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non pour entrer dans la maison, mais pour, l’en faire sortir et le prendre à part. C’est pourquoi il dit : « Qui est ma mère et qui sont « mes frères ? » Non pour faire une injure à sa mère, Dieu nous garde d’une telle pensée, mais pour lui rendre le plus grand service en lui apprenant à concevoir une idée plus juste de sa dignité. S’il avait soin des autres, et s’il n’omettait rien pour leur inspirer la juste opinion qu’ils devaient avoir de lui, à plus forte raison le faisait-il pour sa mère ? Et comme il y a de l’apparence qu’ayant entendu ce qu’avait dit son Fils, elle ne voulut pourtant pas lui obéir, mais avoir le dessus, comme étant sa mère, c’est aussi pour cette raison qu’il lui fit cette réponse. En effet, Jésus ne l’aurait pas tirée de la basse opinion qu’elle avait de lui, ni élevée aux grands et sublimes sentiments qu’elle en devait avoir, si elle s’était toujours attendue à être honorée de son Fils comme sa mère, au lieu de le regarder comme son Seigneur et son Maître. C’est donc pour cette raison qu’il lui répondit alors : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? »
Il y en avait d’ailleurs une autre qui l’obligeait à parler de la sorte : c’est qu’on aurait pu tenir pour suspect le miracle qu’il allait faire ; car c’était à ceux qui étaient dans l’indigence et dans le besoin à le prier, et non pas à sa mère. Pourquoi ? Parce que les plus grands prodiges, s’ils sont faits a la prière de parents, perdent le plus souvent beaucoup de leur mérite au jugement de ceux qui en sont témoins ; mais quand les pauvres demandent et supplient eux-mêmes, le miracle cesse d’être suspect, les éloges qu’on en fait sont purs et, sincères, et le fruit en est considérable.
3. En effet, si un excellent médecin, venu pour visiter plusieurs malades dans leurs maisons, au lieu d’apprendre leur état de leur bouche même, ou de celle de leurs proches, est seulement supplié par sa propre mère, dès lors il sera suspect et incommode aux malades ; et ni ces infirmes, ni ceux qui sont auprès d’eux n’en espéreront beaucoup : Voilà pourquoi Jésus-Christ reprit alors sa mère, eu lui disant : « Femme, qu’y a-t-il entre vous et moi ? » Et ce fut là pour elle un avertissement de ne pas recommencer. Car s’il tenait à honorer sa mère, il avait encore bien plus à cœur son salut, et le bien qu’il devait faire au monde, s’étant pour cette fin revêtu de notre chair : ce n’était point là parler avec hauteur à une mère, mais veiller sagement sur ses paroles, et pourvoira ce que les miracles s’opérassent avec la dignité convenable. Au reste, qu’il honorât beaucoup sa mère, il n’en faut point d’autre preuve, pour, négliger toutes les autres, que la réprimande qu’il lui adressa ; cette sévérité montre même un grand respect comment ? la suite, vous le fera voir.
Pensez donc à ces choses : Rappelez-les-vous, lorsque vous entendrez une femme dire : « Heureuses sont les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles qui vous ont nourri », et Jésus répondre : « Mais plutôt heureux sont ceux qui font la volonté de mon Père » (Lc. 11,27-28) ; et soyez persuadés, que c’est dans la même intention et dans le même esprit qu’il répond de la sorte à sa mère. Jésus ne fait pas à sa mère cette réponse pour la rebuter, mais pour lui déclarer qu’il ne lui serait nullement avantageux de l’avoir enfanté, si elle n’était très vertueuse et très fidèle. Or, s’il n’eût été d’aucune utilité à Marie d’avoir enfanté Jésus-Christ, à supposer que son âme n’eût pas été intérieurement ornée de vertu, à plus forte raison nous sera-t-il inutile à nous, qui n’avons rien de bon, d’avoir eu un père, un frère, un enfant, bons et vertueux, si nous sommes nous-mêmes éloignés de la vertu ; car David dit : « Le frère ne rachète point son frère, l’homme étranger le rachètera-t-il ? » (Ps. 48,7) En effet, après la grâce, de Dieu, on ne doit fonder l’espérance du salut sur nulle autre chose que sur les bonnes œuvres.
Autrement, si l’enfantement du Christ avait suffi pour le salut de la Vierge, la parenté selon la chair qu’avaient les Juifs avec Jésus aurait dû pareillement leur être utile, de même pour la ville où il était né et pour ses frères. Mais ses frères mêmes ne gagnèrent rien à une telle parenté, lorsqu’ils négligeaient le soin de lotir salut, et se firent condamner avec le reste du monde ; ils ne furent des objets d’admiration que lorsqu’ils eurent commencé à briller par leur propre vertu. De même, l’avènement du Sauveur n’a pas préservé Jérusalem d’être détruite et brûlée ; ni les Juifs, ces parents de Jésus selon la chair, d’être massacrés et de périr misérablement, parce que l’appui de la vertu leur faisait défaut. Mais les apôtres se sont élevés au-dessus de tous les hommes, parce que, par leur soumission et leur obéissance, ils sont véritablement