Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/207

Cette page n’a pas encore été corrigée

les deux ensemble. Il a fallu condamner à là mort le genre humain et le ressusciter, mais il a dû y avoir un grand intervalle entre ces deux événements. Il a fallu donner la loi et la grâce, mais non pas à la fois : la loi et la grâce ont dû être dispensées chacune dans son temps. Jésus-Christ n’était donc point assujetti à la nécessité des temps, lui qui, comme créateur, a prescrit au temps l’ordre qu’il a voulu établir. Saint Jean fait dire ici à Jésus-Christ : « Mon heure n’est pas encore venue », polir montrer qu’il n’était pas encore bien connu ; et qu’il n’avait pas encore entièrement rempli le collège de ses disciples. André et Philippe le suivaient, mais nul autre avec eux : ou plutôt, tous ceux-ci ne le connaissaient pas comme il faut, ni même sa mère, ni ses frères. Car après tant de miracles ; l’évangéliste parlant de ses frères, dit : « Ses frères ne croyaient pas en lui » (Jn. 7,5) : de même pour ceux qui étaient aux notés, ils ne le connaissaient pas. S’ils l’avaient connu, ils se seraient approchés de lui, et, dans lé besoin où ils se trouvaient, ils l’auraient prié d’y avoir égard.
Jésus dit donc : « Mon heure n’est pas encore venue ». Je ne suis pas encore connu de ceux qui sont ici, présents, et même ils ne savent pas que le vin leur mangue : attendez qu’ils le sachent. Il ne convenait pas que vous me fissiez cette demande, étant ma mère, vous rendez le miracle suspect, il fallait que ceux qui sont dans le besoin vinssent s’adresser à moi, et me prier, non que j’aie besoin de leurs prières, mais afin qu’ils reçussent mon bienfait avec pleine adhésion. Car lorsque celui qu’une urgente nécessité presse, obtient ce qu’il demande ; il en a une vive reconnaissance ; mais celui qui ne s’est pas encore aperçu du besoin où il est, rie connaît point aussi tout le prix du bien qu’on lui fait.
Mais, repartirez-vous, pourquoi, après avoir dit : « Mon heure n’est pas encore venue », et avoir refusé, fit-il ensuite ce que sa mère lui avait demandé ? Afin que si l’on voulait faire des objections, et prétendre qu’il était assujetti à l’heure, on connût, à n’en pouvoir douter, qu’il n’était nullement assujetti ni à l’heure, ni au temps. En effet ; s’il eût été assujetti à l’heure, comment, l’heure convenable n’étant point encore arrivée, aurait-il pu faire ce miracle ? De plus ; il l’a fait par égard pour sa mère, pour ne pas paraître la contrarier, pour qu’on n’attribuât pas son refus à faiblesse et à impuissance, pour ne pas couvrir sa mère de confusion dans une si grande assemblée car elle lui avait déjà présenté les serviteurs. Ainsi, après avoir dit à la Chananéenne : « Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens » (Mt. 15,26) néanmoins, touché de sa persévérance, il lui accorda ensuite ce qu’elle demandait ; et quoiqu’il dît : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis de « la maison d’Israël, qui se sont perdues » (Id. 24) ; toutefois, après unetelle réponse, il guérit sa fille.
2. D’où nous apprenons, mes frères, que souvent par la persévérance nous nous rendons dignes de recevoir des grâces et des bienfaits, quelque indignes que nous en puissions être. C’est pourquoi la mère de Jésus attendit, et fit sagement approcher de lui ceux qui servaient, afin que plusieurs le priassent ensemble. C’est aussi pour cette raison qu’elle ajouta « Faites tout ce qu’il vous dira (5) ». Car elle savait parfaitement bien que ce n’était point par impuissance qu’il avait refusé, mais parce qu’il fuyait l’éclat, et qu’il ne voulait pas sembler chercher l’occasion de faire un miracle ; voilà pourquoi elle fit approcher ceux qui servaient.
« Or, il y avait là six grandes urnes de pierre, pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs, dont chacune tenait deux ou trois mesures (6).
« Jésus leur dit : Emplissez les urnes d’eau et ils les emplirent jusqu’au haut (7) ». Ce n’est pas sans sujet que l’évangéliste a dit : « Pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs » ; mais c’est de peur que quelque infidèle n’eût peut-être lieu de soupçonner qu’il était resté de la lie de vin dans ces vases, et qu’on n’eût qu’à y jeter et à y mêler de l’eau, pour obtenir un vin fort léger ; voilà, dis-je, pourquoi saint Jean dit : « Pour servir aux purifications qui étalent en usage parmi les Juifs » ; par là il fait voir qu’on n’avait jamais gardé de vin dans ces urnes. En effet, comme il y a une grande disette d’eau dans la Palestine, et qu’il est rare d’y trouver des sources et des fontaines, tes Juifs avaient soin d’avoir toujours des urnes pleines d’eau, pour n’être pas obligés de courir aux fleuves, s’ils contractaient par hasard quelque impureté, et pour avoir sous leur main de quoi se purifier.