provision d’huile dans des vases pendant que nous vivons. Après notre départ de ce monde nous ne pourrons point en acheter, ni en recevoir d’ailleurs que des mains des pauvres : faisons-en, dis-je, une bonne provision, si nous voulons entrer avec l’Époux dans la chambre nuptiale : que si nous ne la faisons pas, nécessairement nous demeurerons dehors. Car, quand même nous ferions mille bonnes œuvres, il est impossible, il est, dis-je, impossible d’entrer sans l’aumône dans la porte du royaume du ciel. C’est pourquoi répandons largement nos aumônes sur les pauvres, afin que nous jouissions de ces biens ineffables, que je vous souhaite, par la grâce et la miséricorde