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le plus à s’adresser à Jésus. Saint Jean le déclare ouvertement, en disant : « Jésus vint à Cana en Galilée, où il avait changé l’eau en vin » (Jn. 4,46) ; non seulement en vin, mais en un vin excellent.
3. Tels sont les miracles de Jésus-Christ : ils surpassent de beaucoup parleur excellence les effets de la nature. Ainsi, pour les membres qu’il a redressés, il les a rendus plus forts et plus robustes que ceux qui ont toujours été sains et vigoureux non seulement des serviteurs, mais encore le maître d’hôtel et l’époux, allaient donc certifier que c’était là du vin et un vin excellent ; et ceux qui avaient tiré l’eau devaient naturellement déclarer que Jésus-Christ avait fait le miracle de la changer en vin, en sorte que ce prodige ne pouvait manquer d’être à la fin révélé. C’est ainsi que Jésus s’était réservé pour l’avenir bien des témoignages nécessaires. Les serviteurs étaient témoins qu’il avait changé l’eau en vin, le maître d’hôtel et l’époux, que ce vin était bon. Et il y a aussi toute apparence que l’époux répondit quelque chose quand il goûta le vin : mais l’évangéliste, se hâtant de passer à des choses plus nécessaires, s’est contenté de raconter le fait, et il a omis tout le reste. Il importait qu’on sût que Jésus avait changé l’eau en un bon vin ; mais saint Jean n’a pas jugé nécessaire de rapporter la réponse que fit l’époux au maître d’hôtel. En effet, un grand nombre de miracles ont été au commencement dans l’obscurité, qui, dans la suite des temps, sont devenus célèbres, ceux qui les avaient vu opérer en ayant fait un exact et fidèle récit.
Alors donc Jésus changea l’eau en vin ; dès lors et maintenant il ne cesse point d’améliorer de même nos volontés lâches et rebelles. Il est des hommes, il en est, dis-je, qui ne diffèrent point de l’eau, tant ils sont froids, mous et flottants ! Ces sortes de gens ainsi malades, amenons-les à Jésus-Christ, afin qu’il change leur volonté ; à l’eau il donnera la qualité du vin : ils coulent et se répandent de tous côtés, il les rendra stables et solides, et ils seront un sujet de joie et pour eux-mêmes et pour les autres. Mais qui sont ces hommes froids ? Ce sont ceux qui s’attachent aux biens passagers de cette vie, ceux qui ne méprisent pas les plaisirs de ce monde, ceux qui aiment la gloire et la puissance. Toutes ces choses sont fragiles et passagères : elles coulent avec rapidité et disparaissent en un instant ; celui qui est riche aujourd’hui, demain sera pauvre ; celui qui marche aujourd’hui précédé d’un héraut, ceint d’une écharpe, monté sur un char, escorté de plusieurs licteurs, est souvent le lendemain jeté dans une obscure prison, et laisse malgré lui à un autre son pompeux équipage. L’homme voluptueux et dissolu, après s’être rempli l’estomac, ne peut pas, un seul jour même, se contenter de sa plénitude ; mais tout se dissipant et s’évaporant, il est obligé d’ingurgiter encore ; en cela il ne diffère pas d’un torrent car comme dans un torrent les flots qui coulent se pressent les uns les autres ; nous de même d’un repas nous courons à un autre. Telle est la nature des choses de ce monde, elles n’ont point de stabilité : toujours elles coulent, toujours impétueusement elles sont emportées.
Mais les délices de la table, non seulement coulent et passent, mais encore elles nous créent mille embarras. Se répandant avec violence, elles détruisent la force du corps et la vertu de l’âme. Non, les plus rapides flots des fleuves qui viennent à se déborder n’ont pas coutume de faire tant de ravage sur leurs bords qu’en fait la bonne chère dans notre santé, dont elle entraîne avec soi les fondements. Voyez, interrogez un médecin, il vous dira que c’est de là que viennent toutes les maladies : une table couverte de mets simples et communs entretient la santé. Ne point se rassasier, demeurer sur son appétit, c’est là ce qu’ils appellent se bien porter : manger modérément, disent-ils, c’est santé : « La table frugale est la mère de la santé ». Que si la frugalité est la mère de la santé, sans doute l’intempérance est la mère des infirmités et la cause de maladies qui surpassent l’art des médecins : maux aux pieds, à la tête, aux yeux, aux mains ; tremblements, paralysie, jaunisse, fièvres continues et ardentes, et beaucoup d’autres encore que je n’ai pas le temps de détailler. Toutes ces maladies sont causées, non par la diète ou par un régime sobre, mais par l’excès des viandes et par l’intempérance.
Que si vous voulez maintenant examiner et connaître les maladies que suscitent à l’âme l’excès dés viandes et l’intempérance, vous trouverez que c’est de cette malheureuse source que sortent l’avarice, la mollesse, la mélancolie, la paresse, la concupiscence et l’ignorance. Les âmes qui font leurs délices de